| La Favorite de Matthias Lehmann | |
|
+13fabulous Manue feufollet Joco naphtalene Superphane Erine eraserhead Archi Can Nico fred Fred Somda 17 participants |
|
Auteur | Message |
---|
Fred Somda Stagiaire
Nombre de messages : 64 Age : 49 Localisation : Cournon Date d'inscription : 06/02/2015
| Sujet: La Favorite de Matthias Lehmann Dim 24 Mai 2015 - 22:41 | |
| Dès la première ligne, dès la première page, dès les premiers visages, on sent que quelque chose ne tourne pas rond dans cette grande maison d'un village de la Brie. Derrière ses murs, il y a cette petite fille qui vit avec ses grands parents. Tout pourrait être presque normal, mais rien ne l'est vraiment. Chacun de ces trois principaux personnages jouent un rôle, mais aucun ne semble réellement taillé pour. Un peu à côté, un peu en dehors, jamais vraiment là où ont les attendrait. Leur monde est drapé d'un lourd silence tout juste bousculé par les éclats de voix de cette grand mère violente et sans amour.On cherche à comprendre un malaise qui s'installe très vite, à pénétrer l'envers du décor. Mais c'est par petites touches que Matthias Lehmann nous apportera les clés du drame qui se joue. Le livre prend le temps de décrire l'enfant au travers de l'histoire qu'elle nous raconte avec ses propres mots. Elle nous dit son univers, dont les limites se confondent avec ceux du jardin, elle décrit l'absence nue de ses parents, celle d'une tante trop tôt disparue, l'absence d'amour des adultes qui l'entourent. On découvre pas à pas une souffrance incrustée dans les murs, dans la chair et les visages abîmés des adultes. Plus. Plus que dans l'esprit de l'enfant qui s évade au travers d'alters ego sans cesse réinventés. Parfois princesses, bien plus souvent aventuriers, chevaliers ou pirates. Le huis-clos est oppressant, mais lorsque l'on prend de la distance le monde extérieur n'apparaît pas moins terrifiant et hostile. Etre enfant ne protège pas de "l'abominable odeur d'un monde stupide"L'histoire est portée par un dessin où les décors sont magnifiques et intenses. Matthias Lehmann a par le passé souvent utilisé la technique de la carte à gratter et l'on retrouve ici quelque chose de son relief et de sa profondeur.Le trait des personnages est lui plus simple, le coup de crayon devient caricatural, il me rappelle alors celui de Crumb, pour nous livrer des protagonistes, un peu de leur faille au fil des pages. Au travers de leurs résignations et de leurs éclats.J'ai trouvé ce livre très abouti, les choix graphiques, la dualité du rythme imposé, lent à dérouler le récit, vif à accorder les séquences font mouche. On lit avec plaisir. Et un peu d'angoisse aussi.Et l'envie en l'abandonnant, de se plonger un peu plus dans l'oeuvre de l'auteur.. | |
|
| |
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Lun 25 Mai 2015 - 19:35 | |
| Merci Fred d'avoir pris l'initiative de chroniquer le livre et d'ouvrir le sujet. Je posterai le plus rapidement possible un texte, dès que j'aurai eu le temps de mettre mes notes au propre. | |
|
| |
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 26 Mai 2015 - 12:34 | |
| Si, pages 146 et 147 de La Favorite, du monde se presse et s'active devant le parvis du château des d'Octeville, ce n'est pas parce que Séraphin Lampion y a organisé un rallye automobile intrusif. L'affaire est plus importante, certainement plus grave, en témoigne la prédominance des képis sur les têtes des figurants. Le képi intègre allègrement une panoplie qui peut rendre hommage à la France des années soixante-dix, celles de la transition entre un monde ancien aux prises avec une crise pétrolière prévisible et le repli sur soi engendré par les bien nommées « années fric » de la décennie suivante. Splendeur d'une époque encore un peu complexée où un président s'invite à reculons à votre table sans que vous soyez prévenus, Max Pécas tourne film sur film, des concierges portugais occupent les halls d'immeuble, la R12 fleure bon le fleuron de l'industrie automobile, un congrès du Parti communiste soviétique parvient à se dérouler sans Georges Marchais, Pif Gadget est bien la revue illustrée pour la jeunesse la plus populaire, et le ciel reste gris derrière le simple vitrage des