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Sujet: Quai d'Orsay, de Christophe Blain & Abel Lanzac Dim 23 Mai 2010 - 12:18
Le jeune thésard Arthur est embauché au cabinet du Ministre des Affaires Etrangères, Alexandre Taillard de Vorms. Plongée dans les coulisses, les lambris et les parquets du Quai d'Orsay, sous la plume de Christophe Blain et l'inspiration d'un ancien conseiller du Ministre De Villepin, à l'époque des grands discours de l'ONU.
On ne résume pas un livre tel que Quai d'Orsay. En une phrase, on a tout dit sur la substantifique moëlle du scenario : les coulisses du pouvoir. Le lecteur est porté par le regard de ce jeune personnage qui intègre le cabinet du Ministre, et nous fera partager les joies et peines de la politique.
Mais au fil des pages, la véritable vedette prend toute sa place. C'est ce ministre dont la ressemblance avec De Villepin est plus qu'effleurer. Elle est assumée en créant ce personnage extraordinaire qu'est Alexandre Taillard de Vorms. De la première à la dernière page, il plane au dessus de la masse, écrasant tout sur son passage.
Le graphisme de Christophe Blain est magnifique. Il dégage une puissance et une vitalité incroyable. Le mouvement des personnages gagne en amplitude, en représentant le souffle du Ministre en déplacement. On jubile devant des onomatopées très "sonores". Chaque personnage dégage une émotion avec énormément de force.
C'est un album exceptionnel qui sera, peut-être, intégré à la sélection du mois de Mai. C'est l'album le plus marquant que j'ai pu lire depuis le début d'année.
Pierrick
Nombre de messages : 860 Age : 40 Localisation : Billom Date d'inscription : 29/12/2007
Sujet: Re: Quai d'Orsay, de Christophe Blain & Abel Lanzac Dim 23 Mai 2010 - 18:52
Quelques images pour les enfants sages !
Un mot pour louer cette planche extraordinaire. Ce dessinateur est un génie. C'est trop fort tout ce qu'il porte avec aussi peu de trait.
Capitaine Nicrotte Titulaire
Nombre de messages : 507 Age : 46 Localisation : pas loin de chez BenBecker Date d'inscription : 23/02/2010
Sujet: Re: Quai d'Orsay, de Christophe Blain & Abel Lanzac Mar 25 Mai 2010 - 21:09
Pierrick a écrit:
C'est un album exceptionnel qui sera, peut-être, intégré à la sélection du mois de Mai.
Oh oui! Oh oui!
Bien parlé Pierrick, cette BD est un chef d'œuvre. On sent l'expérience pleine de désillusions du scénariste et son envie de régler un peu ses comptes avec les exigences et les caprices qu'il a dû subir dans les hautes sphères. Avec une vision des coulisses qu'on a jamais et avec une intelligence rare, il dépeint le personnage de l'homme politique en dehors de tous les préjugés. Celui-ci n'est pas forcément un salaud, pas forcément arriviste, mais est d'une intelligence supérieure bien que sévèrement perché dans son monde. Et le comique naît de ce Monsieur Paradoxe qui est à la fois un sage visionnaire qui comprend le monde avec plusieurs années d'avance et un être grossier à la mauvaise foi et aux caprices de sale gosse. Et puis quel bonheur que le dessin soit de Christophe Blain. Lui seul est capable de créer ce personnage dont les épaules, les mains et le nez gigantesques posent ce que toutes les descriptions ne feraient qu'aider à entrevoir. Et puis, il n'y a rien a ajouter à ce que tu dis Pierrick, tout est dans cette page ci-dessus... Personnellement, moi je dis qu'il y en un qui vient tranquillement de confirmer sa place au sein de mes dieux tout puissants de la BD.
Joco Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2331 Age : 57 Localisation : Troisième à gauche Date d'inscription : 23/06/2007
Sujet: Re: Quai d'Orsay, de Christophe Blain & Abel Lanzac Mer 14 Juil 2010 - 19:38
Je viens de le lire et je confirme. C'est du grand art..... Ce Christophe Blain est vraiment un très grand dessinateur !
