ÉTAT DE VEILLE
Sorti en début d’année 2011 Ce roman graphique trop vite oublié mérite vraiment une deuxième chance
La Bd Italienne nous propose souvent des œuvres fortes, et il est certain que nous entendrons très rapidement reparler de Davide REVIATI.
À travers le regard du jeune Koper, nous suivons le désoeuvrement d’une bande de gamins qui grandissent aux pieds des tours de leur banlieue. Cité dortoir pour les ouvriers de l’usine de pétrochimie voisine qui dépose son venin de façon pernicieuse et souterraine dans la petite rivière qui délimite l’espace de jeu des enfants, comme un symbole de leur enfermement, de leur conditionnement, comme un inéluctable destin. Les habitants de ces immeubles ayant comme seul horizon une ville mystérieuse, seule porte d’espoir pour une émancipation sociale et culturelle, seule utopie permettant de lutter contre l’impression angoissante qu’ici, tous ont intégré de longue date l’apprentissage du renoncement.
Durant plus de 340 pages, le trait sombre de Reviati, d’une puissance graphique rare (difficile de ne pas penser au fantastique BAUDOIN) nous entraîne dans les pas de ces gamins, dans ces longues journées d’errances, ces interminables parties de Football au pied des tours.
D’ailleurs, j’ai jamais vu le football rendu avec une telle puissance, une telle force chorégraphique. Cela nous permet de mieux ressentir le rôle social du foot en Italie. « Opium du peuple » ? ou unique espace de liberté, de rêve et « d‘évasion » ?.
La grande subtilité de Davide c’est de ne pas apporter une réponse trop cartésienne et démagogique. À travers la force de son crayonné il touche à la complexité des choses, son regard est plein de considération pour ses enfants, en nous montrant avec tant de délicatesse leur énergie, leur ressource, il donne de l’espérance et de l’espoir malgré la noirceur de l’univers qu’il nous dépeint.
Dans cette dernière planche, on retrouve les trois éléments qui « encadrent la vie » des enfants, La religion (responsable de leur éducation), l’usine (leur avenir ?) et le foot (ou l’inconscience des enfants permet de se perdre dans la joie de jouer)
« ÉTAT DE VEILLE (Morti di sonno) est un accablant réquisitoire contre toutes les formes d’aliénation et de déshumanisation de notre « modernité ».
Ce roman graphique exceptionnel a obtenu le prix du meilleur album au Festival de Naples. » Casterman edition