cuisines bourrées de yaourtières et de produits surgelés. Matthias Lehmann restitue avec précision ce temps particulier d'un pays encore groggy par l'Occupation et les somnifères de de Gaulle, et encore à peine résigné à un avenir proclamé « moderniste » par des politiques lorgnant toujours un peu plus à l'ouest. C'est du reste étonnant de la part d'un auteur de moins de quarante ans d'avoir su saisir avec un tel discernement l'ambiance austère de la Giscardie. Outre les références sus-nommées disséminées çà et là, l'iconographie se prête à la grisaille ; le style hachuré la révèle, la fige dans les pages où se brisent parfois les cases, et habille le jeu des acteurs qui se distinguent des arrière-plans en arborant leurs belles lignes longitudinales. Le choix de dessin semble rendre hommage à un certain passé, celui de la bande dessinée d'humour publiée dans la presse américaine du début du xxe siècle, en particulier Pim Pam Poum de Dirks, avec lequel La Favorite partage la rondeur du trait, l'expressionnisme outré des personnages, et la disproportion entre ces derniers et les décors dans lesquels ils évoluent (la minuscule maison de gardien du château). Cette touche surannée complète parfaitement le tableau dédié à des années soixante-dix face auxquelles il paraît bien difficile d'éprouver un tant soit peu de nostalgie. Pas de madeleine, mais l'idée de situer les mésaventures d'un enfant dans le brouillard de 1976 (juste avant la sécheresse) comme une terre d'accueil idéale à la folie humaine. Or donc, Constance a dix ans et vit avec une grand-mère acariâtre et un grand-père couard qui a toujours baissé les yeux devant le comportement excessif et brutal que sa femme, qu'il a fini par silencieusement haïr, réserve à l'enfant. Chargée de l'éducation de la petite, la vieille Adélaïde a longtemps maintenu le trio dans un huis-clos des plus sordides avant de se résigner à accepter de l'aide en embauchant un couple de Portugais au château. Un détail que la dame a peut-être négligé est celui des deux enfants qui accompagnent le couple, de la même génération que celle de Constance. Plus encore que la prégnance d'un contexte bien ancré dans une époque, c'est l'enfance qui apparaît comme sujet principal de La Favorite, le monde envisagé par le prisme d'un regard de marmot, avec toute la maladresse qu'impliquent les manques d'expérience et de vocabulaire, qui font de la simple explication des règles d'un jeu une source de gesticulation embarrassée. Lehmann restitue l'innocence avec justesse, s'appuyant sur les déformations d'un dessin à vocation humoristique et sur des codes graphiques exprimant la difficulté d'un gamin à se faire entendre et comprendre, y compris par ses congénères, et le sentiment d'infériorité qu'il peut ressentir face à la taille, la prestance et l'esprit d'à-propos d'un adulte. Parfois, le récit implose et s'égare dans la restriction d'une scène de cruauté ordinaire entre des gosses que la tension de l'instant peut amener à cracher sur n'importe quoi, même l'objet d'un désir incontrôlé. Reste la solitude pesante, l'ennui, les petits complots fomentés dans une obscurité où la principale source de rêverie se dessine dans des jeux de lumière créés par le faisceau d'une lampe de poche. Dans La Favorite, l'expression graphique se met au service de la dimension ironique d'un sujet paradoxalement effrayant. Le fait que Constance soit narratrice et conte l'histoire avec une clairvoyance mature instille un premier décalage. Ensuite Lehmann s'amuse de la monstruosité qui peu à peu s'insinue dans les interstices d'un récit auquel il offre des atours humoristiques et des séquences montées comme des saynètes, allant du strip à la nouvelle, en passant par la planche gag. La maîtrise de cette ambivalence, ajoutée à une jubilation évidente et contagieuse d'écriture, font de ce livre un de mes favoris de l'année. | |
|
| |
Nico Stagiaire
Nombre de messages : 81 Age : 44 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Sam 6 Juin 2015 - 21:57 | |
