Bêta ...civilisations, de Harder (actes sud / l'an 2)

Comme nombre d'entre vous, à la vue de ce colosse historique (peut être vous rappeler vous à quel point l'histoire fut ma matière préférée à l'école?!!) je me suis écriée "damned, i'm dead"!! Et bien finalement cette lecture fut plutôt agréable. Mais j'ai quand même des reproches à faire à cet ouvrage :
- les yeux qui piquent à cause des couleurs
- la reliure trop proche des planches (j'ai galéré en début et fin d'ouvrage pour lire certains textes)
- le trop documenté, trop riche, trop dense. Certes la bille que je suis en histoire a appris plein de choses mais au final, trop d'infos tuent l'info, je ne suis pas sûre d'en retenir un grand nombre.

On prend déjà un risque soutenu avec nos métacarpes en soupesant l'œuvre. Et là c'est le drame dès les premières pages.

En effet un choix cornélien s'impose à nous entre la sauvegarde de l'instrument de l'onanisme et les muscles du cou par peur de finir comme "le cerveau".

J'ai finalement fait un choix (vu le poids cérébral à sauvegarder) en sauvant mon instrument.

Igor loin devant.

Je craignais d'être obligé de me forcer à le lire et je me suis finalement senti mieux que prévu dans son histoire du monde, riche de références (j'en ai peut être capté 10% ?) qui sautent les millénaires ; mieux que prévu certes, mais pas transporté non plus.

Un livre qui se regarde plus qu'il ne se lit. C'est en effet très dense et complétement hors norme pourtant cela passe comme une lettre à la poste. Je rejoins les critiques émises sur le choix douteux des couleurs, l'aspect répétitif nuit également à l'efficacité de l'ensemble, était il nécessaire par exemple d’appuyer à trois reprises le clin d’œil au livre de Vivès et Merwan, "Pour l'empire", oui merci on avait compris. Les cents dernières pages ont également tendance à tomber à mon sens dans une démarche un peu wikipédiesque et les tours de passe passe autour des références fonctionne nettement moins bien.
Alors oui, des ouvrages de ce genre sont assez uniques, on en lira pas beaucoup cette année et il faut évidemment souligner le travail monstrueux de l'auteur, pour autant, passé l’exercice de style oh combien brillant, cette lecture ne restera pas pour autant marquante pour toutes les imperfections relevées ci-dessus, il m'a manqué un soupçon d'âme pour élever le livre au delà de l'aspect purement instructif.

On ne peut que s'incliner et admirer le travail fourni par Jens Harder. Un sujet très bien maîtrisé et très bien documenté, débordant de références. Même si le sujet passionne et est aussi mené, il n'en reste pas moins que c'est un œuvre assez difficile à apprécier pleinement à sa juste valeur à cause de nombreuses références et de détails qui rendent la lecture assez indigeste.

Il y a des imperfections, j'en conviens, mais c'est pour moi une œuvre majeure, unique et originale. Peut-être pas une BD au sens traditionnel, ce qui peut en dérouter certains, mais plutôt une sorte d'encyclopédie graphique.
J'ai toujours aimé l'Histoire, donc je suis peut-être plus facile à convaincre...
Les couleurs métalliques permettent de jouer avec la lumière et en fonction de l'orientation ça donne comme une sorte de relief au dessin.

Une fois n'est pas coutume mais je suis plutôt d'accord avec eraserhead.
Tout d'abord les quelques défauts que je peux reconnaitre à ce livre : l'aspect métallique qui a été le seul aspect gênant dans ma lecture, les couleurs qui changent sans véritable raison (j'ai cherché et je vois pas du tout) mais c'est à peu près tout.
L'aspect répétitif fait partie intégrante de l'œuvre, elle participe au sentiment cyclique, immuable de l'évolution, assoie la théorie. Il y a de nombreuses respirations qui rendent la lecture très digeste.
Je n'ai pas l'impression que Jens Harder a une volonté de tout dire, tout montrer. Il ne prétend aucunement écrire une encyclopédie, il utilise l'aspect encyclopédique.
Quoi de moins objectif que son jeu de références justement ? Comme dans Alpha, il nous raconte son histoire de l'homme et pas l'Histoire de l'homme ! Avec ses connaissances, son passé. La multitudes des références nous rend plus acteur que spectateur, il engage (oblige ?) le lecteur à chercher, à comprendre.
Ce genre de livre me met une énorme [bip] !

Sans oublier le schéma des clades qui est un passage formidable, surtout dans la manière qu'il a de remettre l'homme à sa place dans l'évolution.
Et les annexes ? Vous avez lu les annexes ? Elles sont parties intégrantes de l'œuvre. Beaucoup beaucoup d'humour dans ces pages.

De l'humour oui... mais sur quelques lignes! C'est bien, mais un peu léger pour en faire le livre humoristique de l'année.


Sinon, j'aime assez ce foisonnement, ce besoin de remplissage, d'accumulation. Le coté encyclopédique me convient et le mélange des illustrations scientifiques et des dessins plus narratifs est agréable.
Il y a un petit coté ouvrage scolaire désuet qui nostaliquement m'a presque ému.
D'ailleurs, pure annectode insignifiante, il cite en bibliographie "Les premieres cités", "Les premiers empires", qui sont des livres que j'avais eu enfant, ouvrages pour la jeunesse illustrant l'histoire des civilisations et des premiers hommes, des grandes cités... Et effectivement il y a de ça dans Beta.

