3 secondes, de Marc Antoine Mathieu

3 secondes, c'est le temps durant lequel nous allons suivre la lumière : c'est le temps durant lequel nous allons assister à une scène mêlant un scandale dans le monde du football, un assassinat, le calme sidéral, une tragédie meurtrière au dessus des nuages, mais aussi le destin - tragique lui aussi, à plus petite échelle - d'une mouche à la trajectoire malheureuse.

Et d'échelle, c'est bien ce dont il est question dans le livre de Marc Antoine Mathieu : nous suivons donc un parcours, linéaire qui cherche son passage dans les reflets contenu dans l'image (une petite cuiller, une flaque d'eau...) nous approchant, dans la case suivante, à très grande vitesse du contenu de la case précédente.

Il s'agit donc, au fil de la lecture, de raccrocher mentalement les éléments disséminés tout au long de notre parcours, parcours qui peut, selon les envies, se faire très linéairement, mais aussi fonctionner à rebours, afin de compléter notre connaissance de l'histoire.

Car histoire il y a, même si sa durée étonne. La grande réussite du livre est de savoir raconter une histoire, un vrai polar, qui fonctionne sur le synchronique, sur des éléments dispersés qui se produisent en même temps, en inventant un moyen nouveau pour y arriver : exit le flash-back, le traditionnel "pendant ce temps, à Vera Cruz", tous les événements sont liés par notre particule de lumière...


L'idée sur laquelle s'appuie l'album en est bien sûr le coeur : on y trouvera donc, encore, un formalisme un peu figé, qui ne laissera pas d'agacer plusieurs lecteurs. Cependant, la réussite formelle répondant à ce postulat de départ est totale. Le format carré et la répartition en gaufrier parfait donne à l'album une dimension quasi-scientifique. Ce format, la virtuosité du dessin (un noir et blanc magnifique, très pur, moins chargé que dans l'album précédent de l'auteur) tout cela génère un univers d'une minutie fascinante (que ne donnerais-je pour pouvoir apercevoir les brouillons de cette entreprise !)

Cet album a effectivement une dimension plus cérébrale que physique : pas d'émotion, d'identification au personnage... Mais quel plaisir de suivre, le sourire au lèvre, cette plongée vertigineuse, un sourire familier, complice, qui habite déjà les lectures des autres chef d'œuvre de Marc Antoine Mathieu.

(un gros faible pour le détour par la lune, moi)

Le livre de Marc-Antoine Mathieu me renvoie à plusieurs lectures !
Un roman de Nicholson Baker, tout d'abord, "la mezzanine", qui se déroule sur la durée d'un trajet en escalator ! Évidemment, les moyens utilisés ne sont pas comparables, même si la durée est sensiblement identique !
Parallèle plus simple avec les livres d'Istvan Banyai ! Oui, on peut souvent faire des ponts entre albums jeunesse et bande-dessinée. On peut voir plusieurs adaptations vidéos des livres de Banyai... Les voici, comme pour mieux répondre au travail vidéo de Marc-Antoine Mathieu !

Très belle chronique, Jérôme, bravo et merci
MAM poursuit ici son travail de réflection, jusqu'à l'infini…

La vitrine d'Esprit BD :





Un reporter s'est invité

hhmmmm! Félicitations pour cette belle vitrine ! et elle est encore plus belle en vrai

des miroirs à n'en plus finir !

qu'est-ce qui se reflète dans l'objectif de l'appareil photo ? ou sur le crâne de Tintin ? un couple adultère ? un chien qui passe, avec un collier à clous ? ou un libraire fatigué, qui en baillant, laisse voir tout un monde dans le reflet de la couronne de sa molaire ?
Ce livre est addictif...

Je l'ai lu trois fois , ce livre m’obsède , du matin au soir , je voulais me coller à la chronique mais ne me sentant pas à la hauteur de cet œuvre hors du commun , je te félicite Eraser de l'avoir fait avec courage et brio.

Oui cet album est un sommet d'intelligence , ces références multiples , ces anagrammes , les reflets , les miroirs , l'envers , l'endroit , le noir , le blanc , l'infiniment grand , l'infiniment petit , on peut tout analyser (ne serait ce le chiffre 3 qui ne cesse de revenir) , tenter de tout décrypter et l'inscrire dans le cadre de l'histoire.

Captivant , fascinant , novateur , bluffant de maîtrise et de fluidité , 3 secondes s'impose déjà comme un des albums de l'année , je ne pensais pas dire ça un jour d'une histoire à laquelle je n'ai rien compris à la première lecture.

Alors qu'on s'interroge souvent sur le bonne occupation du temps et de l'espace dans la BD , MAM réussit avec audace et talent le pari aussi fou qu'incroyable , de raconter trois secondes en 66 pages , trois secondes qui durent comme une éternité.

Et le lecteur n'a pas fini d'y revenir, avec sa petite loupe et son miroir, pour trouver un petit indice caché qui lui aurait échappé jusqu'ici. Il y a aussi un bon nombre de clins d’œils et de références dissimulés ça et là. Si la mouche renvoie évidemment à Trondheim (remercié en dédicace), il y a d'autres références à la bande dessinée abstraite (Greg Shaw, auteur de Travelling Square District à qui cet album fait nécessairement penser) ou à l'art moderne (le crane et Niki de St Phalle, le palindrome latin de Guy Debord, ...)
C'est aussi amusant que le rôle de présentation de l'intrigue et des personnages, qui nécessite quand même souvent un minimum de texte, soit ici rempli par les différents journaux que l'on croise tout au long du trajet. Comme il ne fallait pas que ce fut trop facile à lire, il sont tous systématiquement "à l'envers", ce qui force l'auteur à faire en sorte que l'on ne passe devant qu'une fois tous les deux miroirs (à chaque miroir traversé, le monde se "retourne", et MAM a scrupuleusement respecté la succession "à l'endroit"/"à l'envers"/"à l'endroit"/...).

