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| Junker de Simon Spruyt | |
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+11gagadinorux eric eraserhead Erine naphtalene feufollet fabulous Airmic Joco Can fred 15 participants | Auteur | Message |
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fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Junker de Simon Spruyt Mar 17 Mar 2015 - 22:00 | |
| Le danger vient toujours de là où on l'attend le moins. La théorie est d'autant plus vraie que dans un monde en guerre presque perpétuelle, quand l'ennemi gronde aux portes de l'empire et que les alliances se font et se défont au gré des traités signés et bafoués, tout ce qui viendrait à troubler une stabilité familiale héritée de siècles de bravoure serait vécu comme un cataclysme. Les junkers représentent une noblesse prussienne dont l'influence politique s'est répandue à travers l'Allemagne de Bismarck. Junker désigne également le fils de propriétaire terrien fraîchement incorporé dans l'armée. Le livre qui nous intéresse se déroule à l'orée du XXe siècle et fait état des deux acceptions. Les von Schlitt ont deux fils, Oswald, l'ainé déterminé, et Ludwig, le narrateur réservé mais caustique. Tous deux intègrent dès le plus jeune âge une école militaire selon la tradition dite du « cadet royal » : « en reconnaissance des actes du père, le roi se charge de la formation du fils ». En l'occurrence, les « actes » du père prennent chair en raison d'un « bout de jambe perdu pour la patrie ». La mère, elle, est absente, retenue en Suisse pour soigner une tuberculose qui a tout de la maladie diplomatique, ce dont personne n'est vraiment dupe. Demeurer éloignés les uns des autres vaut du reste peut-être mieux pour les enfants, le tempérament aigre de la mère renforcé par l'écœurement d'un monde qui tend à favoriser le dialogue entre les classes sociales pouvant possiblement saper le beau moral des futurs beaux officiers. Cette distanciation que la modernité semble peu à peu effacer, Simon Spruyt la formalise avec une grande idée, celle de focaliser l'attention du lecteur sur les von Schlitt, leurs très proches ainsi que ceux dont ils sont les obligés, en offrant des traits à leurs visages alors que ceux du reste du monde, ces « hordes barbares » que méprise Frau von Schlitt, arborent tous le même smiley qui symbolise leur insignifiance, tant aux yeux de la famille que sur plan des enjeux narratifs. Unis jusqu'au bout. Unis face à l'adversité de la foule anonyme. Et unis, nos cadets le restent, devant la cruauté adolescente que la discipline militaire parvient à peine à gommer et l'obsolescence d'un enseignement guerrier qui se gargarise du panache d'un mouvement de cavalerie à l'heure où l'industrie dégurgite des joyaux de modernité tels le cuirassé Nassau, dont Oswald affiche la photographie, ou Maxim, la toute nouvelle mitrailleuse que Ludwig tutoie immédiatement et dont il deviendra dans son contingent le seul expert et manipulateur. Ce décalage existe aussi dans le ton qu'emploie Spruyt à travers la mélancolie atavique du junker à qui il a confié la narration. Le fardeau de l'héritage et de la tradition, l'austérité paternelle, la routine militaire sont sans cesse confrontés à la lucidité et au cynisme de la langue d'un Ludwig qui observe méthodiquement les ressorts de la comédie humaine qui se joue tout autour de lui. Son écriture grinçante dénonce en creux la vacuité des existences liées à un idéal qui leur échappe, l'inéluctabilité de la rédemption quand la rébellion mène à l'irréparable, le mensonge comme celui de l'allée des tilleuls du domaine familial où pas plus d'ombre n'est portée sur quelque glorieux visiteur que d'ancêtres von Schlitt n'ont planté d'arbres. Sur la page de titre, au-dessous de Junker, il est précisé Blues de Prusse, comme pour insister sur l'amertume de Ludwig. Le bleu de Prusse, bleu nuit, bleu profond, est la couleur qu'adjoint Spruyt au noir dans l'élaboration de la bichromie qui illustre le récit. L'auteur manie double sens et sous-entendu avec brio. Il met aussi le lecteur à contribution, et dans l'appréciation des nombreuses ellipses qu'implique un récit très chapitré, et dans l'attention que requiert la densité des informations contenues dans chacune des cases des presque deux cents pages du livre. Comme dans une chanson bien écrite et bien arrangée, toutes les phases de Junker sont intéressantes et utiles à la narration ; le rythme est soutenu, les temps ne sont jamais morts. Par la maîtrise de son sujet, par la force littéraire et ironique d'un texte ciselé à