Le Paradis Perdu, de Auladell (Actes Sud / L'an 2)

Ne faire aucune modification n'équivaut pas à ne pas apporter un supplément d'âme personnel et/ou en obtenir un ne passe pas non plus par les modifications qu'on est capable d'y apporter. On peut changer pleins de choses sans parvenir à s'extraire de l'original, comme on peut garder la même ligne tout en faisant quelque chose d'infiniment personnel mais aussi de différents. Nombreux sont ceux qui imaginent cette chanson naît de la main de Cobain en persone car dans la façon dont il a interprété ce jour là (et de façon prémonitoire), c'est toute la noirceur de sa personne qui ressortait : I gazed a gazeless stare, At all the millions here, I must have died alone, A long, long time ago.
Pour revenir à nos moutons, tu as totalement raison, je ne le conteste pas et en aucun cas je n'ai dit que ce livre n'était pas formidable car les textes ne sont pas les siens, l'auteur a bien évidemment composé un livre unique, ce n'est absolument pas une pâle copie de Milton ou des textes bibliques (qui au passage ont déjà suscité de nombreuses inspirations dans le monde du 9ème art, remenber Universal War one).
Je voulais juste dire que quand la matière première est d'un tel niveau, ça rends les bases un peu plus solides.

mais quand un cinéaste adapte une oeuvre littéraire, on ne se pose pas la question, même si les mots sont les mêmes !

Pourquoi dans une bd, ça questionne ? L'écriture de bande dessinée, ce n'est pas les mots, c'est l'image, enchaînée à la suivante, parfois à l'aide d'un texte. Le texte est un élément subsidiaire. La question de l'écriture en bande dessinée, c'est où je place mon image par rapport aux autres dans une planche, dans un enchaînement de textes (pas obligatoire) et d'images, selon un rythme défini en premier lieu par la page.
C'est de ça dont on parle non ?

eraserhead a écrit:

Le texte est un élément subsidiaire.

Ton affection pour la bande dessinée muette ne t'égare-t-elle pas un peu ?

eraserhead a écrit:

L'écriture de bande dessinée, ce n'est pas les mots, c'est l'image, enchaînée à la suivante, parfois à l'aide d'un texte. La question de l'écriture en bande dessinée, c'est où je place mon image par rapport aux autres dans une planche, dans un enchaînement de textes (pas obligatoire) et d'images, selon un rythme défini en premier lieu par la page.
C'est de ça dont on parle non ?

Ceci mis à part, je dis OUI !

non.

dans le sens où une bande dessinée sans texte (écrit, apparaissant dans le corps de l'oeuvre) est possible, alors qu'une bande dessinée sans image non.

Si.

http://www.labandepasdessinee.com/bpd/393-traducteur-2

https://www.google.fr/search?q=on+eteint+la+lumiere+et+on+se+dit+tout&biw=1600&bih=766&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=9WpkVev5JYiU7AbVoYGwAg&ved=0CAcQ_AUoAg

J'en étais sûr... tu es d'accord que dans les deux exemples cités (dont l'un s'appelle la bande pas dessinée ) le texte est mis en image (cadrage, place dans la vignette, et par conséquent, dans la page, ligne, tracé, ...). Les deux exemples choisis ont l'air en tout cas particulièrement attirants !

PS :
ça c'est une image :



ça ça en est moins une :

- Chérie, tu m'envoies un texto quand tu pars de chez Sophie ? lança-t-il tout naturellement. Ce qui signifiait, au fond de lui-même "je vais me branler sur internet".

Très beau livre que ce Paradis Perdu.
Écriture remarquable, harmonie d'un texte que le travail plastique inspiré parvient à magnifier.
Je regrette toutefois un certain nombre de cases "en trop" dont l'utilité narrative n'est pas évidente et une baisse d'intensité du récit à partir du livre trois.

c'est marrant, cette histoire de case en trop. Le livre est aéré, permet de prendre son temps dans un récit dense. J'ai de mon côté préféré les choses où le lecteur a de l'espace, plutôt que les amas visuels indigestes.
Cela dit, "en trop" veut dire que le rythme de la narration est heurté par la présence de cases qui n'y trouvent aucune utilité, or je pense que justement elles permettent une fluidité dans la lecture, et un équilibre dans la planche.

Moui, la contemplation pour la contemplation…
Nécessaire au rythme ou remplissage ?

Je ne sais pas si pour un livre de cette pagination, on peut parler de remplissage ! Quand il faut arriver à 48 pages, et que ça rame, on peut peut-être, mais là, je pense que l'enjeu est surtout de resserrer au maximum, de faire passer le plus d'éléments sélectionnés dans le texte source avec le plus de moyens visuels et narratifs, et de rendre le tout le plus accessible possible au lecteur.

et cela dit n°2, la contemplation pour la contemplation, c'est une belle question qui traverse l'histoire de l'art et trouve des éléments de débat notamment à la Renaissance, durant le XIXe, souvent d'ailleurs en rapport avec un retour de figures antiques, et il me semble que Le Paradis Perdu s'inscrit un peu dans cette histoire-là.

