Une bien belle sélection dont j'ai déjà lu trois livres sur quatre !

Ça ne va pas être facile de choisir ce mois pour moi.

J'ai vraiment aimé ces quatre livres et chacun pour des raisons et des qualités différentes, c'est finalement assez rare dans une sélection de ne pas avoir un titre en dessous des autres. Pereira me paraît au dessus du lot et me semble le plus complet et le plus abouti, je compte bien les relire et j'ai aussi hâte de voir les avis des membres du jury pour confirmer ou non cette opinion.

Quatre très bons titres effectivement.
Mais je ne partage pas forcément "l'évidence" de Pereira Prétend qui ne se détache pas spécialement du lot pour moi.

Des relectures donc, pour un choix qui va s'avérer ardu.

Belle sélection avec 4 bons livres très différents les uns des autres. Cela démontre ci-nécessaire, les formidables possibilités d'expression de la BD.

Lu le très anecdotique album de petit roulet. Lu aussi monsieur désire, qui, sous un bel enrobage, envoie une histoire d'une banalité confondante: l'aristo hautain aux failles profondes, la bonne assez moche, le couple improbable, etc... Pereira ne va pas souffrir d'une grosse opposition avec ces deux là.

Je te trouve bien sévère, j'ai vu plus de finesse que la description un peu grossière que tu retiens de "Monsieur Désire", finesse dans les dialogues, ampleur dans les personnages et leurs relations, élégance dans le dessin, les mouvements, je reste juste un peu sur ma faim sur la fin, avec un dénouement qui s'emballe un peu trop rapidement à mon goût et un tantinet déséquilibré avec un récit qui prends son temps sur sa première moitié.
Je ne partage pas non plus le caractère anecdotique de "l'ombre de soi même" qui dit beaucoup de choses sur quelques brèves, j'aime ce genre de livre qui n'en fait pas des tonnes et qui sait aller à l'essentiel, sans fioriture et avec malice.

Entièrement d'accord avec Can.

Avec une petite nuance concernant le dénouement de Monsieur Désire? qui je trouve donne une toute autre dimension au récit, principalement sur la personnalité, la vie et l'ambition de la servante (beaucoup moins sur lui effectivement, qui reste plus stéréotypé).
Une fin très réussie.

Je n'ai pas eu l'impression que l'ombre aille vraiment à l'essentiel... Quel essentiel, le propos reste bien. Inoffensif et il n'en reste pas grand chose au final.

Concernant monsieur désire, je suis d'accord sur la finesse du trait, moins sur l'écriture qui m'a parue bien quelconque. J'ai senti en revanche un scenario balisé, qui enchaîne les évidences, évidences qui culminent avec la peinture des domestiques.

Super Gomont, mais
Pas de victoire avant d'avoir livré combat ; des surprises, on en a eu, on en aura.

Pas mal une sélection avec trois livres parmi les cinq finalistes du grand prix de la critique ACBD 2017 .

http://www.bodoi.info/grand-prix-de-la-critique-et-prix-jeunesse-acbd-les-finalistes/

J'élimine "Monsieur désire ?", lecture très agréable, histoire réussie, mais qui présente aussi des déséquilibres, notamment entre les deux personnages.
Je ne garderai pas non plus "l'ombre de moi-même" - là encore, un bon moment, mais aussitôt lu, aussitôt oublié. Je préfère relire encore une fois, et avec délice, "Les équinoxes" de Pereira, pour trouver un quinqua divorcé, maladroit avec sa progéniture, irritant avec son ex, paumé et désabusé
Il me reste, à ce stade, Pereira et Shangri-La. Je pars pour une relecture de ce dernier - ainsi que de vos avis éclairés, chers membres du jury !

Petit copié-collé histoire d'animer le débat et le forum

eraserhead a écrit:

Un autre point qui me gène dans Shangri-La , c'est sa trop grande dépendance au cinéma. Ça se sent beaucoup dans les pages silencieuses, et dans le rythme du récit.

Là où Pereira ne cultive que les codes propres à la bd, avec maîtrise et liberté à la fois, dans le trait, les couleurs, et dans le fond aussi ; Pereira me semble plus subversif dans son propos politique que Shangri-La que je vois comme un copié-collé (gros comme un vaisseau spatial) de notre société dans un contexte futuriste ... à l'inverse Pereira tout en nous plongeant dans un passé qui fut bien réel, nous ramène au présent et aux risques qu'encourt une société encline au conservatisme et au retour à l'ordre ... Shangri-La me semble être dans le constat alors que Pereira amène plus à la refléxion sur ce qu'est l'engagement politique mais pas que, d'ailleurs, l'engagement envers la vie en générale, c'est surement pour cela que je le préfère d'ailleurs, il y a une dimension philosophique, métaphysique qui dépasse la dimension politique ou du moins l'accompagne, là où Shangri-La me semble un peu trop enfermé dans son genre ; sous ses airs classiques Pereira, bien que ce soit une adapation me semble plus libre que Shangri-La ...

