Rébétiko (la mauvaise herbe) de Prudhomme

C'est un chef d'oeuvre que signe David Prudhomme. Un livre éclairé et somptueux qui vous restera dans la peau.
Il y a d'abord les attitudes de corps toujours à la recherche d'un équilibre, comme si la danse était omniprésente dans ce récit. Et puis les couleurs... Elles jouent avec le jour et la nuit. Elles éclatent dans la chaleur de l'été indien et se cachent derrière un rayon de lune ou l'ombre d'une treille. Elles transpirent le blues qu'est le rébétiko, cette musique jouée en Grèce et née des métissages. Cette musique jouée dans les bouges d'Athènes par des marginaux montrés du doigt et de la baguette par le pouvoir de Métaxas.
L'histoire qui nous intéresse se trame en une seule après-midi et nuit d'octobre 1936. Un à un, nous découvrons les membres d'un groupe de musiciens amenés à se retrouver au cours de la soirée. Stavros qui émerge d'une nuit d'amour et ne s'en laisse pas conter. Batis que Stavros rejoint dans l'obscurité d'un lupanar. Artémis, l'espiègle. Le Chien, qui porte bien son nom... Ils retrouvent Markos, le beau gosse, dont c'est le jour de libération de prison. Les cinq hommes sont unis par l'amour de la musique, de la fête et des femmes. Ils chantent la nuit ce qu'ils vivent le jour et la poésie s'inscrit jusque dans leurs dialogues. Plus tard, les venues de la divine chanteuse Béba et d'un producteur de disques aux États-Unis apporteront du blé à moudre au récit.
La force de ce livre tient beaucoup du parti pris de départ. L'unité de temps, ressort de la narration classique, est tout à fait adapté à l'histoire. L'entrée en scène de chacun des personnages nous permet de les appréhender tour à tour et de construire une progression vers l'unisson. La vie qui émane des pages nous trouble, nous ravit et nous révolte. La vraie vie.
Cent page de pure poésie, de rires et de larmes, d'enseignement historique aussi, pour un livre amené à devenir un classique du genre. Car l'alchimie texte et dessin est bien là.
Je suis curieux de voir l'édition de luxe en grand format annoncée pour novembre et... en bichromie ! La mise en couleurs est tellement belle que je ne sais pas bien ce que peut rendre une teinte unique au final.

Quel TALENT !!! Bravo et merci fred pour ta nouvelle et attirante chronique !!!

Un prix qui en appelle d'autres

http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Quai-des-Bulles-Le-coup-de-c%C5%93ur-de-Saint-Malo-a-David-Prudhomme_-1127502_actu.Htm

Preview de la version "luxe" sur le site des éditions Futuropolis pour ceux que ça intéresse...

Je ne sais pas quelle version je préfère.....

(Après une lecture assidue, je préfère quand même la version « classique ».)

J'ai ouvert le livre, j'ai lu le préambule de David Prudhomme et je l'ai refermé. Non, je ne pouvais pas lire ce livre... sans avoir entendu du Rébétiko. Pour ceux que ça intéresse, il y a même une radio ! C'est LA .

Bon, c'est pas désagréable et, au moins, on est bien dans l'ambiance. La lecture peut commencer.

La première scène est frappante, le ton est donné. La seconde scène est une des plus charmante et nous montre quelques petits plaisirs. La troisième fixe les règles du jeu, les rapports humains de l'époque. La quatrième nous donne une petite leçon de politique de la Grèce de 1936. Et nous voilà parti pour une lecture qui s'annonce des plus intéressante.
Toutes ces scènes se passent dans le début de la même journée, nos chers rébètes peuvent donc se retrouver pour la fin de journée, la soirée, la nuit et bien plus encore. La philosophie de ces hommes est bien exposées dans la scène devant la prison et autour. On commence à avoir envie de les suivre. Ça tombe bien puisque c'est ce que nous propose l'auteur et l'on se retrouve avec eux, après quelques péripéties, autour d'un bon narghilé, on a l'impression d'en sentir l'odeur. Ils sont tous enfin réunis et la fête peur commencer. La suite de l'histoire nous raconte leur nuit, rencontre, course poursuite et bagarre. Il faut voir comment le dessin arrive à nous plonger dans l'ambiance. Quand ils jouent, on entend la musique, quand ils chantent, on entend les voix et quand l'un d'entre eux danse, on entend la parquet claquer et on sent le souffle de ses mouvements. Les images chantent, dansent et jouent devant nos yeux avec une force et un réalisme incroyable. La merveilleuse Beba,on y croit. La blessure au front de Stravos nous fait mal. J'ai failli prendre une chaise pour taper sur la flicaille avec eux mais j'ai préférer attendre et faire quelques pas de Sirtaki dans la rue.... Même après la baignade nocturne de Chien, on se sent un peu mouillé....
Pour finir, chacun retourne à ses chimères. Après une dernière course, Artèmis fini par s'écrouler dans un coin. Markos s'endort devant la porte close de sa belle enlaçant son bouzouki. Un peu dépité, Batis essaye de réchauffer les Cariatides de l'Acropole. Stavos, toujours fier, retourne dans le lit de son petit pot de miel. Et Chien, malgré son état plutôt crasseux, retrouve le producteur de New York pour conclure l'histoire.
C'est avec le sentiment profond d'avoir partagé la vie de ces hommes et femmes que l'on arrive au terme de ce récit. Ce tour de force est d'autant plus fort qu'ils nous sont pour la plupart de grand inconnus. Ni leur nom, ni leur époque ne nous sont familiers et en quelques pages on se sent très proche d'eux. Leur insouciance et leur nonchalance nous attire même si l'on sait bien que leurs vies ne sont pas aussi faciles et que la réalité les rattrapera tôt ou tard. C'est l'instant qui compte et celui que nous fait vivre l'auteur à travers ce livre est de toute première qualité.