D'accord, ce n'est donc pas de la bande dessinée (?)

Pourquoi ???

Habituellement, ton discours s'oriente autour du médium bande dessinée et de la façon qu'ont les uns et les autres de s'approprier et réinventer un langage bd. Car, je te cite, "c'est bien de ça dont on parle". Ce qui semble t'intéresser s'attache à la narration séquentielle et les champs possibles pour mettre en place un écriture originale. Tu as défendu l'an dernier avec une grande justesse Marc-Antoine Mathieu en argumentant dans ce sens (si je peux me permettre).
Or, maintenant, tu parles Histoire de l'art. Tu as parfaitement raison, Paradis Perdu semble lorgner vers les canons de la Renaissance. Est-on encore dans de la bande dessinée ? Les cases "évanescentes" ont-elles leur utilité narrative ?

oui, parce que non seulement elles impulsent un rythme particulier à la lecture (sans doute), mais aussi parce qu'elles permettent ces rapprochements et tiennent un discours qui est central dans ce livre. Il serait plus facile d'argumenter en ayant un exemple, parce que pour moi, il n'y a pas de gras dans ce livre, au contraire, tout est au cordeau.

Exemples (mais j'entrevois ta réponse ) :

ça n'est pas la peine que je réponde alors...





Au risque de te décevoir, je vais quand même m'y essayer !
Concernant la première, arrives-tu à  imaginer l'enchaînement entre la précédente page (208) et la page suivante (210) sans celle-là ? Tu vois bien qu'il y a besoin d'une transition, que donnent les deux pages en vis-à-vis, le décor de la page 208 semblant déborder sur le décor de la page suivante, vidant l'espace, et permettant d'une part de rejeter l'épisode suivant à la double page suivante, et d'autre part de marquer la fin par une régression d'échelle vers un plan général, alors que la bataille avait été traitée en gros plan.

le chapeau qui tombe a droit à sa page, je ne vois pas quel est le problème, une idée, une page, c'est une conception de la bd plutôt habituelle, et oui, l'idée pouvait être traitée en 2 cases, mais il aurait sans doute eu plus de mal à faire ressentir le flottement du chapeau d'un côté de l'autre.

En tout cas, pour ces deux exemples, elles me paraissent essentielles.

Pour utiliser une comparaison cinématographique, certains pourraient trouver quelques longueurs dans deux ou trois plans d'Antonioni, et ressentir un léger ennui à la vision de L'eclipse, par exemple. Cependant, la durée fait partie totalement du processus d'écriture, et ici de l'impression souhaitée par le réalisateur : une mélancolie qui advient non pas des mots, du récit, mais de la durée, du cadrage, de la couleur (dans le Desert Rouge), etc...

Je ressens ce qu'a écrit Auladell de la même façon.

Très bien.
Je n'en attendais pas moins
Merci.
As-tu prévu de t'exprimer au sujet de La Favorite ?

à quel sujet ?

Bon, alors voilà, c'est fait. Je l'ai lu. L'expérience est faite. Quoi d'autre ?
Ce livre me laisse vraiment perplexe, il est indéniable qu'une force l'habite, la puissance du dessin, la construction des pages ou simplement la justesse du ton du récit. Bref, cette lecture ne laisse pas indifférent. Mais, en même temps, tout ça ne produit pas grand chose au final. Je veux dire que je ne me suis pas vraiment senti concerné par le propos.

De mon côté, j'y ai trouvé bien plus d'émotions que dans La Favorite-que-j'aime-bien.

ça raconte quoi ? l'amour, la fidélité, le pouvoir, la trahison... Touché...? On est plus facilement touché par un récit direct, au 1er degré (qui n'empêche pas d'en avoir une lecure riche et multiple), qui use d'effets pour cela (suspense, etc) que par un récit qui cherche à mettre à distance les éléments-mêmes du récit pour être au plus proche du sens métaphorique.

Et bien moi, je n'ai pas été aussi emballée que vous à la lecture de soit-disant "chef d'oeuvre" ...

Déjà, au début de la lecture, je me suis dit : "C'est quoi ces envolées lyriques et ce dessin avec un semblant de déjà-vu ??"
Mais après avoir tourné quelques pages, j'ai été emportée par cette adaptation du récit de John Milton, et les dessins m'ont fait voyager jusqu'à la Renaissance ... Et j'ai ressenti le besoin de découvrir la biographie et les oeuvres de cet auteur du 17ème siècle.

Certes ce roman graphique est une prouesse technique, révélant un esthétisme hors normes !

L'histoire du "Paradis perdu" est retranscrite dans sa totalité et bravo à Pablo Auladell pour la mise en dialogues !

Oui, au final, cette bd m'a plu et ce plongeon dans les références bibliques est quelque peu salutaire ...

Le vote sera difficile, par rapport à "La favorite" !!