Békame d'Aurélien Ducoudray et Jeff Pourquié

Békame c'est le surnon de Bilel , jeune Maghrébin passionné de ballon rond , il aime bien Zidane mais ses idoles à lui , ce sont les diables rouges de Manchester United et particulièrement sa star internationale David Beckham , cette passion pour ce club il la partage depuis tout petit avec son frangin Ahmed dont il cherche ici à retrouver la trace.

Malheureusement , aux début des années 2000 , la route qui mène à l'Angleterre s’arrête souvent à Sangatte où se concentre une large population d'immigrés clandestins livrés aux passeurs , Bilel parvient à leur échapper , va alors débuter pour lui une errance où il va rencontrer un punk SDF puis un chauffeur de taxi éducateur de football. C'est dans un monde violent totalement déshumanisé , pourchassé par les flics et les passeurs que ce gamin part à la recherche de son frère , sa seule raison d'y croire , son maillot des red devils et ses images Panini.



On ne présente plus ici le très prolifique Aurélien Ducoudray dont nous avons déjà croisé trois fois la route , au détour de nos sélections mensuelles (Championzé , La faute aux chinois , The Grocery).
Nouvelle année et Aurélien est déjà au rendez vous des bonnes nouveautés qui arrivent dans les rayons en nous offrant une nouvelle chronique sociale directement inspirée par son passé de journaliste reporter où il a partagé le quotidien des clandestins de Sangatte.

Accompagné par le dessin incisif et réaliste de Jeff Pourquié , ils forment un duo très complémentaire en abordant cette histoire avec la justesse et la gravité nécessaire , sur fond de football et de misère sociale , on est ici très proche de certains univers développé par Baru , où l'humain peut se rendre souvent capable du pire.

Comme le dit Can, encore un livre de Ducoudray en sélection, c'est une habitude. Mais c'est aussi amplement mérité, tant le sieur manie ses sujets avec brio, sans toutefois mettre ses œufs dans le même panier, les dessinateurs avec lesquels il travaille sévissant dans des styles très différents. Malgré cette précaution, on constate chez lui un penchant pour les années 2000 (La faute aux Chinois) et le récit social, sans doute un héritage de ses jeunes années de journalisme.
Rien à ajouter à la très bonne chronique de Can, si ce n'est que j'ai beaucoup aimé Békame, son atmosphère pesante bien rendue par le trait torturé et les couleurs hallucinées de Pourquié qui livre ici une exécution splendide d'une partition habilement écrite.

Récit social certes mais où l'on parle bien peu de politique.
Ducoudray choisit de décrire l'emprise des groupes mafieux sur les migrants, soucieux de prolonger son travail de photographe, de journaliste entamé au début des années 2000.
Si l'histoire, empilant les détails les plus sordides nous plonge évidemment dans un ahurissement total, l'absence de référence au désengagement de l'état me gêne un peu (on peut aussi comprendre que Ducoudray sous-entend : "Regardez ce qui se passe quand l'état n'est plus là", mais je ne trouve pas cela vraiment très clair). Et l'on sait depuis 2005 comme les choses - loin d'être réglées à coup d'annonces ou d'interventions policières musclées choisissant les migrants pour cibles - n'ont fait que se complexifier.

Un documentaire vraiment intéressant glané sur le site du monde.

Lecture agréable sans être transcendante!!
Comme Superphane, je regrette le manque d'engagement politique. Ce sujet aurait mérité d'être traité avec plus de profondeur...

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J'ai beaucoup aimé Bekame notamment parce que c'est un récit social qui fait écho à l'actualité mais aussi parce que le personnage de Bilel, en s'attachant à sa passion du ballon rond avance, malgré tout, dans un monde sordide avec parfois quand même de belles rencontres. Son frère Ahmed est un personnage complexe et énigmatique. Vivement la suite.

Une bonne lecture oui, je n'irai pas jusqu'à dire agréable vu les horreurs qui s'y succèdent mais effectivement la lecture est aisée et les dessins collent parfaitement à la tension de l'atmosphère - le récit nous laisse bien peu de répit ! Ca fonctionne très bien, on tremble pour Bilel, bien seul dans ce monde tellement glauque.



