La piscine municipale, c’est l’endroit où l’impudeur des corps se télescope avec l’effacement de tout rapport humain : Les gens se croisent mais ne se voient pas.
C’est pourtant dans ce monde clos et silencieux, que le héros, tenu d’y venir pour soigner son dos, croise une superbe jeune nageuse et qu’il connaît les premiers tourments amoureux.
Le livre n’est alors qu’une suite de rencontres attendues avec impatience où il tentera, petit à petit, d’approcher la belle inconnue. L’utilisation quasi exclusive du bleu, le lieu unique et resserré nous rapprochent irrémédiablement du héros. Impossible de ne pas être en pleine empathie avec lui. Chaque rencontre nous plonge dans la piscine, à l’affût de l’objet du désir : Bastien Vivès multiplie d’ailleurs les vues subjectives (plusieurs cases du plafond de la piscine se succèdent et nous permettent de « traverser les longueurs ») et joue habilement de l’absence de tout texte. Le livre se clôt sur une attente insoutenable d’une trentaine de pages où la dernière rencontre désirée n’aura finalement pas lieu.
Bastien Vivès décrit cette ébauche de relation avec une vraie sensibilité. Centrant l’ensemble de la narration - à l’exception de quelques planches chez le kinésithérapeute - à la piscine, la naissance du sentiment amoureux apparaît dès lors comme l’unique et seule obsession du jeune homme. Le dessin des corps parvient magnifiquement à transcrire le malaise du héros et la vision sublime et fantasmée qu’il a de la jeune fille : Vivès capte les gestes, les attitudes extrêmement sensuelles de la nageuse, qui séduisent le héros.
Si le livre peut sembler léger, il n’en demeure pas moins sensible et délicat. A l'heure de la mise en avant de Polina, il était donc temps de remettre en avant un album qui annonçait déjà les qualités de l'auteur. Une petite pièce d’orfèvrerie.