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
Sujet: Tome 2, suite et fin Ven 9 Déc 2011 - 20:24
Et le rideau se baisse après le fameux discours de l'ONU du diplomate d'un pays d'un vieux continent qui a connu la barbarie et qui sait ce qu'il doit aux combattants pour la liberté, comme s'il fallait couper court à toute équivoque. C'est aussi l'apothéose et la consécration, l'aboutissement du travail d'une armada de conseillers de cabinet, entamé au premier volume à l'embauche d'Arthur, notre héros chargé des langages du ministre, qui se retrouva largué dans cette jungle (ou cours élémentaire, c'est selon) au moment où la crise du Lousdem (lire Irak) débuta. Comme si toute la période couverte n'était que l'élaboration d'une posture rendue évidente par le brio du discours final, mais si lente à mûrir, tellement complexe à définir et organiser. Unité. Légitimité. Efficacité. Les luttes d'influence, les promotions tacites et réprobations implicites, tous les rouages de la maison sont passés au crible de l'humour, avec une forme de désinvolture généreuse et une belle acuité dans la perception du genre humain. L'outrance de Dom (pardon, Alex) est excusée par la mise en scène de Blain qui en fait tour à tour un clown (le one man show du Falcon), une bête de scène (les négociations téléphoniques en vue d'obtenir des soutiens des membres du conseil de sécurité de l'ONU, les conférences improvisées au Club Med) ou un goujat (le déjeuner avec la Prix Nobel de littérature), dans tous les cas un personnage hors-norme qui flotte au-dessus des autres et pose ses empreintes sur sa propre histoire. Une leçon de bande dessinée.
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
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Sujet: entretien Lun 19 Déc 2011 - 7:58
Une interview d'Abel Lanzac sur lexpress.fr ;
L'Express a écrit:
A l'occasion du second tome de Quai d'Orsay, le scénariste Abel Lanzac, diplomate anonyme et très informé, sort du silence... mais pas de l'anonymat. Entretien.
C'est un pseudonyme sorti de la piste aux étoiles. Celle des diplomates. Avec Christophe Blain aux crayons, Abel Lanzac a écrit Quai d'Orsay, plongée en bande dessinée sous les tapis du ministère des Affaires étrangères, alors piloté par Dominique de Villepin. Le succès de cette BD fut clair et net: 110 000 exemplaires vendus. Pour le second volume, Abel Lanzac, diplomate facétieux et anonyme, a accepté de se desserrer la cravate et d'en raconter les coulisses à L'Express. Une interview réalisée... par courriels.
Comment m'assurer que vous êtes bien Abel Lanzac?
Et comment m'assurer, moi, que c'est bien L'Express qui me pose cette question espiègle? Nous n'avons d'autre choix que la confiance.
Qui est Abel Lanzac?
Un passionné de jeux de société, de musique et de bandes dessinées. Je suis entré en politique par hasard, j'ai aimé ce monde et essayé de le comprendre à travers mes trois passions: j'en ai fait un jeu de société, qui sortira dans quelques mois, une chanson et une bande dessinée. A part ça, j'ai deux parents, dont un mort, deux enfants bien vivants, et une femme qui est la réincarnation d'une princesse égyptienne. Et j'ai horreur des endives cuites.
Est-ce pour ses lectures d'Héraclite et de Démocrite que vous avez choisi Dominique de Villepin pour héros?
Héraclite et Démocrite occupent, à eux deux, toute ma vie: l'un pleure sans cesse, l'autre rit face au monde. Autrement dit, tout ce qui ne me fait pas rire me fait pleurer; c'est un problème pour lequel je me soigne en écrivant des bandes dessinées. Je ne pouvais pas écrire Quai d'Orsay sans rendre hommage à mes deux muses. Mais cela n'a aucune importance, car tout ce que touche, lit ou regarde Alexandre Taillard de Vorms [inspiré de Villepin] devient instantanément du pur Taillard de Vorms. Là se situe la vérité de ce personnage. Vorms est le contraire d'un diplomate. Vous le présentez en Minotaure...
