Kililana song de Benjamin Flao

L’Afrique côté pile , on y voit des grandes plages de sable fin sous trente degré un premier décembre , des gosses qui courent dans des rues animés , des mythes , des légendes , une nature préservée , peuplée de sorciers et de beautés noires ...
L’Afrique côté face , on y croise des capitaines de navire qui traficote , des petits voleurs de rue , des prostitués , des promoteurs immobiliers , des touristes , des expatriés , une gangrène pour les uns , une aubaine pour les autres.

Bienvenue à Kililana sur la côté Kényane dans l’archipel de Lamu , bienvenue dans le monde Naim , un gamin de 11 ans qui se pose en observateur du quotidien , témoin du néo-colonialisme grandissant.

Dans cette magnifique édition signée Futuropolis (on peut d'or et déjà parler de la plus belle couverture de l'année) , Benjamin Flao , habitué des carnets d'illustration et des voyages lointains , livre un retour de ces expériences africaines.
Attention , pas de périples aux iles de la désolation ici , ni même d'une compilation de carte postale , nous sommes bien en présence d'un magistral récit d'aventure , l'aventure avec un grand A.

Sous forme d'un récit choral dynamisé par des dialogues truculents , Flao nous conte les histoires d'une galerie de personnages folkloriques , du capitaine Gunter qui revisite à sa façon Haddock , au jeune Naim , un mélange de Julien Boisvert et de Tom Sawyer , en passant par des vieux sages chargés d'histoires et des investisseurs européens vides de tout savoir , il dresse des portraits drôles et attachants sans tomber dans les clichés militants , genre les gentils contre les méchants , les pauvres contre les riches , les blancs contre les noirs.
Tous ces destins se croisent et nous offre une profonde méditation sur le choc culturel , économique , social , religieux entre des populations autochtones traditionnels et des colonisateurs venus d'Europe.
Il y aurait tant à dire et écrire ... cet album ouvre de nombreux débat sur les croyances , l'intégration , la tolérance , les magouilles , le tourisme et toutes les formes d’irrespect , on verra d'ailleurs que les donneurs de leçon ne sont pas forcément ce que l'on croit.

Dans sa narration , le dessin épouse à merveille toutes ces idées , sous forme de crayonné vif et dynamique pour les parties les plus axés sur l'aventure , figé et en couleur directe quand il s'agit d’illustrer des paysages , des émotions ou des passages plus poétiques , on peut affirmer qu'il y a du Hugo Pratt là dedans.

Plus qu'une lecture , Kililana song est un album d'une puissance rare , la suite se fait déjà cruellement attendre.