"BlackBird" de Pierre Maurel

Blackbird est tombé sur les étagères des librairies cette semaine. Ce petit livre tout beau, tout mignon est un petit bijou qui est né d'un fanzine en six tomes. D'entrée, on est séduit par l'objet, couverture en carton brut avec le titre en creux, dos toilé et jaquette de deux-tiers (façon Astérios Polyp mais la ressemblance s'arrête là). L'éditeur, L'employé du mois, a mis le paquet !





L'intérieur dévoile un dessin en ligne claire appliqué et précis. Les planches, bien construites, sont plus ou moins en gaufrier mais on sent l'auteur qui se fait plaisir en dessinant. Il utilise des techniques simples, crayonné et encrage à la plume, mais vous en saurez plus en allant sur son blog



L'artiste est adepte du fanzina. Et il est effectivement question de fanzine dans Blackbird mais ce n'est que le fil rouge du récit puisque l'histoire porte la réflexion sur d'autres thèmes qui touchent tout le monde. L’habileté du scénario est d'introduire une situation d'anticipation qui, petit à petit, va nous paraître beaucoup moins éloignée de notre quotidien. On trouve même des échos dans notre actualité immédiate par moment. Hélas ! Quand on sait qu'il y est question de la suppression du prix unique du livre, ça interpelle aussi !
Pour vous faire une idée, juste un extrait du flash télé qui déclenche tout :
« Toutes les publications devront désormais passer entre les mains d’un éditeur qualifié et agrémenté afin de mieux contrôler les contenus à caractère litigieux et offrir aux auteurs des conditions optimales de distribution de leurs ouvrages »



Pour faire passer tout ça, les rapports humains entre les différents personnages sont le ciments de l'intrigue. Pierre Maurel maitrise bien l'évolution de ses héros du quotidien et donne du rythme à son livre avec quelques belles trouvailles scénaristiques. Avec un découpage dynamique et précis qui se concentre sur ces personnages, l'histoire se lit d'une traite avec un grand plaisir. J'imagine la frustration de ceux qui l'ont découvert en six tomes. D'un autre côté ils pouvaient voir l'évolution et faire part de leurs remarques à l'auteur qui semble très ouvert à l'échange. En tout cas, c'est un type à suivre de près.
J'espère seulement qu'il ne sera pas trop difficile de se procurer ce bel ouvrage mais on peut faire confiance à nos libraires.



Si vous voulez en savoir plus, c'est là et là.

Je ne peux qu'être d'accord avec Joco, ayant suivi la naissance du récit avec les fanzines.
Une très belle lecture dans l'air du temps...

Lecture terminée ce matin, c'est vraiment très très bien.
une superbe utopie.

Un album fort intéressant à partir d'un idée très originale , je ne connaissais pas le travail de Pierre Maurel et c'est une bien belle découverte , un joli trait qui m'a rappelé le dessin d'Hervé Tanquerelle ou de Matthias Picard.
Le problème quand c'est bien , on ne voudrait pas que ça s'arrête et j'aurai aimé que les personnages soient encore plus creusés , j'attendais aussi une fin moins soudaine , bref avec un telle histoire , cela méritait encore plus de densité !

Bravo , ce petit album a tout d'un grand , ça ne va pas être simple de voter ce mois ci !

je viens de finir aussi la lecture, et suis aussi séduit par la dimension 'radicale' du propos, qui effectivement renvoie assez facilement à l'actualité...
Le dessin m'a moins séduit, et, comme l'a dit can, certains personnages auraient mérité mieux, plus creusés, dans le dessin aussi (je me suis surpris à les confondre régulièrement).
Très bonne lecture, dans un ton rafraichissant.

Bon dieu il fait froid dans le dos ce petit bouquin , dévoré , puis vomi cette France alternative dont est guère éloigné et qui à mon avis va devenir un réalité dans quelques années , le rythme est un modèle du genre , le découpage est très bien et surtout l'auteur n'abandonne rien ni jamais à son propos , je trouve ça très couillu la séquence avec les molotov....comme quoi il ne faut jamais renoncer toujours se battre pour certains cela peux paraître facile mais en ces temps de consensus mou il est toujours bon de rappeler que la révolte est une possibilité d'expression...

Belle découverte, histoire rondement menée, dessin génial et fort à propos. La description des différents personnages qui forment le groupe est particulièrement bien senti (du chef qui est devenu intransigeant avec les années à celui qui ne peut rester parce qu'il est édité, en passant par celui sans concession qui est parti parce que ça allait pas assez loin et qui revient maintenant que l'heure est à la révolte). Les voir évoluer est particulièrement intéressant et ça me rappelle un peu le roman L'Œuvre de Zola, qui suivait l'évolution d'un groupe de jeunes artistes impressionnistes, tout aussi "undergrounds" pour leur époque.
L'objet est particulièrement beau aussi, ils ont bien trouvé le compromis entre bel objet et édition cheap.
Un regret toutefois, le fanzine (celui de la fiction) en lui même n'est pas assez mis en avant. Il devient un prétexte à montrer l'évolution d'un groupe dont l'activité devient hors-la-loi. C'est intéressant mais on pourrait faire le même bouquin avec un groupe de jeunes qui vendent des patates dans un monde où une loi vient d'interdire son commerce. On aurait pu au moins voir un peu de ce qu'il y avait dans ce fanzine, on en voit que quelques couvertures c'est dommage.
Bon ok c'est pas le propos mais bon, ça aurait ajouté un truc à mon sens.

c'est très vrai, quelques pages du fanzine fictionnel auraient pu montrer le lien entre création et engagement...
Capitaine, vous devriez écrire des scénarios !

