Sheriff d'or 2014 :vote final

C'est clair! Je m'en suis rendu compte après la discussion autour de "retour du kosovo". Je me suis dit le texte n'apporte rien dans cette BD. Finalement Jérôme avait raison quand il a critiqué la narration de "Love in vain".

Le dessin de Mezzo m'a aveuglé.

Après quelques relectures, 4BDs sortent pour moi du lot (l'ordre donne n'est pas un ordre de préférence):Carnation, Love in vain, Vois comme ton ombre s'allonge et L'une l'envers. Avec quand même un coup de cœur pour Lune l'envers. Mais rien n'est figé.

Igor, c'est Colombo

Plus sérieusement, mon cher Igor, Lune l'envers semble susciter beaucoup de questions chez toi, je recense quatre interventions à son sujet.
Je t'invite à relire ma chronique qui, je l'espère, apporte un décryptage et donne des pistes de lecture.
Ta femme voudrait qu'on lui explique le scénario. Il n'y a pas de scénario, et c'est là où se situe le génie du livre. Il y a plusieurs thématiques abordées (la distanciation que l'artiste doit avoir - ou ne pas - par rapport au produit artistique, la bande dessinée, le monde moderne, le vieillissement, les rapports hommes-femmes, l'éternel féminin, etc.) qui permettent au lecteur une approche différente selon l'angle de lecture choisi. À toi ensuite de construire ta propre histoire, ton propre cheminement à travers les sillons plus ou moins tracés, à moins que tu préfères qu'on te raconte de belles choses avec un début, un milieu, et une fin, auquel cas, en effet, ce livre n'est vraiment pas pour toi

Igor a écrit:

Au fait, qui a compris l’Intérêt d'avoir les deux Lantz (20 et 45 ans) dans le même espace temps?

Je ne crois pas qu'ils apparaissent tous deux dans les mêmes séquences mais, encore une fois, il ne faut pas chercher de logique de fragmentation ou défragmentation temporelle. C'est comme un film de Fellini : le rêve et la réalité (ou bien la perception d'une certaine forme de réalité) s'emboîtent et guident un récit déstructuré dans lequel naviguent un Lantz qui n'est autre que l'incarnation de l'auteur tel qu'il est aujourd'hui et à l'âge de ses débuts dans la bd, et une égérie féminine intemporelle. C'est le fantasme qui prend le pas sur la réalité, mais de manière très cohérente.
La compréhension du livre est multiple, et le titre est là pour le rappeler : Myrte ne parle-t-elle pas de L'une l'envers ?

pas de scénario, tu y vas un peu fort. Pour qu'un truc comme ça tienne debout, au contraire, je crois que c'est ultra écrit.
Concernant les deux Lantz, je ne vois pas en quoi ils sont un problème ? le problème, c'est Liebling qui traverse le temps, non ? Il n'y a qu'elle qui est en lien avec les 'deux' Lantz ?

J'aurais voulu donner plus d'avis sur les livres de ce shérif, en tout cas pour ceux qui le mérite. Mais une semaine un peu trop chargée ne m'a pas permis de refaire toutes les lectures que je m'étais fixée. Dommage. Je m’attèle à la tache dès que possible, sachant qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.

Je viens quand même de relire Lune l'envers et j'ai un peu l'impression d'avoir lu un nouveau livre, non pas que j'avais oublié la première lecture mais plutôt par la multiplicité des angles de lectures possible d'un tel bouquin. Si ça se trouve, en le relisant dans quelques temps, ce sera encore autre chose. C'est plutôt pas mal que rien ne soit entièrement figé dans une lecture, le plaisir est ainsi prolongé.

En seconde lecture, Voit comme ton ombre s'allonge s'avère aussi particulièrement agréable. Un beau moment de poésie.

Par contre, Carnation, m'a un peu déçu, j'ai trouvé ça un peu long cette fois.

Je poursuis mes lectures mais, pour moi, il est clair que Ulysse reste très présent dans mon esprit.

Comme Joco, la deuxième lecture de Carnation m'a un peu moins enthousiasmé. C'est un peu long, malgré des qualités assez formidables.

Lune l'envers reste un de mes favoris, pour toutes ces belles raisons que Fred explique si bien

Sinon je reste assez sensible à Coeur glacé,

et plus particulièrement enthousiaste pour Vois comme ton ombre s'allonge, Panthère ou Orientalisme.

Je fais un dernier point demain (en finissant de relire Ulysse) mais je reste assez ouvert sur mes choix.

après relecture, le blutch est toujours très bien, je n'en doutais pas. Un grand livre. Mais après relecture, Vitesse Moderne, ou encore plus Peplum, sont des livres formidables.
Je pense encore que Lune L'envers n'est pas le meilleur Blutch.

Vois comme ton ombre descend d'un cran pour moi, il est assez inégal.