Un des futurs titres de la prochaine sélection
Par contre, vous parlez de lecture mais il y a des bulles dans cette BD Genre style de narration muette à l 73304-23-4153-6-96-8
Fred avait chroniqué le mystérieux Dessin il y a quelques temps.

En effet, nous sommes face à une œuvre majeure qui fera date dans la bande dessinée, je pense. Je ne l'ai lu qu'une fois car j'attends d'avoir tout mon temps pour en dénicher tous les sens !
Toute l'intelligence réside de ce jeux de miroir, car on pourrai se méprendre en le feuilletant sans savoir, il s'agit bien de reflet successif et non d'un simple jeu d'image dans l'image.... C'est magnifique de cohérence avec un gros bémol sur le satellite, sauf s'il s'agit d'une sonde..... je vais chercher !

N'oubliez pas la version vidéo qui est, à mon sens, indissociable de l'édition papier !

Oui, il y a une bulle, juste pour en montrer la vanité, elle est parfaite !

Et si je n'ai pas évoqué la vidéo, c'est volontairement, car j'ai pas mal de réticence envers justement les 'nouvelles' formes de bd en ligne, et tutti quanti, et ça me semblait essentiel justement de parler de l'album en tant que tel, un et non une partie d'autre chose.

après, ça n'est certainement pas la seule chose que je n'ai pas évoquée, le but étant qu'on rajoute tous notre couche à cette chronique, au fur et à mesure de nos lectures.

la différence peut-être, mais je n'y ai pas réfléchi, avec Thomas Ott, et autres bd sans bulles, se rapprochant des romans graphiques en gravures, c'est la notion de temps justement, puisqu'ici il s'agit d'un fractionnement de l'espace, sans que le temps ne s'écoule (pas trop en tout cas, et c'est bien ce 'peu' qui est passionnant aussi), donc que le vide de la gouttière ne contient théoriquement rien de plus que ce qui n'est déjà contenu dans l'espace de la case précédente.
Alors que dans l'exemple cité (même si je n'ai malheureusement pas lu ce titre) du temps s'écoule, et implique forcément une re-création de la part du lecteur, ici, il s'agit davantage d'une liberté laissée au lecteur mais qui est contenue dans la case. à discuter...

Du9 s'y est mis aussi... Lire la belle réaction concernant l'oubli (volontaire) de la version numérique dans la perception de l'œuvre dessinée.

Une grande force de cette œuvre est de susciter vraiment une réflexion sur le média. Elle fait forcément date, rien que pour ça.

Bravo et merci au plus grand toilemaster de l'histoire de la librairie

Le livre est pour moi indissociable de l'application flash (ce n'est pas un film, la version "originale" en tout cas, pas la mouture qu'il y a ici). En effet, nous gardons le contrôle sur le défilement d'images, vitesse et sens.
Sinon pour revenir à l'œuvre, c'est un exercice de style tout simplement brillant, comme nous y a habitué Marc-Antoine Mathieu au fil de ces années.
En réalité l'action se passe sur beaucoup moins de 3 secondes, la plus grand partie du "temps", nous sommes dans l'espace ! Nous sommes avant puis après "l'évènement", un évènement très court, un instant seulement. C'est la que réside le génie pour moi.

C'est bien la première fois que je dois lire une bd munie d'un miroir de poche ! Si l'exercice demande une certaine concentration, le résultat est assez éboustouflant (je sais, c'est exprès), j'en ai même fait des rêves à facettes cette nuit !
C'est stupéfiant de voir, au delà de la prouesse graphique, comment l'histoire se tient, sans une parole, et comment l'on nous fait rebondir d'une ampoule à la lune sans que cela ne nous semble illogique. Suis scotchée.
Je dis chapeau, je dis bravo, je dis Môssieur.

Un véritable bijou, totalement fascinant et addictif !!!
Quelle créativité ce petit gars, un perfectionniste original et déroutant !!!
Sacrément bluffant !!!
Vous l'avez deviné/ressenti, j'ai adoré la BD !!!

Par contre, je l'ai lue avant de visionner la version numérique. Celle-ci se révèle tout aussi intéressante et originale. A voir avant ou après, sûrement après afin de ne pas "gâcher" le plaisir de lecture !!! L'approche est bien évidemment tout autre voire complémentaire !!!

J'applaudis la prouesse technique, la qualité graphique, l'idée.
Je l'ai lu une première fois, puis j'y suis revenu lunettes chaussées et miroir en main pour suivre le jeu de piste à l'endroit puis à l'envers.
Enfin je suis aller voir la version vidéo qui complète la version papier par la démonstration de fluidité de l'ensemble.
Très bel exercice de style, bravo maestro !

De même : bravo pour la prouesse!
Ca m'a plu de lire du MAM qui joue avec les perceptions, j'avais été un peu décu par dieu en personne.
Une belle performance, audacieuse et qui fera date, je pense, dans l'histoire de la bande dessinée

C'est une prouesse technique indéniable, c'est tellement particulier que la lecture en devient limite un jeu avec tout les accessoires à portée de main.
Miroir et loupe sont de rigueur mais même si c'est ludique c'est un peu dommage qu'il faille ça pour l'apprécier pleinement à sa juste valeur, sachant qu'il y a aussi la version vidéo pour compléter.

N'empêche que l'exercice de style est bluffant.

Bravo pour l'inventivité !