Lartigues et Prévert de Benjamin Adam

Au premier abord, le livre est attirant. Épais, soyeux, dos toilé, composition de couverture très graphique, papier au grammage consistant. Le titre interpelle : qu'est-ce qui peut bien réunir, à un s près, deux artistes du siècle passé, si ce n'est une carabine bien centrée ? Et puis, en parcourant le volume, deux autres noms viennent à l'esprit, ceux de Chris Ware et d'Alex Robinson, Ware pour l'architecture géométrique des pages et doubles pages, le dessin millimétré ; Robinson pour la science de l'interlude. Il y a matière à attiser la curiosité…
Si un objet devait symboliser l'œuvre, ce serait une Renault 12. Summum du design pompidolien, la R12 fut le modèle d'automobile le plus vendu en France en 1973. Il se distingue par une excellente tenue de route (en conditions climatiques normales) et une bonne visibilité (quasiment aucun angle mort). Il existe en version sport (Gordini) ou en break (je fus quelques temps en possession d'un exemplaire bleu marine) mais celui du livre est classique et l'exiguïté préjudiciable de sa malle arrière ne l'empêche pas de receler un cadavre. Enfin, ça, on l'apprend après.
Parce qu'au début, Lartigues et Prévert sont dans un train. Ils fuient le village et leur épicerie qui n'attire plus grand monde. Pour quelle raison ? Peu à peu, la trame se tisse et tous les tenants et aboutissants de l'intrigue s'emboîtent, tous les intervenants se déclarent. Ce qui est intéressant, c'est la manière qu'utilise Adam pour décrypter la situation et le profil psychologique du duo dont on pressent au fur et à mesure des indices fournis l'évolution. Il n'y a pas de recours au flash-back mais plutôt à des témoignages comme des micro-trottoirs ou des arrêts sur personnage (ou blaireau) secondaire qui permettent au lecteur de reconstituer le puzzle tout en s'amusant de l'originalité narrative.
Vous l'avez compris, c'est bien d'un polar dont il s'agit, mais un polar sans enquêteur, à part peut-être le lecteur lui-même. Dans ce background seventies qui rappelle l'ambiance des romans de Manchette, ce qu'il faudra essayer de comprendre, ce n'est pas tant ce qu'ont fait ou n'ont pas fait Lartigues et Prévert que leur manière de réagir. La « cavale » devient pour eux l'occasion d'éprouver les liens qui les unissent et surtout de confronter leur attitude face à la trouille. À quoi tient l'amitié ? Qu'en reste-t-il si dans l'urgence on ne se sert pas les coudes ? Est-elle totalement éteinte si un seul cesse de se confier ? Ce sont les questions sous-jacentes de cette bande dessinée très étonnante et très réussie de Benjamin Adam. Un trait fin qui se marie parfaitement avec l'atmosphère tout en bichromie ; un graphisme élégant et soigné ; un découpage serré qui favorise un rythme de lecture soutenu ; de l'humour, des détails et des anecdotes. Voilà un bon livre ! Et puis, si vous aimez les voyages, vous serez servis : auteur Français, éditeur Québécois, imprimeur Singapourien…

lire les premières pages

Qu'ajouter à la prose de Fred ? Je suis d'accord avec tout ce qui est écrit. La couverture luxueuse, le dessin et surtout la construction graphique des pages, tant de choses qui font de ce livre un ouvrage attirant. Derrière la lecture est à la hauteur des espérances avec un rythme de lecture entraînant et une alternance ente les des passages narratifs mystérieux et des interludes et coupures informatifs et éclairants.

C'est un livre qui se développe lentement et qui produit sur le lecteur un effet grandissant. J'ai été happé par les tribulations de ces deux losers, curieux de connaître ce qui les avait mené ici, et de savoir comment ils allaient en sortir. J'ai pensé aux films des frères Cohen avec leurs personnages jamais bien malins qui se mettent dans des pétrins pas croyables... jusque dans la fin définitive et bancale.

Un grand livre.