Mon cher Nicrotte, je crois que le fanzine, nous l'avons entre les mains... C'est le principe de mise en abyme... que je trouve plutôt habile.

Superphane a écrit:

Mon cher Nicrotte, je crois que le fanzine, nous l'avons entre les mains... C'est le principe de mise en abyme... que je trouve plutôt habile.

C'est d'autant plus vrai que le livre a pris le nom du fanzine a postériori, suite aux commentaires des lecteurs du vrai fanzine (avant son édition en livre, donc !)
J'ai le sentiment de ne pas être très clair, là !

oui oui, très intéressant ! un dessin comme je l'aime bien, un sujet tout à fait original traité de manière à nous laisser un petit arrière-goût acide...

vraiment bien !!

Une fois passé outre l'incrédulité, mêlée à un léger agacement, causés par le présupposé de départ(*), j'ai fini par me laisser prendre à l'histoire. L'engrenage radicalisation/répression est intelligemment décrit, les personnages sont assez ambigus pour être intéressants (les tièdes, les durs, celui qui veut en être tout en ménageant ses chances en dehors). Les références anarcho-situs de rigueur sont au rendez-vous (le coup de la propagande par le fait avec des bouteilles d'encre fera sans doute plaisir à Noël Godin), et on imagine sans peine que tout ça fait référence à mots à demi couverts à l'actualité récente.
Ça se lit avec plaisir, et c'est finalement beaucoup moins complaisant que je ne le craignais.



(*) Je ne vois pas bien pourquoi un gouvernement s'attaquerait aujourd'hui au fanzinat et à l'autoédition, dont le contenu n'est en général que très moyennement subversif (ceci n'ôtant rien à leurs autres mérites), et s'adressant de toute façon à un public de convaincus. Il y a d'autres méfaits à commettre avant, électoralement plus porteurs, et d'autres cibles et boucs émissaires plus faciles à désigner. Tout ça évoque un peu le "Help! I'm being repressed!" des Monty Pythons.
Une possible autre cause de mon agacement est l'omniprésence dans cette BD des skate-boards, culture urbaine qui m'a toujours laissé complètement indifférent et qui a souvent surjoué la victimisation...

Colonel Sponsz a écrit:

culture urbaine qui m'a toujours laissé complètement indifférent et qui a souvent surjoué la victimisation...

Tu n'as pas eu 15 ans ?

je pense que si, mais comme c'était il y a 94 ans, faut l'excuser...

eraserhead a écrit:

Tu n'as pas eu 15 ans ?

Si, et je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie.

Le plus appréciable dans Blackbird, c'est bien sûr la promotion autour de la loi sur le prix unique du livre et l'illustration par l'extrême qu'elle est indispensable au secteur du livre.
Je tique un peu sur la ressemblance entre les personnages que j'ai eu du mal au cours de la lecture à toujours bien identifier. Les enchaînements de séquences, qui reposent souvent sur l'effet de surprise, ne m'ont pas semblé toujours très habiles non plus.
Impression mitigée, donc, tant je trouve que la narration ne se hisse que très rarement à la hauteur d'un sujet fort bien imaginé autour d'une brillante mise en abyme.

Colonel Sponsz a écrit:

eraserhead a écrit:

Tu n'as pas eu 15 ans ?

Si, et je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie.

Tout s"explique pour les skate boards, donc !

Ceci dit, je reste persuadé que le présupposé de départ n'est pas loin d'une réalité très proche de nous. Je m'explique. Les méthodes gouvernementales actuelles passent, justement, par la stigmatisation de minorités plutôt inoffensives mais à fort caractère identitaire et un peu à la marge qui, avec une bonne campagne de communication, sont vite pressenties comme dangereuses et à éliminer par des méthodes radicales. Pendant ce temps on peut faire passer d'autres réformes et ensuite s'attaquer à plus gros....
Mais, j'en convient, le débat est politique et n'a pas grand chose à voir avec ce magnifique livre.

J'aime beaucoup cette BD

J'aime le dessin,
le noir et blanc,
tenir le livre dans mes mains,
faire du skate,
sentir l'énergie de la révolte,
le côté politique,
la Belgique,
l'imprimante clandestine,
faire du skate dans les rues,
l'énergie créative du groupe,
les évolutions de carrière,
l'amitié à l'épreuve du temps,
nous face à nos convictions,
brûler ma carte de sécurité sociale, ma carte bleu (merde !),
faire du skate,
refaire le monde autour d'une bière,
avoir le sentiment d'exciter ...

J'aime beaucoup le dilemme de la fin
/ transformer une BD en affiche (croyance dans la force de la culture pour faire changer nos société) pour continuer à diffuser.
/ ou déchirer cette BD pour fabriquer des cocktails molotov et croire à l'action.

Belle idée pas forcément bien développée ni mise en valeur

Un album prenant et intéressant en ce qu'il comporte comme prospective d'un futur pas si impossible que celà mais comme disait Fred , un peu juste au niveau dessin

J'aime, j'aime, j'aime !!!
Une BD intelligente d'anticipation sur l'excès de contrôle et les dérives de notre société et surtout de nos hommes (et femmes) politiques de nos jours !!!
On aurait aimé que l'auteur pousse le bouchon encore plus loin, notamment sur la fin qui laisse imaginer de nombreuses possibilités d'actions de révolte !!!
L'édition est correcte et originale, ce qui rend la lecture plus qu'agréable !!!
Sinon, tout cela me rappelle Debaser sur le milieu musical...