| La dualité est au coeur de La Favorite, et cette thématique trouve sa plus belle manifestation dans les magnifiques planches du masque qui sont pour moi le coeur du livre. Toute l'entreprise de l'album est ici résumé : quelle identité, pour quelle altérité. Terreur, amour passionnel, ambivalence sexuelle, sadisme, violence… la radicalité de la vie enfantine gouvernée sans barrières par ses affects, trouve dans ce chapitre et au cour du livre une illustration saisissante. On aura bien noté la ressemblance entre le masque de la mère imaginaire et le masque qu'elle trouve dans la demeure. Ce qui nous donnera l'envie de se replonger dans nos manuels de psychanalyse et d'y lire que Winnicott suggérait que le visage maternelle est le premier miroir de l'enfant. A croire que quand on est privé de ce miroir, il est difficile de savoir qui l'on est ? La première lecture nous plonge dans un panel de ressentis puissant, et les suivantes permettrons sans doute de déplier ce millefeuilles riche en interprétation.En plaçant son récit dans un contexte extreme, Matthias Lheman nous invites à nous confronter à nouveau, le temps d'une lecture, aux terreurs et aux émois qui on traversaient notre propre enfance et dans le même temps, il pose un regard terrible sur la lâcheté et le pouvoir castrateur du monde adulte.Le tour de force du livre consiste à ne jamais faire sombrer le récit dans le larmoyant, mais c'est peut être aussi le seul point faible du livre. Dans le sens ou le procédé mis en place pour arriver à ce résultat se fait sentir à plusieurs occasions. Je regrette que la tension emprunte de poésie et de naïveté qui irrigue la séquence du masque/ruisseau n'ai pas pu être maintenu tout au long du livre, car on pouvait apercevoir là, entre les trais hachés une très grande bande dessinée… mais ne boudons pas notre plaisir car le livre présent volle déjà bien haut !ps : Je n'ai pu m'empêcher de penser à Pchyco et au destin tragique de Norman Bates en lisant La Favorite. Faut dire que la dualité était aussi une thématique qui travaillait en profondeur le père Alfred… Ne trouvez-vous pas que l'énigmatique maisonnette devant la demeure ressemble quand même un peu a la maison de Norman ? | |
|
| |
Can Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2738 Age : 46 Localisation : Golden city Date d'inscription : 16/11/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Dim 7 Juin 2015 - 9:47 | |
| Whouaaa Nico, belle analyse. Je n'ai pas encore réagit et je crois que je vais relire ce titre avant de livrer mes impressions, mais sachez qu'à la première lecture, je prononce d'emblée un immense Coup de Cœur. D'où la nécessité d'une seconde lecture pour sortir de l'affect et apprécier on ne peut mieux les nombreuses qualités de cet album. | |
|
| |
Archi Titulaire
Nombre de messages : 164 Age : 39 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 07/02/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 9 Juin 2015 - 8:17 | |
| En 2013 | |
|
| |
Archi Titulaire
Nombre de messages : 164 Age : 39 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 07/02/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 9 Juin 2015 - 9:04 | |
| Matthias Lehmann => traducteur de L'Amour infini que j'ai pour toi => Coïncidence | |
|
| |
eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 9 Juin 2015 - 16:53 | |
| tu veux dire que tu vois des rapports entre les deux ? | |
|
| |
Erine Stagiaire
Nombre de messages : 66 Age : 44 Localisation : Clermont Ferrand Date d'inscription : 30/01/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mer 10 Juin 2015 - 11:08 | |
| Ce roman graphique révèle un dessin rond et épais qui permet de donner du relief aux personnages, avec une certaine grosseur des traits. Le noir et blanc donne le côté sombre de l'histoire, qui pourrait rappeler "Poil de carotte" de Jules Renard ... Matthias Lehman aborde la question d'identité sur tous les plans : sexe, hérédité, refoulement, nature psychologique, destin, ou encore résignation. Je trouve également la fin juste, en contrepoint avec le pathétique des événements. Sans mauvais jeu de mots, cette bd est dans mes favorites !! | |
|
| |
Archi Titulaire
Nombre de messages : 164 Age : 39 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 07/02/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 9:00 | |
| "tu veux dire que tu vois des rapports entre les deux ?"