Manue a écrit:

Là où Pereira ne cultive que les codes propres à la bd, avec maîtrise et liberté à la fois, dans le trait, les couleurs, et dans le fond aussi ;

Et pour le texte aussi ?

Concernant la dimension subversive, il ne faut pas exagérer non plus !! Cela dit, l'approche de Pereira te parle plus, le constat un brin nihiliste de Shangri-La me convient tout autant, et j'y vois aussi la volonté d'amener à réfléchir. Trop enfermé dans son genre ? Comme si la dimension generique était par essence négative... Comme si le genre était quelque chose dont il fallait se liberer...

Je pense qu'en terme de création artistique, au delà de la question du genre, il est bon de se libérer du préexistant, c'est ce qui définit la ('vraie' -débat dans le débat- ) création , non ? maintenant je te l'accorde , j'y vais un peu fort mais c'est pour prendre parti et lancer un peu le débat ... sur la question du texte, je ne me sens pas assez calée pour en juger, j'aurai bien aimé lire le roman mais pas le temps, je laisse le soin à d'autres , plus connaisseurs, d'exposer leurs points de vue ...

J'ai le roman à la maison. Je vais le relire pour pouvoir répondre à ta question Manue - et à ma propre curiosité

Merci Feufollet ,je suis curieuse également de ta réponse

Arrivée à mi-chemin dans ma lecture du roman, il ressort que Gomont a bien réussi à faire sienne l'histoire de Pereira. Il respecte la chronologie des évènements, tout en passant sous silence certains épisodes (une rencontre dans un train avec une belle femme juive allemande, qui lui demande ce qu'il compte faire pour lutter contre la montée de l'autoritarisme dans son pays).
Dans le livre, les idées de Pereira sont présentées de façon plus directe - il est conscient du caractère fasciste du gouvernement de Salazar, il regrette plusieurs fois de n'avoir pas eu de fils et reconnaît reporter ce manque sur le jeune Rossi, en lequel il retrouve aussi le jeune homme qu'il était, beau et léger.
Il me semble que la BD nous offre un personnage évanescent, aux idées plus flottantes, détaché du monde extérieur et qui se fait "ancrer" par la vie de façon inattendue - alors que le roman présente un personnage plus conscient dès le début.
J'attends de voir comment est présenté les différentes "âmes" en combat.

Sur la question de ce tic insupportable (la répétition de 'pereira prétendu à longueur de pages) ?

Que d'échanges intéressants !

Mais voilà, nous sommes le 26 et il n'y a qu'un seul vote. Tout le monde serait dans le même questionnement que moi ? Difficile de choisir pour ce mois de septembre !
En ce qui me concerne, la première difficulté vient du fait que ces lectures datent. Septembre, pensez donc ! Il y a longtemps que je suis passé à autre chose. Il a donc fallu relire, enfin, feuilleté pour être plus honnête.
Et donc, mis à part la très anecdotique Ombre de Moi Même que l'on va écarter de suite, il en reste trois de très bonne facture. Comment choisir ?
Bon, regardons l'objet. J'ai sous les yeux trois "beaux livres", les éditeurs ont fait du beau boulot et les imprimeurs aussi. Ce sont des livres magnifiques, soignés et du plus bel effet dans ma bibliothèque. On s'en fout, sauf que parmi ces trois se glisse un intrus puisque j'ai l’immense plaisir d'admirer la version noir et blanc de Monsieur Désire (merci mes libraires que j'aime) et ça fait la différence. En effet, la version classique en couleur est, à mon avis un peu moins bien réussie. Ceci n'étant qu'un prétexte pour ne pas avouer les petits défauts d'un scénario un peu moins approfondi que pour les deux autres. Hop, j'écarte.
Reste le gros de la sélection, Shangri-La et Pereira Prétend, comment choisir entre ces deux livres sublimes que peu de choses rassemblent. Comment les départager tellement ils sont différents et excellents, chacun dans son style, son dessin, son écriture ? La courte paille, ce ne serait pas honnête !

De longues minutes passent......

Je re-feuillette l'un, puis l’autre. Je reviens au premier (me ressert un whisky, deux doigts, pas plus) et ainsi de suite.

Bon, avouons-le, il va falloir faire un choix sur le genre. Sciences fiction or not ? Non, décidement, ce n'est pas le bon angle...