Allons nous voter pour le meilleur Blutch ou pour le meilleur Shériff 2014 ?
Je l'ai relu aussi, ( c'est plutot trés bien ) mais je me suis interdit de m'intéresser au reste de son oeuvre ( si, j avoue, je n'ai pu m'empêcher de feuilleter Vitesse moderne hier à la librairie, mais c'est tout ), pour ne me pas me laisser influencer par le soi disant dieu Blutch et, pour rester concentrer sur Lune l'envers uniquement.

oui, mais l'on a opposé à Orientalisme que ça n'est pas le meilleur Presl, donc ça doit être rédhibitoire,non ?

Les livres ne se prêtent pas tous de la même façon à la relecture, comme le dit Joco, "Lune l'envers" a plusieurs axes de lecture et les niveaux de compréhension évoluent à la relecture, c'est intéressant mais c'est voulu, un peu comme Panthère.

Carnation est un livre de première intention, moins propice à la relecture, oui c'est long mais on ne va pas quand même pas le rabaisser pour ça ?
J'ai moi aussi relu Panthère et Cœur Glacé, j'ai mieux apprécié le premier et moins le second où une fois l'issue connu, la lecture est moins palpitante (permettez moi l'expression). Néanmoins Cœur Glacé n'en demeure pas moins un livre assez inventif et audacieux tant dans le dessin que dans le traitement graphique, texte et dessin se superposent parfaitement.

eraserhead a écrit:

oui, mais l'on a opposé à Orientalisme que ça n'est pas le meilleur Presl, donc ça doit être rédhibitoire,non ?

Perso, je fais abstraction, on est là pour juger des titres avant tout, sinon on peut aussi dire qu'on le donne à Gipi pour l'ensemble de son œuvre avec notamment la réédition de son magnifique "S" cette année, livre qui mériterait le prix.

Joco a écrit:

Je viens quand même de relire Lune l'envers et j'ai un peu l'impression d'avoir lu un nouveau livre, non pas que j'avais oublié la première lecture mais plutôt par la multiplicité des angles de lectures possible d'un tel bouquin. Si ça se trouve, en le relisant dans quelques temps, ce sera encore autre chose. C'est plutôt pas mal que rien ne soit entièrement figé dans une lecture, le plaisir est ainsi prolongé.

Merci, Joco.
C'est ce que je me tue à répéter.
Certaines œuvres ne se donnent pas immédiatement, il faut aller les chercher, c'est ce qui fait tout leur intérêt. On ne peut pas refermer Lune l'envers[i] en poussant un soupir et en pensant à la demi-heure qu'on vient de perdre, ou alors on n'a pas l'étoffe d'un juré. Si ce qu'on attend d'une bd, c'est uniquement du divertissement, un divertissement de qualité comme peut l'être [i]Les Vieux Fourneaux certes, mais un divertissement quand même, on fait fausse route dans le jury (et là je m'adresse aussi aux candidats 2015, en espérant qu'ils nous lisent).
Je souhaite faire la promotion de livres intelligents dont la lecture amène à une réflexion sur l'art et la manière. Il y a une dimension d'effort et de curiosité évidentes que le jury doit fournir dans sa manière d'appréhender les lectures. On doit être amené à rechercher, approfondir les points sensibles, creuser. Pour ça, rien de tel que l'écriture qui permet de structurer sa réflexion autour des grands thèmes retenus et explorés de ses lectures.
Lune l'envers est l'exemple parfait de la bande dessinée qui conduit le lecteur vers des pistes de réflexion et d'imagination.

De retour depuis qq heures, je tente de rattraper le fil de vos discussions...
Après qq relectures (je n'aurais malheureusement pas le temps de relire l'ensemble des shériffs mensuels), Vois comme ton ombre s'allonge et Carnation sont mes poulains!

Entièrement d'accord Fred !!!!
Lune L'envers est une oeuvre ouverte, passionnante. Mais cabotine aussi. Je préfèrerai toujours la persévérance de Presl, qui se heurte à une incompréhension incompréhensible, mais qui en chie pour essayer tant bien que mal de tenir une ligne (remarquable, rare, pertinente, rigoureuse, radicale). C'est plus facile pour un Blutch de faire du Blutch, je crois. Il est reconnu (alors tu vas me dire moins par le public, mais bon, quand je parle de blutch à la plupart de mes fréquentations, tout le monde voit de qui je parle ; ça n'est pas vrai pour Presl).

Alors oui, Lune l'envers, c'est génial, mais j'aurai du mal à m'enthousiasmer. Pour cette raison.

Je viens soutenir un peu CARNATION. La relecture a renforcé la force, la puissance et l'intelligence de l'oeuvre. L'invention et les innombrables pistes métaphoriques du dessin sont en permanences au services de la narration. Elles sont le plus souvent éblouissantes et incroyablement pertinentes.

MUSSAT ne porte jamais un regard complaisant sur son parcours professionnel et son parcours personnel, c'est ce qui rend la lecture difficile, éprouvante, une lecture que l'on peut ressentir comme étouffante.