Oui, ce livre est étonnant, du début à la fin. Surtout la fin mais le début aussi !
Je suis entièrement d'accord avec ce qui a été dit précédemment.

C'est un excellent livre qui va mériter plusieurs lecture comme on les aime avec de nouvelle découverte à chaque fois, de nouvelles pistes, un autre regard.
Et quel plaisir que de la prendre en main. Bel objet ! Ce sera un3/3 au critère 1, c'est sûr.

Moi, j'ai surtout apprécié les trouvailles graphiques et narratives, narratives et graphiques, car les deux sont intimement liés dans cet ouvrage très intelligent.Surtout les doubles pages explicatives et les témoignages (Lartigues, Prevert, le fusil, la R12...etc..).

Ouah !!! Je l'ai sous les yeux, ouvert sur la double page qui suit la couverture, je n'avais pas fait attention à ce graphisme, c'est épatant... aller, je vais mettre 3,5/3 !!!!!

Je rejoins les avis précèdent. Que dire de plus, bien peu de choses…
Les doubles pages explicatives sont une vraie bonne idée : elles permettent de clarifier des points de l’histoire avec bonheur. L’explication du pourquoi du comment sans flash-back se déroule tout en douceur et naturellement
Une belle histoire

Effectivement le plus intéressant est de voir évoluer la relation des deux comparses et recroiser avec quelques éléments du passé , c'est toute une psychologie qui se développe sous nos yeux , vraiment un bel exercice narratif avec une construction des plus intelligentes.
Ce polar prouve qu'une histoire de meurtre classique peut se transformer en récit original et emballant , je trouve le passage du bar en seconde partie d'album un peu longuet et quelques planches ne sont pas très explicites quand Prévert fouille la maison , mais c'est vraiment pour pinailler car le final parfaitement réussi et maîtrisé , efface brillamment ce petit passage à vide.

Personne n'aurait un oncle ou un voisin qui vendrait sa vieille R12 GORDINI ?

Ha non, mais j'ai un blaireau empaillé qui serait du plus bel effet dans ton salon...

Blague à part, c'est effectivement un très bel ouvrage, tout à la fois dense, touffu et glacé comme une maison vide. La construction de l'intrigue fonctionne parfaitement, c'est exactement cette manière de raconter que j'adore (à l'exact opposé de Londres-Santorin): celle où au départ on se dit, "houlala, mais c'est qui lui, je ne comprends rien", et puis où l'auteur nous guide à son rythme dans son cheminement, exactement là où il veut que nous allions. Formidable !

Lartigues et Prévert, voilà un livre qui me donnait extrêmement envie de le lire, l'objet d'abord, comme nous l'avons souligné, et puis le dessin évidemment, qui avant même la lecture nous met l'eau à la bouche!
Finalement, quelle ne fut pas ma surprise lorsque je constatais que cette histoire, forte alléchante pour le coup, peinait laborieusement à m'emporter avec elle. Laborieux c'est bien le terme qui ne cessait de faire écho à mes oreilles. Malheureusement, j'ai trouvé que ce thriller, huis-clos psychologique entre les personnages et leurs environnements, n'arrivait pas à décoller pour emporter le lecteur dans son récit et leur faire vivre la tension dont ce pauvre Prévert est censé être la victime...
Dommage, d'autant plus quand je considère les commentaires de Igor13, car il faut admettre qu'une "digression autour d'un blaireau empaillé" avait de quoi faire réver, mais finalement, je crains que les faiblesses narratives n'emportent mon vote vers les horizons futuristes de Manuele.

Invention narrative et graphique rappelant Chris Ware ou Joost Swarte, dispositif ludique et sophistiqué, ambiance délicieusement bien rendue (connaissez-vous Firminy ???), travail minutieux et artisanal, ont suffi à me convaincre de la qualité du livre.
Pas de chance, il y a un poids (un peu) lourd en face.

Très belle couverture et présentation générale, un dessin singulier, fourmillant de détails, de descriptions et de suggestions, un découpage très efficace et inventif, une histoire prenante, mêlant subtilité, suspense, intrigue policière et introspection... une vraie réussite!