Il y des diplomates fonceurs! La diplomatie, c'est d'abord l'art de parler à ses ennemis. Dans une équipe, mieux vaut un chef fonceur entouré de conseillers prudents et expérimentés, plutôt que l'inverse. Leur rôle, c'est celui d'un élastique: ramener le chef dans une position stable quand il s'éloigne trop de la base. Si les diplomates n'étaient pas là pour analyser et rappeler les risques, notre pays serait, sur la scène du monde, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
C'est aussi une satire de la vie de cabinet...
La vie de cabinet, c'est une vie de bateau. On vit les uns sur les autres, on dort peu, on se casse la figure dans le vomi du voisin, on se prend les meubles dans les dents quand le bateau penche, on se pique les couvertures sèches et on se refile les mouillées. Mais on est prêt à sortir sur le pont à toute heure en cas de tempête - au ministère des Affaires étrangères, elles sont fréquentes. Ça secoue, mais, dans le fond, on s'aime. D'autant que les enjeux sont lourds: incidents diplomatiques qui dégénèrent; négociations multilatérales pour la paix ou la guerre; lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, etc. J'ai une affection infinie pour chacun de mes personnages, que je vois à travers les yeux de Démocrite. Et de la satire. Vous dévoilez les coulisses du discours de Dominique de Villepin en 2003 à l'ONU. Tout est-il réel?
L'enjeu n'est pas d'écrire l'histoire de la crise irakienne, mais de montrer comment fonctionne une grande négociation diplomatique: les administrations qui rédigent les textes, les ambassades qui les négocient, les ministres qui discutent les points anguleux. Montrer cela dans une bande dessinée est un défi. Si le premier tome était facile à écrire (il suffisait de se faire plaisir), le second nous a parfois empêchés de dormir, Christophe et moi.
Arthur Vlaminck, le conseiller en charge des "langages" du ministre, est-il Bruno Le Maire?
Le cabinet de Dominique de Villepin m'a servi d'inspiration. Ce n'est un mystère pour personne: au Quai, Bruno Le Maire n'était pas la plume, il était la superplume, celui qui supervisait le processus chaotique conduisant à l'élaboration des discours. Or tous les membres du cabinet ont progressivement été obligés par le ministre de rédiger des discours, des langages ou des tribunes. Bruno est une personne à part et un ami intime. Traiter cette relation aurait nécessité un album entier, qui n'aurait pas pu être une satire. Nous avons failli mourir ensemble quand nous avions 20 ans: à la dérive dans une petite chaloupe qui prenait l'eau, totalement perdus, en pleine nuit, au nord du cercle polaire. Depuis, nous entretenons une amitié très forte, qui n'a rien à voir avec la politique. Dans cette bande dessinée, Bruno n'est pas incarné par un personnage, mais sa présence irradie tout l'album.
Comment avez-vous travaillé avec Christophe Blain?
Dans une atmosphère fusionnelle intense. C'était une odyssée comparable à celle du cabinet. Christophe est un grand artiste, insurpassable, selon moi, sur deux points fondamentaux: le mouvement et la représentation de l'intériorité des personnages. Il se positionne en auteur, jamais en simple dessinateur. L'histoire était dans ma tête mais nous l'avons écrite ensemble. A quoi attribuez-vous le succès du premier ouvrage?
En premier lieu, au génie de Christophe. En second lieu, à la situation du narrateur, qui découvre le Quai d'Orsay sous les yeux du lecteur. Nous avons simplement raconté la vérité. J'étais arrivé dans ce monde par hasard: c'est notre chance et notre étoile. "Tourbillon est roi", dit Aristophane, un cousin d'Héraclite.
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Sujet: Re: Quai d'Orsay, de Christophe Blain & Abel Lanzac