La relecture est difficile, mais déjà la première lecture n'était pas toujours une "partie de plaisir". Par contre je pense qu'elle apporte énormément à la compréhension de l'ambition de l'auteur. livre somme qui interroge beaucoup et de façon très politique le monde professionnel de la bd dans toutes ses dimensions. Cela ne m'était pas apparu aussi clairement à la première lecture (je comprends vite mais il faut m'expliquer longtemps ...). Qui interroge les relations humaines toujours en lien avec les relations sociales: familles, amis, amours, relations professionnelles.

Je crois que le livre n'est pas Long (d'ailleurs ça veut dire quoi un livre long ? trop long pour qui ?) A mon avis, il n'y a aucune longueur dans CARNATION... je pense qu'il est impossible d'enlever la moindre planche, la moindre CASE. On a jamais le sentiment d'un effet de remplissage.... l'oeuvre est DENSE mais cohérente d'un bout à l'autre par rapport à la volonté de MUSSAT de nous raconter SON histoire.

On en reparle tous ensemble ce soir !

La relecture de LUNE L'ENVERS & du GIPI confirme l'incroyable force de ces deux livres. La puissance émotionnelle de nombreuses planches est bouleversante ... j'ai souvent été au bord des larmes... ils ouvrent les portes de nos émotions et de nos interprétations, chacun peut trouver sa propre interprétation, son propre chemin narratif ... sa propre résonance.
" Chef-d'oeuvre " intemporels qui peuvent toucher tout le monde ... si on veut bien s'en donner la peine.

Après les relectures déjà réalisées, Lune l'envers et Vois comme ton ombre s'allonge restent dans mes favoris. On les aborde tous 2 avec un regard différent et il y a plein de détails que l'on peut voir sous un autre angle qu'en 1ère lecture (ils étaient tous 2 sortis vainqueur de sélections plutôt riches). L'émotion et la poésie dominent pour le second, tandis que la réflexion, l'intelligence de la construction, l'impertinence et l'humour grinçant ressortent d'avantage chez Blutch.
Je suis habité des mêmes sentiments pour Lune l'envers que pour L'empire de l'atome l'an passé : je pourrais les lires 10 fois et toujours trouver matière à de nouvelles réflexions...

Pour Carnation c'est différent, mais il passe chez moi très bien le cap de la relecture et je retrouve les qualités qui m'avaient poussé à voter pour lui. C'est foisonnant, dense, intelligent et sans concession.

Love in vain passe beaucoup moins le cap. Lors de cette relecture je savais le dessin somptueux, mais c'est au niveau de l'écriture que ça coince. Les allusions diaboliques omniprésentes sont lourdes à digérer lorsqu'on ne se laisse plus subjuguer par la magie de Mezzo.

Pour Ulysse ce n'est pas une relecture puisque je l'ai découvert ce matin pour la première fois. Il entre dans mon quatuor de favoris. Je n'ai pas encore trop eu le temps de le digérer et il faut que je relise vos com concernant cette œuvre pour mieux m'en imprégner.

Panthère passe également la relecture avec brio, mais l'ambigüité et le sentiment de mal-à-l'aise dominent trop pour qu'il ait une chance ce soir.

Citation :

Panthère passe également la relecture avec brio, mais l'ambigüité et le sentiment de mal-à-l'aise dominent trop pour qu'il ait une chance ce soir.

Dans Lune l'envers, on glorifie le fait de piquer les idées d'une femme. Et là pas de mal-à-l'aise sur le fait que dans le monde de la BD et surtout notre futur, rien n'a changé. Toujours l'homme qui domine sans aucun égard pour les femmes.
Bon elle se venge un peu à la fin. Mais la vengeance je ne suis pas sûr que cela apporte un bénéfice. Il y a un point positif. C'est qu'elle s'extirpe de la destiné que lui propose maman.


Par contre, parler de l'entrée dans le monde des adultes d'une jeune fille cela choque beaucoup plus, surtout si il y a du sexe en filigrane. Il faut cacher le sujet. Et en attendant l'âge moyen de rentrée dans la prostitution en France c'est juste 14 ans (source US du SNES).

Le Gipi a quand même une sacrée gueule, hein...
Presl est un bon prétendant aussi, si l'on réfléchit à l'esprit ( es-tu là ? ) du sheriff
De Moor m'a plu davantage encore à la troisième lecture
J'ai fermé les yeux devant le dessin de Mezzo et suis tombée dans le vide
le brillant Blutch est dans son monde un tantinet élitiste dont il n'ouvre les portes qu'à un public choisi

je regrette de n'avoir pas pu relire Carnation qui m'avait fait forte impression (je le feuilletterai avec des doigts propres tout à l'heure si l'on m'y autorise )
... ainsi qu'Ulysse, pour comprendre ce qui vous enthousiasme à ce point

je n'ai pas relu non plus White Cube (ouf) ni Vacuum qui sont d'ores et déjà outsiders pour moi

reste cette Panthère qui convoite non pas une jeune fille, Igor, mais une petite fille. Nuance. Mais comment l'exclure du fait du thème choisi ? C'est une oeuvre forte et marquante...