l'extrême, par les superpositions de strates de bleu qui apportent aux cases de composition plutôt simple une grande profondeur de champ, par la justesse d'un dessin minimaliste qui épingle le comique de situation tout en respectant la trame tragique qu'impose le sujet (mentionnons toutefois la liberté d'une superbe double page où Ludwig, tel le Woody Allen de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe parcourt amoureusement la structure schématisée de Maxim), Spruyt signe avec Junker une bande dessinée exceptionnelle. À l'heure où l'uchronie est devenue une niche éditoriale à partir de laquelle des auteurs se mettent à réfléchir à des histoires, Spruyt prend la contrainte à rebours en admettant de manière implacable le chaos de l'Histoire selon le truchement d'un destin particulier. Le danger est toujours plus près qu'on ne l'imagine. | |
| | | Can Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2738 Age : 46 Localisation : Golden city Date d'inscription : 16/11/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Sam 21 Mar 2015 - 16:09 | |
| Très bel album, une lecture qui reste, qui marque, une belle édition aussi et un auteur avec un vrai univers. Difficile de trouver des défauts ou des choses à redire, et si le débat autour de cet album se situait là ? | |
| | | Joco Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2331 Age : 57 Localisation : Troisième à gauche Date d'inscription : 23/06/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Dim 22 Mar 2015 - 17:19 | |
| Lu en ce week end maussade et pluvieux. Une belle lecture avec son graphisme particulièrement attirant et une histoire bien menée dans un société bien loin de nos valeurs actuelles, même s'il y a surement encore des gens pour penser que c'était drôlement bien, voir des familles où les choses se passent encore de cette manière. La fin, très surprenante (mais pas tant que ça finalement) donne un nouvel éclairage à l'ensemble et indique clairement qu'il faut relire le livre avec toute une autre logique en tête. Bien vu !
Dernière édition par Joco le Mar 24 Mar 2015 - 21:41, édité 1 fois | |
| | | Airmic Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 52 Age : 37 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 05/02/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Lun 23 Mar 2015 - 16:08 | |
| Très peu de choses à ajouter suite à cette analyse. Cependant je reviendrais sur deux choses. Tout d’abord ladite union des deux frères. Ne traine-t-il pas tout au long du récit une rivalité entre les deux protagonistes? « - Oswald a été le meilleur de sa compagnie, et après l’été, Ludwig ira lui aussi à Köslin. - Parfait. ça lui fera du bien de se retrouver parmi ses semblables. Il est grand temps qu’il prenne conscience de sa haute naissance. » Cette rivalité est instaurée par les parents dès ce dialogue. Pendant ce temps Oswald prend plaisir à éjecter la boule de son frère du parcours de Cricket pour se garantir la victoire. De plus lorsque Ludwig remercie son « frère » suite à l’événement de la cantine, celui-ci lui rappelle qu’ «Ici, il n’y a pas de frère qui tienne! « Frère » c’est dans la vie civile! Entre ces murs, je suis « cadet von schlitt »… nous sommes tous deux « cadet von schlitt »! » Suite à cet altercation le visage du frère s’efface au même titre que les autres cadets pour laisser Ludwig seul au milieu de tous. Le second point sur lequel je reviendrai concerne l’affiche du cuirassé Nassau, qui n’est en fait pas affichée par Oswald mais par Ludwig. Dès son arrivée à Köslin il l’affiche sur l’étagère haute de sa bibliothèque, seule étagère où les cadets sont autorisés à laisser leurs objets personnels. La passion de Ludwig pour le Nassau est littéralement détruite et l’affiche laisse l'étagère libre pour manuel de la MAXIM. En tous cas, je suis complètement d’accord avec toi c’est une excellente bande dessinée. | |
| | | fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Mar 24 Mar 2015 - 10:42 | |
| Effectivement, très bien vu, Airmic, et mea culpa. Tu fais bien aussi d'insister sur cette rivalité fraternelle que je n'ai pas soulignée dans la chronique mais qui est évidente et démontrée parfaitement dans des détails qui sont toujours essentiels à la substance d'un récit. | |
| | | fabulous Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3244 Age : 41 Localisation : ... avec Mam'zelle Bulle ... Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 26 Mar 2015 - 21:16 | |
| - Can a écrit:
- Difficile de trouver des défauts ou des choses à redire, et si le débat autour de cet album se situait là ?