Bon mais maintenant il va falloir arrêter de me faire lire des trucs qui font faire des cauchemars, hein !!! (heureusement que j'ai mon Tralalaland de secours !!)

naphtalene a écrit:

Bon mais maintenant il va falloir arrêter de me faire lire des trucs qui font faire des cauchemars, hein !!!

C'est mal parti si j'en crois la petite idée que j'ai de la prochaine sélection

J'ai attaqué la lecture de Bekame jusqu'à être dérangé par Francis, heureusement, j'ai eu le temps d'atteindre la page 13 !
bon je vais le finir quand même mais cette page 13 risque de peser dans la balance.
Mais pourquoi donc !?!

oh tu es superstitieux ? je trouve cette page 13 puissante , un gamin échange ces images panini en toute innocence alors que se déroule une scène atroce dans la fourgonnette , c'est terrible mais c'est vraiment l'idée forte du bouquin.

une lecture qui reste, étonnamment, mais qui survole effectivement son sujet.
++ pour le dessin

Je trouve que ce livre est bien dans le ton de la réalité. Une espèce de banalisation de l'horreur d'un quotidien sans repère et la page treize en est une belle illustration, justement. C'est vrai pour cette histoire qu'on imagine assez bien se dérouler du côté de Calais, comme elle pourrait se passer plus près de nous. Avec un ministre de la chasse aux migrants qui pousse au chiffre une administration policière zélée, n'importe qu'elle personne en situation administrative précaire va être poussée à sauver sa peau, sans forcement avoir les moyens de s'occuper des autres.... Tout est en place pour que s'instaure l'insécurité et une grand précarité. Heureusement, il y a quand même une certaine résistance dans la population qui apporte un peu d'aide. C'est maigre mais c'est un peu d'espoir au milieu de toute cette noirceur.
Ce livre montre bien tout ça, sans enfoncer le clou, effectivement. Et si ça semble superficiel, c'est peut-être que ce n'est qu'un tome un, coupé en deux pour des raisons financières bien compréhensibles, mais sans logique pour le récit (on vient d'en parler ce matin !). Mais là, je prend un pari sur la suite....
L’excellent dessin et ces très belles couleurs participent activement à la réussite de ce bon livre.

Je pense qu'Aurélien souhaite uniquement montrer cette vie de migrants, sans en expliquer les raisons politiques, telle qu'il l'a perçue à travers sa courte expérience de photographe de presse, eux qui n'ont aucune idée du pourquoi du comment et se retrouve pris au piège de passeurs opportunistes et inhumains. Nous assistons donc à un témoignage poignant tant cela semble invraisemblable mais réel... Aurélien parlera peut-être de la politique dans le second et dernier tome... Quant à Jeff, je trouve son dessin assez brut et cela correspond bien au sujet.
L'édition est tout à fait correcte mais c'est une habitude chez Futuropolis...
Bref, une chronique sociale... en attente de dénouement...
Je regrette néanmoins qu'il n'y a (presque) jamais de notes explicatives/suppléments informatifs en fin de volume quand une BD traite de social, de fait historique...

Cette BD est d'avantage une histoire de vie sur un fond social qu'un récit où l'on parle de politique qui voudrait "dénoncer" quelque chose, ça ne fait aucun doute.

Arrivé en France clandestinement, c'est sa passion pour le foot et le hasard (très heureux quand même, il a beaucoup de chance ^^) des rencontres qui vont sauver la mise du jeune Bilal.

Après ces rencontres opportunes qui lui permettront de tenir, une certaine désillusion va s'installer, puisque lorsque Bilel retrouve Ahmed, les choses sont loin d'être aussi "heureuse" que le jeune garçon ne les avaient imaginées...

L'histoire est assez réaliste et traite plutôt bien à travers le parcours du jeune Bilel, du problème de l'immigration clandestine. Le parcours du jeune garçon si il est loin d'être une sinécure - Bilel devant affronter la violence et la méchanceté de ses prochains qui ne le voit que comme un parasite ou une source de revenus - et également parsemer de rencontres où aide et compassion lui seront offertes.

Il y a quelques clichés je trouve (notamment le SDF Victor et son chien Hugo...pour le coup le monde de la rue chez les SDF est ultra violent aussi, loin du gentil squat où débarque Bilel...), mais ça passe plutôt bien, et les personnages sont suffisamment réussis pour les faire oublier. J'ai pour le coup trouvé bien plus de consistance aux personnages de l'entraîneur berbère, ses deux filles et la mamie arabe. Le frère Ahmed c'est transformé probablement par amertume en petit caïd. On sent l'oeil du photographe je trouve, à travers cette belle galerie de portrait.

