Dans les stations balnéaires, vous en conviendrez, "y'a à voir et à regarder".
Dans cet album délicieux vous trouverez donc à voir et à regarder, mais aussi à entendre, à goûter, à sentir . C'est que nos petits inconscients collectifs de prolétaires se trouvent titillés à chaque page !
Pour ce travail à quatre mains, David Prudhomme ( Rebetiko, La Marie en plastique ...) et Pascal Rabaté ( Crève saucisse, les petits ruisseaux ...) ont à nouveau uni leurs talents pour croquer avec malice et tendresse leurs congénères en maillots de bain.
Les corps s'exposent, plus ou moins dénudés, toujours parfaitement justes dans leurs postures et leurs imperfections ( mais quels coups de crayons, bon sang ! Ça me scie ...). Décontractés, volubiles, humains.
Les vacanciers se jaugent, s'envient, se méprisent, se croisent, se lorgnent, se saluent, se parlent ( ou pas ) , se rencontrent ( ou pas ), soliloquent, espèrent l'apéro, le barbecue, le plateau de fruits de mer, la pêche miraculeuse ...
Cette accumulation de petits riens, ces bribes de conversations pêchées à l'épuisette et le chassé croisé de ces portraits savoureux ont l'incroyable vertu de suspendre le temps, dans cette unité de lieu qu'est la station balnéaire.
Nous voilà donc en apesanteur, flottant tour à tour à hauteur de cerf volant ou d'un regard d'enfant, au ras de l'eau, sous l'eau ( formidables planches ! ), derrière une dune indiscrète ...
On virevolte, volatils, on picore des bribes d'ordinaire qui prennent soudain une consistance inattendue : un brin de mélancolie sur le temps qui passe, à la jauge de la journée ( la mer monte, le train repart ) ou de la vie ( les corps s'affaissent, s'alourdissent, "y'a des raideurs qu'en ont remplacé d'autres..." )
Cette finesse dans la dérision, cette moquerie bienveillante nous renvoient aux vacances de M. Hulot, ou au formidable Liberté Oléron, et bien sûr à tous ces souvenirs glanés partout où les vacances nous rassemblent.
Un gros morceau d'humanité, un petit morceau d'éternité, des clins d'oeil à foison, de quoi sourire ou rêvasser à chaque page et un dessin hors du commun ... il n'en faut pas plus pour ensoleiller durablement mon automne !