Une adaptation assez libérée (ou alors assez partiale) d'un épisode de la Russie de 1911 ante-revolutionnaire.
Sous fond historique d'un fait réel, l'assassinat du Premier Ministre Stolypine, Festraëts nous raconte une véritable romance, histoire d'amour folle et forte entre deux êtres que tout oppose, et dont les sentiments conduiront
crescendo au pire.
En fait, je ne pense pas qu'il faille le cacher. La conclusion nous est livrée dès les premières cases. Non, je suis pas trop salaud, je préserve le secret avec le spoiler :
- Spoiler:
le jeune Dimitri tuera au théâtre de Kiev le premier Ministre Stolypine que sa dulcinée envisageait d'éliminer
.
Si la faiblesse de cette album est de servir dès le début une conclusion que de toutes façons, on aurait attendu sans surprise, toute la force de cette histoire réside dans le classicisme d'une histoire d'amour transposée dans un schéma romanesque - les milieux bourgeois de Kiev, la Russie et ses proliférations révolutionnaires.
La passion des deux personnages se revêtit d'une magnifique alchimie, elle tantôt fuyante, lui si entreprenant. Sans en faire trop, Marion Festraëts propose une fable sentimentale romanesque de toute retenue, où chaque page graduellement monte d'un niveau intense dans l'amour qu'épreuve les deux personnages, mais jusqu'à où et pour quel sacrifice.
Le graphisme : Benjamin Bachelier, à la plume et au marteau illustre au sens noble mais premier l'histoire de Festraëts. D'une saisissante beauté de cet album, il offre une palette d'un style original, allant vers l'expressionnisme et des cadrages serrés. J'aurai quand même le culot en vous faisant cet aveu, comme si le dessinateur ne s'était pas totalement approprié les personnages, notamment les personnages secondaires.
J'admire et je tire quand même mon chapeau au talent de coloriste de Monsieur Bachelier, qui s'est éclaté avec ses ambiances de couleur, passant avec brio d'ambiance hot, chaleureuse, angoissante, intimiste, par la réussite de l'alchimie des couleurs.
J'ai aussi beaucoup aimé ce parti pris de dessiner le jeune homme avec des traits aussi fins, quasi féminin, entraînant ce paradoxe entre le jeune homme dont la période bolchevik est révolue après ses études à Petrograd, et sa grande naïveté et ses faiblesses puériles face à l'amour. Et quel paradoxe avec la jeune Ioulia dont la carapace se brisera aussi au fil des pages ; passant de la femme forte, se protégeant, jusqu'à redevenir "jeune fille" dans la conclusion quand il se passe vous savez quoi.