C'est juste un clin d’œil rien de plus. | |
|
| |
Superphane Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 1824 Age : 53 Localisation : Chamalieres Date d'inscription : 06/02/2010
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 17:10 | |
| On est pas loin de Simenon, mais très loin de Christophe Hondelatte. Aucun voyeurisme dans ce livre brillant que je place cependant un ton en-dessous des larmes d'Ezechiel qui m'avait vraiment impressionné. Le livre est pourtant plus accessible, le grand format rendant honneur au superbe travail graphique de Lehmann. J'aime beaucoup les planches destructurées qui redéfinissent les codes traditionnels de lecture (superbe planche où le père grimpe les étages de la maison) ou les splendides dessins pleine page. J'aime aussi le téléscopage des différents registres langagiers que je trouve souvent source de drôlerie. | |
|
| |
eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 17:20 | |
| oui, c'est un beau livre. le rapprochement avec simenon est juste, boileau-narcejac, etc...
après, entre simenon et milton, c'est vrai qu'il y a un choix à faire, qui, comment dire, n'est peut-être pas aussi évident qu'il paraît ? | |
|
| |
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 19:31 | |
| Je n'ai pas compris ce qu'Hondelatte ne vient pas faire dans cette affaire | |
|
| |
Superphane Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 1824 Age : 53 Localisation : Chamalieres Date d'inscription : 06/02/2010
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 19:52 | |
| CHrostophe Hondelatte prenait grand plaisir à relater des histoires sordides, à les mettre en scène, dans "Faites entrer l'accusé". Peut-être aurais-je dû plutôt parler de Pierre Bellemarre... Non... Y'a quand même un p'tit côté Pierre Bellemarre dans la favorite... | |
|
| |
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Jeu 11 Juin 2015 - 22:11 | |
| Ah bon ? Ce que je vois surtout, c'est le plaisir communicatif que prend Lehmann à créer une bande dessinée à partir d'un sujet pervers et de digresser en intégrant une écriture à la fois innovante et respectueuse de l'Histoire de son art. Je ne crois pas que Bellemare ait jamais échappé aux tragédies de son répertoire à travers un processus de création. Accordons-lui un ton, une voix, mais une écriture... P.S. : J'ai bien vu le smiley | |
|
| |
naphtalene Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 1050 Age : 52 Localisation : dans les alpages Date d'inscription : 26/03/2008
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Ven 12 Juin 2015 - 16:37 | |
| - Superphane a écrit:
- J'aime aussi le téléscopage des différents registres langagiers que je trouve souvent source de drôlerie.
ça c'est de la phrase qui troue le slip ou je ne m'y connais pas ! | |
|
| |
eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Ven 12 Juin 2015 - 17:23 | |
| concernant ces différents registres, c'est très drôle aussi quand matthias lehmann fait des fautes de français sur le subjonctif. C'est vraiment très drôle, d'autant plus que l'auteur se sert de l'orthographe pour typologiser un de ses personnages. | |
|
| |
Joco Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2331 Age : 57 Localisation : Troisième à gauche Date d'inscription : 23/06/2007
| Sujet: Bon dieu, mais c'est bien sûr : Pim Pam Poum ! Sam 13 Juin 2015 - 16:44 | |
| Non, Bellemare ! Sérieux, quel vilain petit provocateur tu fais ! Plus sérieusement, j'aime beaucoup le dessin de Matthias Lehmann et le scénario de ce livre offre un développement vraiment intéressant. J'ai eu la chance de voir l'expo de Matthias Lehmann en 2013 à Riom et de participer à la rencontre organisée avec lui. C'est un artiste avec un univers foisonnant et riche. Ces gravures sont absolument magnifiques et les planches de ces BD particulièrement impressionnantes. En plus, il sait causer de ce qu'il fait en faisant partager son travail et son instinct car, d'après mes souvenirs, il travail beaucoup par impulsion. Blog de l'auteur pour mieux cerner le personnage ICI. | |
|
| |
feufollet Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 633 Age : 46 Localisation : brioude Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Dim 14 Juin 2015 - 15:00 | |
