C'est un secret pour personne, le film de Sfar sur Gainsbourg est fini et arrive bientôt sur les écrans. La promo est à la hauteur de l'événement : différents teasers et autres vidéos alléchantes sont disponibles sur le
site officiel du film, le buzz est présent depuis plusieurs mois, des drames ont entourés le tournage, Sfar s'est adonné à des "happenings graphiques" sur le mur de l'hôtel particulier du chanteur (remis à neuf pour l'occasion), rue de Verneuil à Paris, et un majestueux livre de presque 500 pages sort en librairie.
Sfar a une approche intelligente du sujet Gainsbourg, qui se situe dans le prolongement de la vie romanesque qu'a connu l'artiste. Il parle ouvertement de
conte pour décrire son travail. Et c'est bien d'une rêverie construite autour du réel dont il s'agit. Les événements de la vie du petit Lucien devenu le grand Serge constituent un vivier sur lequel le conteur s'appuie pour faire apparaître anges et démons du bout de son pinceau et, au final, de sa caméra.
Le livre compile aquarelle, bande dessinée et storyboard. Comment le définir, si ce n'est comme le plan de travail d'un cinéaste dont le "vrai" métier est celui de dessinateur ? Un type qui vit et s'exprime par le dessin jette ses intentions sur du papier, et avec des couleurs. Le résultat est somptueux, on peut parler de livre d'art. La sensualité des aquarelles évoque parfois Matisse, l'amour qui transpire dans le dilué des couleurs est à la hauteur de celui que les femmes inspiraient au maître. Parfois jusqu'à la haine.
Le sentiment qui m'est apparu à la lecture du livre, c'est celui d'être en prise avec un univers poétique retranscrit à sa juste valeur. Sfar s'est accaparé l'esprit de Gainsbourg, il aime et souffre avec lui et l'accompagne dans le cheminement chronologique de sa vie, un peu à la manière de la "gueule", ce démon polymorphe qui l'accompagnera toujours, jusqu'à fusionner avec lui et faire corps dans un seul et unique Gainsbarre.
Je vous conseille néanmoins de ne pas lire tout de suite la préface et de la considérer comme une postface. Sfar m'a un tantinet agacé dans ces longues pages. L'oeuvre qui reste est, elle, bien plus qu'un hommage, c'est un acte d'amour.
34 pages à lire iciA noter ce petit portfolio d'aquarelles qui sort simultanément avec le beau et gros livre :