Merci pour le lien Joco !!!

Très intéressante BD sur une musique que je ne connaissais pas et sur une période sombre de l'histoire grecque que je ne connaissais pas non plus.

J'ai bien aimé les dessins (surtout les jeux d'ombre) mais j'ai eu un peu de mal à reconnaître les personnages, ce qui n'aide pas à la compréhension du récit.

Concernant le récit, j'ai beaucoup aimé. Je ne suis pas spécialement intéressé par les marginaux mais cette histoire a su me toucher, ces personnages sont attachants et ont "la classe" dans cet univers plutôt violent et peu tranquille.

Echanger les potes de fleur la nuit, ça c'est une idée !!!

Quand Telerama parle de chef d'œuvre, pour une fois, je suis d'accord !

Mouais, mouais... Un sentiment mitigé, partagé entre découverte de cette musique populaire méconnue et déception graphique... En fait, je n'ai pas du tout accroché au dessin, ce qui a nui grandement à ma lecture... et donc à mon appréciation finale... Désolé...

BenBecker a écrit:

déception graphique...

Tu m'en vois fortement étonné

Un album dont vous avez très bien parlé , un album touché par la grâce au doux parfum de méditerranée ; le travail sur les couleurs est d'une beauté à couper le souffle , les dialogues drôles , cyniques , poétiques.

J'ai passé un très bon moment de lecture et je suis ravi d'avoir approfondi ma culture sur cette période trouble de la Grèce , un vibrant hommage au peuple rébéte et à leur culture dont je ne connaissais rien jusqu'alors.

Même si les événements se déroulent sur une journée et une nuit cet album présente une telle densité et richesse scénaristique (le travail sur les personnages est d'une grande profondeur) , qu'il sera très plaisant de le relire.

Pour Rébétiko :

Pour moi cette bd a été avant tout un régal pour les yeux!
Le dessin, les visages, les couleurs, le jeux des ombres et lumières sont superbes!
Ce fut l'occasion de découvrir le rebetiko que j'ai adoré aussi.
Cependant je n ai pas reussi a rentrer dans le recit, a suivre les personnages.
Des personnages susceptibles de me passionner pourtant...
Mais on est jamais proche d'eux, ils sont toujours très loin, perdus dans la pénombre, insaisissables...
Peut-être parce qu ils sont trop nombreux, peut être parce qu ils se ressemblent trop( J ai eu un peu le même sentiment que Xasalja) ...En tout cas il y eu, pour moi, une faille a ce niveau.
Certes j'ai été touché a quelques moments par l'ambiance se dégageant du livre mais la lecture en entier a été difficile.
Je comprends l'enthousiasme quasi général cependant et peut être qu une deuxième lecture avec la musique en fond serait plus appréciable...
En tout cas les dessins sont FABULEUX!

Tcho tcho!

Vive la fin du monde encore et toujours
Wij

wijbick a écrit:

Vive la fin du monde encore et toujours
Wij

Celle là :

https://espritbd.superforum.fr/chroniques-f11/la-fin-du-monde-de-tirabosco-et-wazem-t1065.htm

Et bien non.... c'était le fin du monde ne général! OUAIS!
Mais merci beaucoup pour ce lien! je jetterai un œil a cette bd !
Tcho!!

Contrairement à Ben Becker, le dessin m'a emporté.
J'ai découvert Prudhomme alors qu'il se cherchait et je n'ai pas toujours accroché mais sur cet album, chapeau bas. Les jeux d'ombres des pages 28 à 31 sont splendides.

Bravo pour son Prix Regard sur le Monde au Festoche d'Angougou !!!