Les faits et les personnages ne sont ni tout noirs, ni tout blancs, et on sent que l'auteur a souhaité ne pas noircir le tableau, pour laisser au maximum le soin au lecteur de se forger son propre avis. Qui plus est, ne pas abreuver l'auteur de discours moralisants ou politique clarifie très nettement la portée du message,montrant les faits et laissant libre chacun de juger...du travail de reporter en sommes...Il y a un certain cynisme cependant dans le récit et les choix de l'auteur,mais comment peut il en être autrement face à cet univers ?

Le dessin de Pourquié est je trouve réussi. Son trait brut et incisif colle bien à l'histoire.Il transmet une certaine violence que le choix des couleurs sombres et teinté de rouge appuis. La sensibilité n'est cependant pas absente. Certaines images sans dialogues sont particulièrement chargés d'émotions, notamment les échanges de regards au tout début du livre par exemple.

Un bon livre donc, à lire vraiment, qui parle de notre monde sans laisser indifférent et raconte également une histoire, des histoires, l'histoire de nos vies, de ce monde et de l'envers que tous nous ignorons souvent ou refusons de voir parfois...Il y a de la violence, de l'émotion mais avec retenu,pudeur si je puis dire, sans en faire trop ce qui du coup soutien le réalisme de l'oeuvre sans tomber dans l'exagération ou le pathos.

Dès lors,il ne reste plus qu'à espérer que le second opus soit de la même trempe !

BenBecker a écrit:

Je pense qu'Aurélien souhaite uniquement montrer cette vie de migrants, sans en expliquer les raisons politiques

Je pense, au contraire, que simplement montrer la situation de ces gens c'est aussi, et peut être même avant tout, évoquer la politique qui mène à une telle situation.... sinon, a quoi bon !

En tout cas, ça le suggère...mais est-ce simplement la politique menée qui mène à cette situation ? En montrant cette situation, sans non plus "cibler"des responsables avec précisions, élargis justement le champ des possibles et la portée du message...

Bien sûr il y a la politique...mais il y a également ceux qui en profitent,par bêtise,convoitise ou ignorance...il y a ceux qui le font pour survivre, ceux qui le font pour s'enrichir...il y a aussi tous ceux qui le savent et ne font rien, par peur, parce qu'ils pensent qu'ils n'y peuvent rien, par fatalité, lassitude ou je ne sais...il y a également tous ceux qui ne veulent pas savoir, ceux qui trouve cela normal ou rejette ces clandestins en les pensant inférieur, comme des parasites ou je ne sais quoi encore...

Bref, qui sont vraiment les responsables...l'auteur nous présente une histoire, un fait et au fond nous dis, "voilà ce qui existe...maintenant libre à toi de choisir ce que tu comptes en faire..."

Car aucun système, aucune politique ne survit sans la légitimité, le consentement ou la résignation du peuple souverain...

Joco a écrit:

BenBecker a écrit:

Je pense qu'Aurélien souhaite uniquement montrer cette vie de migrants, sans en expliquer les raisons politiques

Je pense, au contraire, que simplement montrer la situation de ces gens c'est aussi, et peut être même avant tout, évoquer la politique qui mène à une telle situation.... sinon, a quoi bon !

Pas mieux que Murena !!!

Traiter un tel sujet n'est pas simple.
Tout ce qui a lien à l'engagement est ambitieux.
Car on ne se contente plus de vivre dans une société, on y prend part.
Et l’œuvre peut atteindre une dimension qui touche à la mythologie à l'universel.
On ne va pas si loin ici. Mais on ressent une humanité à travers le désarroi de ce personnage.

J'ai apprécié la première partie. Moins convaincu par la seconde.
J'aimais ne pas savoir ce qui était arrivé à son frère. Ne pas savoir s'il y avait même un frère.
Ces "rosebud" peuvent vraiment emmener loin et offrir de belles envolées à nos imaginations.
On reste plutôt terre à terre finalement.
Sans être pour autant déçu.
C'est la réalité qui nous emporte ?