pas encore ... Blague à part, c'était mon chouchou pour ce mois mais quand le boss veut un livre, je lui laisse ! Bon je dois reconnaitre qu'en plus, sa chronique est plutôt pas mal hormis les quelques erreurs justement pointées par aimric, airmac, enfin machin ou airmic quoi C'est vraiment un livre superbe et d'une intelligence rare avec de très belles trouvailles, le smiley en tête. Je n'ai pas le livre sous la main mais je pense à quelque chose, j'ai l'impression que Ludwig trahit véritablement la tradition familiale en intégrant pas la cavalerie mais en se tournant vers une armée plus moderne. À vérifier bien sûr mais on en reparlera bientôt je pense. | |
| | | Airmic Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 52 Age : 37 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 05/02/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 26 Mar 2015 - 23:41 | |
| aimric/airmac si tu veux, mais "machin"… | |
| | | fabulous Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3244 Age : 41 Localisation : ... avec Mam'zelle Bulle ... Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Ven 27 Mar 2015 - 9:17 | |
| Roh boude pas, je m'y suis repris à trois fois pour écrire ton pseudo mais je voulais pas de faire de peine. | |
| | | Airmic Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 52 Age : 37 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 05/02/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Ven 27 Mar 2015 - 18:07 | |
| Sinon je suis complètement d'accord avec toi, Ludwig tranche radicalement avec la tradition familiale. D'abord sa passion pour le navire et ensuite pour la mitrailleuse. Il me semble même qu'il évoque le fait de devenir marin lorsque son frère lui présente la photo du Nassau. Oswald lui rappelle alors que les Von Schlitt ne sont pas des marins mais des cavaliers. Mais bon il faut vérifier. | |
| | | feufollet Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 633 Age : 46 Localisation : brioude Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Ven 27 Mar 2015 - 18:47 | |
| oui, oui, je confirme qu'Oswald lui assène que les Von Schlitt ne peuvent être que dans la cavalerie. | |
| | | naphtalene Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 1050 Age : 52 Localisation : dans les alpages Date d'inscription : 26/03/2008
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Sam 28 Mar 2015 - 17:14 | |
| un ex-cel-lent ouvrage que ce Junker, extrêmement abouti, et en tous cas un beau prétendant pour le mois prochain... mais nous en reparlerons ! | |
| | | Erine Stagiaire
Nombre de messages : 66 Age : 44 Localisation : Clermont Ferrand Date d'inscription : 30/01/2015
| Sujet: junker Lun 6 Avr 2015 - 16:24 | |
| D'abord merci Fred, pour cette belle présentation ... Je connais enfin la signification de "junker" !
Par plaisir, j'ai envie de re-situer l'histoire :
Début du XXe siècle, quelque part en Prusse. Ludwig et Oswald von Schlitt sont deux frères au destin tout tracé. Désormais seuls garants de l'honneur de leur nom - leur père a laissé sa jambe et son prestige au combat lors de la guerre franco-prussienne de 1870 - Ludwig et Oswald sont envoyés à l'école des cadets où ils apprendront à servir leur roi, l'impopulaire Guillaume II, et où Ludwig se prendra de passion pour la fameuse mitrailleuse Maxim, arme diabolique qu'il apprendra à maîtriser parfaitement, jusqu'à succomber à sa fascination et déclencher d'un coup de feu fatal la Première Guerre mondiale.
Et moi aussi j'ai adoré le style ...
Le dessin est basé sur un trait graphique aquarellé en monochrome avec un côté sombre, mais cette forme évite l'austérité, malgré la gravité du fond. Et il y a même une petite note d'humour avec les personnages secondaires en têtes de « smileys » … L'illustration a une certaine profondeur, qui sert à merveille un scénario marqué par la haine de la guerre et tout l'engrenage qu'elle suscite. Sans omettre les querelles familiales et le sens de la représentation. Dans cette bd, il apparaît une question d'honneur et de dignité pour servir son pays. Les jeunes personnages principaux révèlent bien la nécessité d'un enrôlement militaire pour une question de patriotisme. Mais « Junker » montre un certain détachement par rapport à l'histoire en centrant celle-ci sur le destin de deux futurs soldats, ce qui paradoxalement, mettra plus de sens pour une inhumanité inévitable. « Junker » est une bd vraiment puissante !