| C'est un livre de grande qualité, tant par le graphisme que par le scénario. On sent dès le début le malaise planer sur cette "famille", qui naît de tous les non-dits, les accès de colère et l'absence d'amour. Le point de vue est clairement celui de l'enfant, traduit par la démesure de certains visages carnassiers d'adutes. Tous les personnages semblent traversés par le vice et la cruauté, les adultes comme les petits. Constance elle-même navigue entre le sadisme et l'innocence, comme en équilibre sur une bûche flottant dans un marais stagnant - atteindra-t-elle la porte de sortie sans basculer définitivement dans la persersion ambiante ? Peu à peu le pesant secret est mis à jour, faisant remonter ses racines jusque dans l'enfance névrosée des grands-parents - c'est toute la fin du livre, qui rappelle à certains les émissions de Hondelatte, quand on remonte la vie des accusés pour mieux comprendre le crime...Et c'est peut-être la partie qui, bien que réussie et apportant toute la lumière sur cette sombre affaire, est moins bien intégrée dans l'ensemble de l'oeuvre. Enfin, je reviens moi aussi sur la double page en fin de livre (p 146-147 selon Fred ... qui a eu la patience de tout recompté ?) : elle m'a rappelée les grandes vignettes de Gotlib à la fin de certaines planches des "Dingodossiers", avec ses foules de bonhommes réunis après avoir été étudiés séparément - références supplémentaires aux années 70. (je n'ai pas réussi à mettre la main sur mon exemplaire et cette image ne correspond pas tout à fait à ce que je voulais...) | |
|
| |
Archi Titulaire
Nombre de messages : 164 Age : 39 Localisation : Clermont-Ferrand Date d'inscription : 07/02/2015
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Lun 15 Juin 2015 - 13:01 | |
| Avec un dessin rond et un noir et blanc proche de certaines bandes dessinées américaine, Matthias Lehmann nous embarque dans un huit clos; des grandes pièces de cette demeure bourgeoise au terrifiant grenier, en passant par le jardin sans franchir les grilles, sauf pour aller chercher une baguette, et comble d’ironie, cette liberté s’avère être un cauchemar pour cet enfant. Sans jamais tomber dans le pathos et avec un certain humour, Lehmann aborde des sujets tel que la violence morale et physique faite à l’enfant et la frustration. Récit placé au cœur de la France des années 70 (très bien décrite par Renaud dans sa chanson à forme géométrique) avec quelques références qui apportent une véracité au récit tout en restant universel, et de plus permet aux lecteurs de se créer une vraie psyché des personnages. Constance se crée un monde autour d’elle et se rêve en détective privé comme Humphrey Bogart et à la lecture d’une une de journal elle devient le détective Max Pécas. Sans même le savoir Constance entre en totale contradiction face à ses « grands parents » et face à cette France Giscardienne. Durant la période de cette histoire, Max Pécas, a réalisé et sorti 3 films : - Rêves Pornos (ou le dictionnaire de l'érotisme) (1975) - Les mille et une perversions de Félicia (1975) - Luxure (1976) Une œuvre graphiquement irréprochable qui pointe le doigt habilement sur diverses déviances sans faire de racolage et qui procure un grand plaisir de lecture. | |
|
| |
Manue Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 610 Age : 48 Localisation : sous le soleil exactement Date d'inscription : 09/04/2014
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 16 Juin 2015 - 8:20 | |
| Très étrange que cette Favorite .Très étrange que ce contraste entre un sujet difficile et son traitement a priori léger, humoristique allant parfois jusqu’à la caricature . On flotte dans une ambiance de conte presque fantastique, j’ai pensé aux gravures de John Tenniel pour Alice au pays des merveilles, alors que l’on est progressivement amener à découvrir un fait divers bien réel et on ne peut plus glauque. Cependant c’est au niveau de la construction du récit et plus précisément du montage en saynètes successives dont parle Fred, que j’ai été déstabilisée. Et je rejoins le sentiment de Feufollet concernant le dernière partie du livre, ici pas de postface mais un historique peut-être trop démonstratif, additionné au reste comme un bloc qui m’a semblé un peu monolithique, en comparaison au découpage plus fragmenté précédemment utilisé .Ce ne sont là que mes premières impressions et au vu de vos réactions plutôt positives , je me dois de le relire et d’explorer l’univers de l’auteur (merci Joco pour le lien) ...