Alors, quoi ? L'auteur ? Je n'ai jamais rencontré Mathieu Bablet mais ces productions précédentes, tant dans Doggy Bag qu'en album, tendent à dire que cet auteur de caractère semblent promis à un bel avenir dans la bande dessinée. J'aime beaucoup ! Mais j'aime aussi beaucoup Pierre-Henry Gomont que j'ai eu le plaisir de croiser deux fois en dédicace à la librairie (encore merci les libraires..). Et c'est un homme charmant, honnête dans son travail. je veux dire par là, qu'il semble mettre tout son cœur dans ses bouquins. Et nous avons été parfois un peu dur avec son travail sur ce forum. Enfin, quand je dit "on", pas moi, car j'ai toujours soutenu ses créations.
Bon alors pour l'honneur, je crois que mon vote ira finalement à Pereira Prétend.

Pour l'honneur, mais pas que....

eraserhead a écrit:

Sur la question de ce tic insupportable (la répétition de 'pereira prétendu à longueur de pages) ?

On retrouve la tournure "Prétend -il" ou "Pereira pretend" à la fin de chaque chapitre et presque toujours au début. Les chapitres couvrent 10 pages au maximum et il y a ce leitmotiv toutes les 2-3 pages. Je ne trouve pas çà envahissant ou énervant - ça nous rappelle que le sous titre de ce roman est " un temoignage".
Ces répétitions rappellent au lecteur que le narrateur retranscrit les confidences de Pereira, que l'on se trouve peut être dans une deposition...Parfois il indique que celui ci ne veut pas donner plus de détails parce que "ça  n'a rien à voir avec cette histoire".
Ce qui le déconcerte le plus, c'est que cette phrase est au présent quand tout le reste de la narration est au passé :
"Puis il revenait de sa baignade et le rêve continuait, c'était vraiment un beau rêve, mais Pereira préfère ne pas dire comment cela continuait, parce que son rêve n'a rien à voir avec cette histoire, pretend-il"

Mais le prof de français serait mieux à même que moi pour analyser tout ça

Manue a écrit:

Pereira me semble plus subversif dans son propos politique que Shangri-La que je vois comme un copié-collé (gros comme un vaisseau spatial) de notre société dans un contexte futuriste ... à l'inverse Pereira tout en nous plongeant dans un passé qui fut bien réel, nous ramène au présent et aux risques qu'encourt une société encline au conservatisme et au retour à l'ordre ... ..

On dirait bien que le monde de Pereira est de plus en plus un copié collé de notre société encline au conservatisme et au retour à l'ordre, en plus d'une consommation effrénée

Non, ce que je trouve agaçant, c'est qu'à chaque fois que je le lis dans la bd, ça ne me ramène pas au narrateur, mais au fait que cette bd est une adaptation d'un texte littéraire (ce procédé est éminemment litteraire- pour bien comprendre, au cinema, il aurait fallu trouver une 'traduction' visuelle, l'usage d'une voix off serait trop simple et 'peu' cinematographique) et l'impression que ça me donne, c'est que justement à chaque fois l'album revient se ranger dans les jupes de son modèle, sans nous en livrer une analyse ou une critique (comme toute bonne adaptation).
Mais pour pouvoir dire ça,il faudrait que j'aie lu le roman ...

Voilà un extrait du livre si ça peut faire avancer le débat
http://www.google.fr/url?sa=t&source=web&cd=8&ved=0ahUKEwikpJ_ms8fQAhWQF8AKHRT4AN0QFggrMAc&url=http%3A%2F%2Ffleche.org%2Fbts2%2Fpereira3.pdf&usg=AFQjCNFr0SgwQmy9MZt9SExzs6t6Pnu3Iw

Je te cite Eraserhead

"On s'est déjà frotté à la question de l'adaptation. Certains ont eu du mal à accepter les emprunts directs au texte d'origine (ulysse, le paradis perdu)..." , donc si je comprends bien, pas toi , dans ces cas-là ? mais à l'inverse, pour Pereira, cela te dérange...

Tu poses ensuite la question :
"... Qu'est-ce qui est différent ici ? ..." , je me permets de te la renvoyer ... ton "ressenti" me semble très subjectif mais je me trompe peut-être...

je mets la suite afin de ne pas tronquer ton propos
"L'anaphore "Pereira prétend" a l'air d'être empruntée au texte de tabucchi non ? Bonne idée romanesque sans doute, elle est ici passablement pénible.
Les récitatifs sont généralement inutiles et contredisent totalement, il me semble, la subtilité dans l'exercice d'adaptation que vous avez voulu y voir."

D'après Feufollet, PH Gomont semble avoir fait certains choix et nous livre SA vision de Pereira ...