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| | | feufollet Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 633 Age : 46 Localisation : brioude Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 16 Avr 2015 - 13:01 | |
| Je reviens sur la rivalité et la jalousie des deux frères. Elle est bien sûr très présente, mais assez classique. Personnellement, j'y vois aussi un grand attachement et une des raisons du geste assassin et suicidaire de Ludwig. Quand, perdu dans la montagne, il vit en rêve une rencontre avec le Roi, représenté comme un géant, on perçoit bien toute les incompréhensions qu'il a par rapport au poids des conventions et de l'héritage familial. Mais le Roi, figure tutélaire, se moque de lui et écrase par inattention l'image d'Oswald... Ce grand frère, que Ludwig admire et redoute, qui cultive la rebellion et semble vouloir suivre d'autres chemins, est finalement foulé au pied de l'empire et réintègre le rang et le rôle qui devait lui échoir. L'empire a broyé la volonté d'Oswald, comme il a broyé la jambe du père ; comme il a aussi poussé sa mère à vivre retranchée dans son amertume et sa fierté... Le jeune Ludwig a trouvé dans le roi l'ennemi qui a ruiné la vie familiale, l'ogre qui se nourrit de ses enfants. | |
| | | fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 16 Avr 2015 - 17:00 | |
| Avouons-le, c'est sympa, ça fait plaisir, ça caresse dans le sens du poil, ça émoustille, ça fait des choses dans le bas du dos. | |
| | | eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 16 Avr 2015 - 17:02 | |
| ah ouais, facile, après, d'être shériff du mois ! | |
| | | Joco Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2331 Age : 57 Localisation : Troisième à gauche Date d'inscription : 23/06/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Dim 19 Avr 2015 - 14:44 | |
| Quand EspritBD devient une référence, le forum en est son expression mais le shérif c'est autre chose.... surtout qu'il y a un peu de concurrence ce mois.
En tout cas ce livre n'en fini pas de me questionner à chaque fois que j'en tourne les pages. Il faudra bien que je trouve le temps d'en faire une relecture complète et assidue. | |
| | | Can Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2738 Age : 46 Localisation : Golden city Date d'inscription : 16/11/2007
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Ven 24 Avr 2015 - 8:07 | |
| Ce livre mérite vraiment toutes les dithyrambes relatées dans ce dossier de presse, je l'ai relu et je ne peux que vous encourager à le faire également, la relecture s'avérant presque essentielle, non pas à la compréhension, mais à la bonne appréciation de tous les détails distillés ça et là. Je n'avais pas remarqué non plus la scène du jeu de croquet, je n'avais pas saisi non plus le lien entre certains personnages, aviez vous remarqué que Von Selasinski qui assiste Ludwig a lui aussi son casier, que son père a servi dans la chevauchée de la mort, et si nous supposions finalement qu'il est le plus précieux complice de Ludwig ? Ce livre est plein de subtilité, rien n'est gratuit, dans chaque planche l'auteur distille les éléments, la notion de famille et toutes les valeurs mais aussi les obligations qui y sont associés est à mon sens le cœur du sujet et de la réflexion, ça passe par la relation des deux frères, mais aussi celle avec les parents tout deux , très différents et relativement absents dans l'éducation de leurs fistons. On comprends petit à petit ce qui pousse Ludwig a commettre un tel geste, il parle souvent du vide, la vengeance joue un rôle, sauver son frère des balles ou l'envoyer sous les balles, les motivations sont plus ambiguës entre la forte rivalité qui les oppose et les liens du sang qui les unissent. | |
| | | eric Jury du Sheriff d'or
Nombre de messages : 278 Age : 49 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 11/11/2011
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Sam 25 Avr 2015 - 15:09 | |
| Je trouve que la très grande force de ce récit est la façon dont il fouille les relations fraternelles. C'est un thème classique, mais la façon dont il mis en scène ici me semble renouvelé. Même quand les intérêts divergent, qu'on passe le plus clair de son temps séparés, qu'on ne peut pas dire que l'attachement à nos parents nous réunis, il reste cependant un attachement incompréhensible et extrêmement fort : une attirance permanente, tantôt vecteur de concurrence, tantôt obligation de soutien. Cet amour fraternel qui n'arrive encombré est une vraie réussite.
Pour le reste, le livre est une merveille graphique ; on en prend plein les mirettes avec bien peu de couleurs. Et les smiley, en plus de fondre les autres dans le décors pour laisser toute la place au protagonistes qui nous intéressent, appuient aussi sur ce côté jugement mis en veilleuse de cette élite militaire. | |
| | | gagadinorux Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 858 Age : 49 Localisation : Cartons-ville Date d'inscription : 06/01/2013
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 30 Avr 2015 - 1:11 | |
| Un dessin qui ne m'a pas totalement séduit, mais en parfaite osmose avec le récit et en particulier avec la personnalité du narrateur, Ludwig, rendant l'ensemble d'une grande cohérence et d'une grande qualité.
