Taïpi (un paradis cannibale) est une adaptation du roman d'Herman Melville, auteur du célèbre Moby Dick.
Ce roman autobiographique raconte l'aventure qu'Herman Melville vécut en 1842 dans l'archipel des Marquises, alors aux mains des Français .
Embarqués sur un baleinier, Tom (Herman Melville) et Toby, son compagnon d'équipage, vont rapidement mettre les voiles, mais à terre cette fois-ci, pour échapper aux conditions déplorables à bord. Les deux compères vont s'enfoncer dans la jungle hostile en attendant le départ du Doly.
A l'ouest, les Hapaas, en bon terme avec les "blancs" avec qui ils pratiquent volontiers le troc.
A l'est, les Taïpis, tribu belliqueuse et cannibale.
C'est en essayant d'échapper à cette dernière pour rejoindre les Hapaas que les deux hommes finiront par se perdre dans ce labyrinthe de verdure, pour finalement rencontrer leurs sauveurs... ou leurs bourreaux! Tout le récit sera dorénavant construit autour de cette ambiguïté et de ce questionnement.
Tom, blessé gravement à la jambe sera soigné. Ils seront aussi nourris et logés, et participeront même à certaines cérémonies de la tribu.
Sont-ils chez les terribles canibales sanguinaires, protagonistes de toutes les histoires sordides de marins?
Sont-ils réellement libres ou sont-ils maintenus prisonniers?
Malgré tout, les hommes vont apprendre à se connaître et à s'apprécier tout en restant méfiants et intrigués.
Il y a bien sûr la barrière de la langue, mais surtout la peur de l'étranger (les cannibales pour les uns et la peur d'être mangés, ou les Français porteurs de maladies et de terreur pour les autres).
Toby, persuadé qu'ils ne sont que des prisonniers, décidera et parviendra à s'échapper, laissant Tom encore trop faible, tout en lui promettant de revenir le chercher.
Tom, resté seul dans la tribu, se liera d'amitié avec Kory-kory et Faïawaï dont il tombera amoureux.
Il deviendra même "tabou", lien sacré entre les différents mondes (le sien et celui des différentes tribus des îles).
Il apprendra la langue et cherchera à comprendre ses hôtes et à se faire accepter comme l'un des leurs.
Tom finira pourtant lui aussi par partir, mais gardera à jamais une nostalgie particulière pour cette aventure, ces hommes braves, forts et hospitaliers, ces femmes nues, magnifiques et libres.
Un roman d'aventure où l'on se délecte des péripéties et mésaventures des deux héros.
Une histoire classique et traitée de façon assez convenue, mais qui sent bon les romans d'aventures exotiques de la fin du XIXe siècle.
Il est aussi question d'essayer de comprendre ces tribus de l'autre bout du monde, avec un regard plus tolérant et curieux.
Les Taïpis, décrits comme d'horribles cannibales, et qui pourtant seront des plus accueillants et bienveillants en sont une démonstration explicite.
Une particularité très intéressante de la narration vient du lexique en fin d'ouvrage traduisant les dialogues des Taïpis tout au long
du récit (et non traduits à ce moment-là).
Il naît de ce petit jeu d'incompréhension une autre lecture, inversée cette fois-ci, non pas vécue du point de vue unique de Tom et Toby, mais du côté des Taïpis,
dans leur langue, avec leurs questionnements et leur vision des choses.
Si l'idée est séduisante et pertinente, elle ne semble qu'être effleurée et anecdotique. Ce n'est certes pas l'objet de la BD, mais cette approche d'une double lecture mériterait un développement complet.