Les adaptations littéraires se suivent mais est ce qu'elles se ressemblent vraiment ?
Je ne saurai répondre mais force est de constater que les éditions Futuropolis semblent creuser le sillon et c'est carrément le directeur éditorial en la personne de Sébastien Gnaedig qui s'attèle cette fois-ci au roman de Sorj Chalandon, Profession du père, paru en 2015 chez Grasset.
N'ayant pas lu l'original, il est bien difficile de vous dire si l'adaptation est réussie ou du moins si elle apporte quelque chose dans son traitement au livre de Chalandon (ou à quoi ça sert
?), pourtant j'ose d'ores et déjà affirmer que le travail graphique de Sébastien Gnaedig via son trait fin, délicat et élégant apportera une forme de légèreté dont cette terrible histoire avait bien besoin, comme un contre poids à la violence et l’âpreté de ce qui va nous être raconté.
Profession du père n'est donc pas un album vraiment réjouissant, il s'agit de l'enfance terrifiante d'Emile Choulans dont on partage le quotidien pris entre un père fou, violent et manipulateur et une mère soumise et indifférente.
Il y a donc le père André, à la fois proche de De Gaulle, ex membre des compagnons de la chanson, ancien footballeur professionnel, en relation avec la CIA via Ted l'ami américain et parrain d’Émile, il est schizophrène et violent au possible, il se positionne dans toutes les causes et tous les combats, il est celui qui espionne des russes en pleine guerre froide, il est celui rendra l'Algérie à la France, il est celui qui tuera le général.
A coté il y a Émile et le regard de l'enfant sur une situation qu'il ne peut pas comprendre. Parce qu'il est un enfant. Parce que la famille vit en vase clos : jamais d'invités, pas de relations sociales, maison interdite aux petits copains, aucun moyen de comparer avec ce qui se passe ailleurs. Il est battu et doit assumer les missions que lui confie son père, des missions totalement insensées dans lesquelles il entrainera un compagnon de classe, pour à son tour devenir totalement mythomane.
Pourtant, il y a l’admiration et le respect, il y a l'amour qu'un fils porte à son père, même le pire des pères, le récit oscille entre tous ces sentiments contradictoires, entre l'épopée et le roman d'espionnage, entre la comédie et la tragédie. La complexité de la relation du père et du fils est parfaitement décortiquée au point où la cruauté peut devenir banale et la folie ordinaire. Il faudra des années à cette famille pour l'extirper et il sera bien souvent trop tard pour soulager les traumatismes d'une vie.
Magnifique livre qui méritera je l'espère toute notre attention, livre dans lequel il faut un peu de temps pour entrer, du temps pour s’immerger dans l'intimité de la famille. Avec beaucoup de pudeur et de simplicité, Gnaedig s'est emparé de l'histoire pour retranscrire fort justement les émotions et le juste nécessaire pour rendre compte, sans jugement ni aucune forme de pathos.