Hormis le contexte historique, la rivalité fraternel et le rapport à la société aristocratique du début du siècle en Prusse, le livre m'a particulièrement touché par la personnalité de Ludwig, son détachement, sa passion pour cette mitrailleuse, machine parfaite, ou presque, et dont il sera l'ultime acteur de sa perfection, et une fin inattendue, et pourtant si prévisible, offrant un acte symbolique, anéantissant tout, l'ordre, la tradition, l'autorité, le pouvoir, la transmission, au profit non pas de la modernité mais d'un idéal sans but et si bien représenté par Ludwig. Un anéantissement total, et pourtant un recommencement perpétuel, comme une ironie cynique et dérisoire.
Il y a de la folie chez Ludwig au même titre que de la philosophie, un doux mélange narratif, cruel et froid, acerbe et mélancolique.
Récit uchronique comme une vanité, la grande guerre est la, inéluctable, imparable et indispensable, destin d'une humanité pitoyable.
Les dernières pages et le sourire béat (et graphiquement naïf) de ce soldat aux pieds de sa mitrailleuse et des tranchées jonchées de cadavres, ainsi que l'éternel recommencement annoncé sont très révélateurs de l'ensemble du récit, et de l'atmosphère particulière qui s'en dégage. | |
| | | Charles Olivier Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 295 Age : 53 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 24/02/2014
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 30 Avr 2015 - 4:36 | |
| Ce graphisme émouvant sert merveilleusement le vécu d'une éducation d'un autre temps dans un contexte historique où les repères vont être bouleversés. L'éducation ; c'est ce que j'ai ressenti comme colonne vertébrale tout au long de la lecture - peut-être déformé par mes priorités -. Très bel ouvrage, très consistant. | |
| | | Nico Stagiaire
Nombre de messages : 81 Age : 44 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 30 Avr 2015 - 8:38 | |
| Moi le final m'a donné des frissons ! Je ne l'ai pas vu venir une seconde, et je n'avais pas été aussi claquer par une fin depuis celle d'Astéries Polyp peut être !
De ces fins qui donne immédiatement envie de relire tout le livre ! | |
| | | Manue Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 610 Age : 48 Localisation : sous le soleil exactement Date d'inscription : 09/04/2014
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Jeu 30 Avr 2015 - 15:53 | |
| J’aimerai juste m’arrêter sur un aspect qui m’a paru intéressant, c’est la notion de vide : élement clef du récit mais aussi procédé graphique brillamment utilisé grâce à la technique du lavis et des jeux de réserves qu’elle permet, auxquels j’ajouterai une dimension philosophique. Ludwig comble le vide de sa mitrailleuse en le transformant en magasin pour les balles qui iront tuer le roi et ses ptits ‘camarades’, tout comme il me semble combler un autre vide , bien plus profond, existentiel, qui s’est lentement formé au contact de cette famille désunie, intransigeante et injuste. Cette bascule psychologique, subtilement décrite est une belle dénonciation de la violence humaine à petite (la cellule familiale), moyenne ( la tuerie à Köslin) puis grande échelle ( la première guerre mondiale) qui , sortie du contexte historique choisi par l’auteur, n‘est pas sans me rappeler de tragiques évènements plus contemporains . Ce bouquin est indéniablement à lire et à relire, la fin ,remarquable en effet, nous y invite habilement. | |
| | | Fred Somda Stagiaire
Nombre de messages : 64 Age : 49 Localisation : Cournon Date d'inscription : 06/02/2015
| Sujet: Re: Junker de Simon Spruyt Ven 1 Mai 2015 - 12:04 | |
| Temps de guerre et Junker sont tous deux des œuvres intéressantes. Mais le dessin de Junker est sublime. Dans l'esthétique pure comme dans la vie qu'il réussit à transmettre à ses acteurs. Il apparaît à la fois d'une forme très classique dans sa forme avec toutefois une inventivité et des trouvailles d'expression graphique que l'on se plait à découvrir page après page.. Les niveaux de lecture sont multiples et donnent à l'histoire une complexité passionnante qui pousse à la relire. Puis la relire encore.. L'écriture ne déçoit pas et est à la hauteur de ce que l'on voit. On est emporté par cette fresque historique et intime. On vit ce monde qui se meurt, au travers des propos distanciés du personnage principal. La critique qu'il fait de ses pairs et de son époque est implacable. Pour moi une œuvre aboutie et maîtrisée qui emporte mon adhésion!! | |
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| | | | Junker de Simon Spruyt | |
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