Jeanine de Matthias Picard

Chronique à suivre... En attendant un petit résumé du distributeur de l'Association, les Belles Lettres :

"Incontestablement l’une des plus fortes découvertes de la "nouvelle formule" de Lapin lors de sa publication en feuilleton (n° 37 à 42), le volume définitif en collection Ciboulette du Jeanine de Matthias Picard (qui comporte une quarantaine de planches inédites) va représenter l’une des publications majeures de ce printemps.
Matthias Picard, alors qu’il était étudiant à l’Ecole des Arts-Déco de Strasbourg, a fait la connaissance de Jeanine, sa voisine, prostituée, la soixantaine, qui a entrepris de lui raconter sa vie. La vie de Jeanine se révèle tellement incroyable et passionnante qu’il décide vite de la retranscrire en bande dessinée. Jeanine a grandi en Algérie : plutôt garçon manqué, elle n’était pas prédisposée vis-à-vis des hommes et se destinait à la compétition de natation. Entre autres exploits de son étrange destinée, elle sauve un militaire de la noyade, puis deux petits Algériens des balles de la police française qui tire sur la foule d’Alger en mars 1962. Après diverses tribulations et une déception amoureuse, Jeanine devient "Isa la Suédoise", la "plus grande prostituée de Strasbourg", et participe activement au mouvement politique de reconnaissance du "plus vieux métier du Monde".
C’est la rencontre avec cette vie héroïque que Matthias Picard raconte, avec tact et sensibilité, dans un livre majeur à ranger aux côtés de Pascin et de La Guerre d’Alan."[img][/img]

Je viens de me plonger dans Jeanine est pour l'instant c'est captivant.
Un vrai personnage de fiction!!!

Une belle histoire de femme à travers un parcours peu ordinaire et une force de conviction imperturbable. Le jeune auteur arrive à nous "captiver", comme l'exprime si bien Tue-Loup, et son rendu graphique tout au feutre noir convient indéniablement à la vie de Jeannine. Concernant la qualité de l'édition, c'est du tout classique de chez 100% Association.

un très beau personnage, qui se construit petit à petit.
Le dessin est particulièrement réussi dans certains chapitres, un peu moins dans d'autres.
L'ensemble manque un tout petit peu de densité, et sent le 'construit étape par étape', avec certains chapitres qui narrativement fonctionnent un peu moins bien (surtout les derniers), avec des choix d'accélération qui marchent moyennement (la double page où sa relation amoureuse est résumée en une longue promenade avec plusieurs chemins possibles - il y avait un procédé un peu similaire dans Logicomix qui marchait très bien).

ça reste une très bonne lecture, profonde, prenante : on voit là ce qu'est la constitution d'un personnage, ce qui, dans Polina, a été un peu raté. C'est à la lecture de Jeanine que je vois ce qui m'a manqué dans Polina (la vie de lecteur est ainsi faite !) : dans Polina, on restait un peu en retrait par rapport au personnage et ses petits soucis ; là j'ai éprouvé davantage d'empathie...

Une histoire dans la veine des meilleures productions de l'association.
On pense évidemment à la Guerre d'Alan mais le dessin évoque parfois Baudoin (surtout dans les scènes nocturnes).
Le choix d'un narrateur homodiégétique nous permet d'accepter le côté plus complexe des derniers chapitres : tout le monde s'y perd, même l'auteur. L'intention chronologique laisse place à un puzzle où l'on se demande, avec l'auteur, si chaque pièce est bien conforme à la réalité. Matthias Picard se laisse sans doute un peu déborder par son personnage mais cela semble inévitable...
Un sentiment étrange : l'histoire semble trop courte mais certains passages s'étirent peut-être inutilement. Comme Eraserhead, j'ai plus cette impression avec la lecture des derniers chapitres....
Jeanine est un personnage attachant, jamais larmoyant, toujours touchant. une très belle lecture, donc.

Même mon correcteur orthographique ne connait pas ce mot donc je me permet de mettre la définition du wiktionnaire (au risque de passer pour un inculte ce qui n'est pas complétement faux non plus...) :

homodiégétique masculin et féminin identiques

Dans un récit, désigne un personnage qui raconte un récit dans lequel il figure lui-même ; le personnage est un personnage de sa propre narration
Dans L'Étranger d'Albert Camus, Meursault est un narrateur homodiégétique

Rappelle-toi, Joco !
J'avais dit, mon cher Joco, que le choix contraire à celui de Picard, dans les cahiers Ukrainiens (narrateur hétérodiégétique) me paraissait être un mauvais choix.
C'est du vocabulaire qu'on utilise en didactique du français.... La déformation professionnelle.
Promis, je ne recommencerai pas.

Mon cher Eraserhead,

Tu écris: "dans Polina, on restait un peu en retrait par rapport au personnage et ses petits soucis ; là j'ai éprouvé davantage d'empathie..."

et bien pour moi, c'est exactement le contraire, comme quoi !!!