Je partage l'avis de Joco, à quoi bon mettre ce texte explicatif après chaque période???? Ne l'a t-il pas déja expliqué dans ces illustrations? Editor, oui, ou es-tu passé???

Ce foisonnement d'images cependant détruit une partie de son travail, un travail colossal indéniablement, mais beaucoup de cases auraient mérité une meilleur visibilité, un champ plus large, plus espacé, plus lisible.

C'est un très bel ouvrage, mais le coté encyclopédique que j'apprécie par ailleurs semble ici quelque fois superflu, beaucoup de cases, voir de planches dont on pourrait se passer, une lisibilité difficile des fois sur des cases "scientifiques" dont on ne comprend pas grand chose et dont on se demande leur véritable intéret.

gagadinorux a écrit:

De l'humour oui... mais sur quelques lignes! C'est bien, mais un peu léger pour en faire le livre humoristique de l'année.

Je n'irai pas jusqu'à le nommer pour le prix de livre humoristique de l'année mais il n'est pas pour autant dépourvu d'humour pourvu qu'on le cherche un peu.

Pour le texte explicatif, il est de trop en effet.

relecture de Bêta aujourd'hui pour moi :

concernant les pages documentaire, j'en ai besoin : elles m'apportent une respiration, systématisent la fin des montées en puissance, permettent de se reposer un peu avant de reprendre de plus belle, et surtout, surtout, comme j'ai beaucoup de mal à envisager ces différentes phases chronologiques, elles permettent d'y voir plus clair.
Après, elles ne sont qu'une page à chaque fois, toujours sur une page de gauche, facilement zappable : rien n'oblige à les lire, entièrement, ou pas du tout, selon les envies de lecture. J'aime cette grande liberté que le livre laisse.

Pour les changement de couleur, pointés par Fab... tu exagères ! Complètement gratuits ???
Ils interviennent (si je ne me trompe pas) à chaque changement de cahier, mais l'auteur essaie (tant bien que mal), d'en faire une deuxième scansion, affranchie des grandes périodes, et les couleurs marquent à chaque fois une évolution, peut-êtreplus subjective, qu'Harder cherche à valoriser : la main, la conquête de la nourriture, les armes, le feu, la communication, la sédentarisation, l'écriture...
On peut difficilement dire que c'est gratuit. Mais ça nécessite d'y revenir, c'est vrai.

J'aime beaucoup comment les mythes fondateurs sont recontextualisés, comment Harder nous dit : voilà, Adam et Eve, ça devait être à cette époque, le Déluge, c'est sans doute ça... C'est plutôt très fin, et édifiant, non ?

eraserhead a écrit:

Pour les changement de couleur, pointés par Fab... tu exagères ! Complètement gratuits ???
Ils interviennent (si je ne me trompe pas) à chaque changement de cahier, mais l'auteur essaie (tant bien que mal), d'en faire une deuxième scansion, affranchie des grandes périodes, et les couleurs marquent à chaque fois une évolution, peut-êtreplus subjective, qu'Harder cherche à valoriser : la main, la conquête de la nourriture, les armes, le feu, la communication, la sédentarisation, l'écriture...
On peut difficilement dire que c'est gratuit. Mais ça nécessite d'y revenir, c'est vrai.

J'avais bien pris le temps de vérifier avant de dire ça et je persiste et signe : ils correspondent peut-être au changement de cahier mais sont totalement gratuits pour le récit ! (et je revérifie en l'écrivant)

eraserhead a écrit:

J'aime beaucoup comment les mythes fondateurs sont recontextualisés, comment Harder nous dit : voilà, Adam et Eve, ça devait être à cette époque, le Déluge, c'est sans doute ça... C'est plutôt très fin, et édifiant, non ?

  

fabulous a écrit:

J'avais bien pris le temps de vérifier avant de dire ça et je persiste et signe : ils correspondent peut-être au changement de cahier mais sont totalement gratuits pour le récit ! (et je revérifie en l'écrivant)

c'est faux, tu mens. Je te montrerai.

Lors des débats à propos du livre, nous avons évoqué la dimension 'expérimentale' du livre, en ce sens qu'il reprend des éléments de plusieurs oeuvres pour les mettre en collision et tirer du sens de cette nouvelle chaîne.

J'ai à ce propos parlé de found footage :

on peut trouver en ligne un film de Martin Arnold (https://youtu.be/0jJtSv-o-m4) qui en est (mais qui risque d'agacer). C'est une pratique qui remonte à loin, mais a été utilisée par le lettrisme et le situationnisme, puis ensuite dans le cinéma 'expérimental'. J'ai cité Martin Arnold ; on pourrait essayer Müller/Girardet (mais pas de films en ligne), Bill Morrison, Tscherkassky...

Certains cinéastes prennent une seule séquence, et la creusent, la retravaillent, d'autres pratiquent un collage plus stoboscopique...

l'excellent Outer Space :



Alors, ne pas chercher de point commun entre ces films et Bêta, sauf dans l'utilisation de matériau pré-existant, qu'on retravaille, pour le plier à son propre discours.

Le très sympathique fast film utilise aussi le found footage :

Fast Film from vantyai on Vimeo.