| |
|
| |
fred Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 4846 Age : 57 Localisation : entre un carton de nouveautés et une pile de retours Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 16 Juin 2015 - 10:28 | |
| Cette fameuse fin présente encore, et comme ça été le cas dans tout le livre, une rupture narrative. Lehmann choisit d'adopter un style journalistique afin de coller à la déposition d'Octeville. On est alors dans un semblant de chronique judiciaire et on imagine le journal de 20h de Roger Gicquel (qui curieusement n'apparaît pas dans le livre). | |
|
| |
Manue Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 610 Age : 48 Localisation : sous le soleil exactement Date d'inscription : 09/04/2014
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Mar 16 Juin 2015 - 15:53 | |
| | |
|
| |
fabulous Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3244 Age : 41 Localisation : ... avec Mam'zelle Bulle ... Date d'inscription : 06/02/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Dim 21 Juin 2015 - 8:10 | |
| Pour l'instant, ma préférence va au Paradis perdu mais je ne vois pas vraiment de raison pour descendre le formidable livre qu'est La Favorite et encore moins pour ne rien en dire. Lehmann maitrise parfaitement son sujet : la construction des planches, l'osmose entre le texte et le dessin est remarquable. Je regrette toutefois son abandon de la carte à gratter pour ce livre qui est une technique certes plus laborieuse mais que j'apprécie beaucoup et dans laquelle Lehmann excelle (la couverture !). Que Lehmann réussisse à transmettre du plaisir, c'est incontestable et c'est plutôt réussi et c'était pas gagné compte-tenu du sujet mais je me fiche un peu du plaisir que lui prend, ça me fait un peu penser à ces auteurs qui se regardent dessiner . Il écrit d'une manière remarquable mais les dialogues d'enfants me gonflent un peu et même si je comprends le pourquoi, je n'aime pas lire "j'ai pas fait exprès, j'm'excuse". Une question : mon cher Fred, tu parles d'innovation, peux-tu nous dire plus s'il te plait ? Je vois et apprécie la maitrise mais pas tellement l'innovation. | |
|
| |
Can Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2738 Age : 46 Localisation : Golden city Date d'inscription : 16/11/2007
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann Dim 21 Juin 2015 - 15:52 | |
| La maîtrise du genre, de tous les genres. Matthias Lehmann réussit un véritable tour de force, en vrai chef d'orchestre il exploite le médium BD dans toute sa mesure et nous envoie directement dans la campagne française des 70's pour nous poser dans un huis clos des plus éprouvants.
Parlons d'abord du dessin, que ce soit les "gravures" en doubles pages ou pleines pages, les strips humoristiques, l'utilisation des petites cases, des gaufriers ou des espaces sans contours où les personnages se promènent dans tous les coins de la feuille et virevoltent dans de magnifiques décors, l'auteur n'hésite pas à jouer avec une palette incroyable de techniques pour mettre en forme ses séquences et ainsi assurer un rythme où l'alternance crée un véritable osmose entre chaque partie.
On passe ainsi de plans très resserrés à des paginations plus aérées sans qu'à aucune seconde la lecture ne s'en trouve perturbée. En terme de narration, l'auteur sait jouer avec tous les éléments dont il dispose, récit, dialogues, gags, anecdotes, nouvelles, là encore il tire le meilleur de toutes les moyens de narration pour nous faire vivre avec la dramaturgie, mais aussi la légèreté nécessaire relative à l'enfance, l'histoire de ce gamin qui peut alors exprimer avec insouciance et naïveté un panel d'émotions, intenses et bouleversantes.
Il y a en milieu d'album une dizaine de pages qui résument parfaitement cette capacité à s'approprier le fond et la forme et ainsi tirer toute l'essence du médium, depuis cette pleine page de Constance enfermée dans le grenier jusqu'à la page reprenant le dessin de couverture, l'enfant de dos cette fois, avec la perspective d’échapper à cette prison.
La dernière partie est un dernier tour de force, celui de remonter le même fil conducteur avec un nouvel axe d'analyse, celui de l'enquête et plus à travers le regard de Constance, on passe alors dans une analyse plus mature où la cruauté de l'histoire prends alors tout son sens. | |
|
| |
Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: La Favorite de Matthias Lehmann | |
| |
|
| |
| La Favorite de Matthias Lehmann | |
|