Je ne pense vraiment pas que le personnage de Polina soit raté. La distance dont tu parles nous permet de calquer nos expériences personnelles sur celle de Polina. C'est dont un personnage ouvert qui peut nous accueillir ...

Jeanine est un personnage plus fermé, nous pouvons essentiellement l'observer et essayer de la comprendre. Enfin, c'est comme ça que je ressens les choses !

Un ouvrage intéressant qui dépeint sans tomber dans le clicher la vie de ce personnage attachant.

Le dessin est expressif, le tout est bien écrit et même si l'histoire perd un peu de sa force vers les derniers chapitres, ça reste bien mené. La fin m'a laissé cependant un goût de déception, mauvaise conclusion je trouve, l'inverse aurait pu faire oublier cette baisse de "régime" des derniers chapitres.

J'ai vraiment aimé car c'est très bien écrit , le personnage est drôle et touchant , le dessin pas vilain du tout et la relation qui se construit entre Jeanine et l'auteur est très intéressante à suivre. Néanmoins , j'aurai aimé une lecture plus marquante , peut-être plus percutante , on se doute que Jeanine n'a pas vécu certaines choses ou du moins pas comme elle semble le croire , c'est pas très clair , le doute plane , on aimerait savoir mais c'est peut-être mieux ainsi , on sait plus trop du coup.

J'ai pris ce livre sans trop y croire puis je l'ai lu et en la posant je me suis dit , Ouahhh ! Y'a un truc là !

Et depuis, je cherche quoi en dire et je ne trouve pas les mots !

C'est fort, c'est prenant et Jeanine est très attachante. Le dessin colle bien aux situations mais pour se faire une idée d'un tel bouquin il faut le lire. Je crois.

Bonne lecture pour moi, donc. Malgré quelques passages un peu plus faibles, effectivement.

Joco a écrit:

Y'a un truc là !

Assurément ! Pour avoir assisté une dame aujourd'hui disparue dans la rédaction de ses mémoires sur les guerres (de 39/45 et d'Algérie), je confirme qu'il y a effectivement un truc, là ! Parce que l'auteur retranscrit vraiment très bien la narration de son histoire par l'intéressée, avec les oublis, les redondances, les paradoxes... La fierté, justifiée, qui se transforme parfois en attendrissante vanité... Et aussi l'échange entre les deux, celui qui collecte et celle qui livre, les doutes du premier, les exigences de la seconde. Voilà un bouquin profondément humain et sensible. C'est un très joli portrait de Jeanine que nous offre Matthias, merci à tous les deux (et merci à Samoe55 pour la découverte!)

(j'ai trouvé gé-niale la double page avec les chemins de la vie amoureuse !!)
... et j'ai appris un nouveau mot, merci aussi à Superphane !

Ce qui fait la force de Jeannine pour moi c'est JEANINE, le personnage lui même!
Elle est quand même incroyable non?!
Ses aventures et sa façon de les raconter sont passionnantes
Je suis d'accord avec Can, je trouve que c'est bien ecrit. L'auteur a eu la bonne idée de rester discret et de la laisser parler sans trop intervenir. Avec un tel personnage c'était sans doute la meilleure chose a faire.
C'est un "très joli portrait" je suis d'accord. Honnête je dirais.
Un petit regret : le manque de régularité dans la qualité du dessin...certaines planches ne sont pas très réussies alors qu'a plein de moment je trouve que ça fonctionne vraiment bien
Merci samoe pour cette découverte dans tous les cas!

Je suis du même avis que Superphane.

La question que je me pose (et c'est là que que le récit homodiégétique devient peut-être autofiction), c'est :"a-t-on réellement affaire à une biographie ?"
Isa la Suédoise semble inconnue des moteurs de recherche qui renvoient systématiquement au livre de Picard. Alors ? Doublement bien joué de la part de l'auteur qui signe non seulement une bien belle bd, rythmée, nocturne, drôle et précise dans les détails, mais nous trompe peut-être aussi en nous faisant croire à un reportage alors qu'il nous entraîne dans son sillage à la rencontre d'une vie imaginée de toutes pièces ?
Curieux d'en savoir davantage…

Je me suis posé exactement la même question que Fred, mais j'y reviendrai de retour de w-e car de Jeanine je fais mon Shérif du mois

Jeannine aurait pu être mon Sheriff si seulement il n'y avait pas eu l'Hydrie.

J'ai d'ailleurs trouvé que pratiquement tous les titres de cette sélection avaient pour point commun, la passion.

Le personnage de cette bd ne déroge pas à cette impression pour moi, d'autant plus que cette force de caractère que possède Jeannine n'est pas sans rappeler une personne de mon entourage.

On pourrait penser que cette femme ordinaire au passé extraordinaire en fait des caisses et en rajoute pas mal, mais elle possède une personnalité telle que l'on pourrait croire pratiquement tout ce qu'elle dit.

Après il y a effectivement ces dernières pages où le rythme s'essouffle, et cet épilogue qui à mon sens ne sert pas à grand chose, mais ça ne gache en rien le plaisir que j'ai eu à la lecture de cet ouvrage.

Une excellente découverte pour moi !