Encyclopédie des débuts de la Terre (L'), de Greenberg (Casterman)

Can a écrit:

audace + prise de risque = qualité garantie ??

pas du tout, pas du tout. Cela dit, je me méfie de la qualité. Ce n'est pas pour moi une preuve de réussite. J'aime les aspérités, les oeuvres rugueuses, qui s'imposent malgré leurs défauts, ou dont on apprend à aimer même les défauts parce qu'elles donnent beaucoup en retour.

Aucune envie de sanctionner cela dit ! Plutôt envie de défendre vaille que vaille Courir Deux Lièvres, livre étonnant, franchement unique (est-ce qu'on a tous un livre de ce tonneau déjà en rayon ?)[/quote]

Arguments largement recevables mon cher , moi aussi j'aime les œuvres fragiles avec leurs défauts, du moment où elles sont sincères, ça n'a pas marché par contre sur "Courir".

Même si je n'irais pas jusqu'à dire que 'L'encyclopédue des débuts de la Terre" est parfait, je suis en grande partie d'accord avec Can. Je n'ai pas sentit de sincérité chez Grennan, beaucoup d'application, de méthode, de virtuosité à mettre en œuvre son propos et un grand professionnalisme mais tout ça est un peu sec. Alors que le livre de Greenberg transpire l’œuvre personnelle où l'auteure à mis tout son cœur. Ça m'intéresse plus.

D'autre part, je ne suis pas tout à fait d'accord sur la prise de risque, même s'il n'est pas du même ordre. S'inspirer des plus grands mythes et légendes sur la créations et les rassembler au sein d'une même histoire cohérente était, à mon avis, très risqué en terme de narration. L'exercice est cette fois particulièrement réussit.

Hé chef, c'est parce que t'as pas aimé que je titille "l'encyclopédie" que tu nous a posé un lapin ce midi? (pour la peine je vais en remettre une couche)

Sinon je suis d'accord c'est un bon livre et t'as bien le droit de voter pour lui comme de te mettre le doigt dans l'oeil, mais faut avouer que quand on trouve sur la même couve les termes "roman" et "encyclopédie", il y a déjà un paradoxe qui devrait nous alerter quand au fait que l'auteure ne sait pas vraiment où se situer. 

Recycler des mythes aussi riches et en tirer des histoires convenables c'est la moindre des choses quand on sait un peu dessiner et scénariser. Je trouve en plus que son graphisme charmant et le côté décalé emprunte un peu trop  à Marjane Satrapie.

Mais bon nulle doute que dans la foulé du Sheriff elle aura aussi le prix Fnac, le prix des lecteurs Telerama, la médaille de la ville de pleins de villes dans le monde… et que toutes les personnes qui liront ce bouquin auront envie de lui envoyer de l'argent en plus du prix d'achat du livre (sauf Eraserhead qui à déjà fait un chèque à Grennan) tellement ils auront aimé. Même ma grand mère qui se fout de la BD, autant que moi je me fiche du patchwork aimera ce livre. 

Qui ne pourrait pas aimer ce livre ? Qui ? 

C'est quand même totalement dépriment si on y réfléchis…

Nico a écrit:

mais faut avouer que quand on trouve sur la même couve les termes "roman" et "encyclopédie", il y a déjà un paradoxe qui devrait nous alerter quand au fait que l'auteure ne sait pas vraiment où se situer. 

Même si comme toi Nico, j'ai  trouvé le terme de 'roman graphique' inapproprié et peut être un peu racoleur, on peut se demander si c'est un réel choix de l'auteure, dans l'interview mise en lien par Joco, elle dit qu'elle a eu " la possibilité de se lancer dans un roman graphique " et que pour cela elle s'est servie de deux histoires distinctes et préexistantes comme point de départ, cela peux laisser entendre qu'elle s'est pliée à une demande éditoriale .
Je pense pour ma part que cette jeune auteure de 26 ans seulement sait trés bien se situer et développe dejà un univers extrêmement riche et référencé.

Tout d'abord, graphiquement, c'est très beau ! Les traits des personnages, le nombre limité de couleur, mais surtout l'utilisation du noir viennent poser les choses et nous embarque dans cette histoire.

Mais surtout ce que j'ai aimé, c'est de nous retrouver dans l'univers du conte et des conteurs, où le récit n'est pas là parce qu'il est vrai, mais parce qu'il signifie. C'est une narration que nous connaissons peut et c'est un plaisir d'y plonger, surtout lorsque c'est fait avec autant de talent, de dépaysement.

Certes, la fin est moins intégrée... Mais elle permet au lecteur qui en demande encore d'avoir un petit surplus qui, dans mon cas, a été apprécié.

Mon préféré ce mois-ci !

Déjà, je ne vois pas un paradoxe infranchissable entre "roman graphique" et "encyclopédie", à moins de vouloir à tout prix faire rentrer les livres dans des cases toutes étriquées. Dans ce cas là, il me faut la définition d'une "encyclopédie" et celle, et ce sera plus dur, de "roman graphique".
Cette conception manque singulièrement de liberté, là où se livre en prend beaucoup. Ce qui est une de ses qualités premières.

Nico a écrit:

Recycler des mythes aussi riches et en tirer des histoires convenables c'est la moindre des choses quand on sait un peu dessiner et scénariser.

Ah, bon, c'est aussi simple que ça. J'en déduis que Isabel Greenberg sait un peu dessiner et scénariser. Super ! Comme Marjane Satrapie, peut être, mais pas comme Marjane Satrapi (sans E), parce que niveau dessin, je ne vois pas une once de ressemblance !
Excuse-moi, mais là, tu manques sérieusement d'argument.

Nico a écrit:

Qui ne pourrait pas aimer ce livre ? Qui ?

Je doute sérieusement que ce livre rafle beaucoup de prix (et il n'a pas encore le Shériff d'Or, non plus) et quand bien même, doit-on s'interdire de le sélectionner ?
Par contre, je suis sûr que beaucoup de gens ne l'aimeront pas spécialement. Et quand bien même, s'il plait à tous, doit-on l'écarter ?

Joco a écrit:

Excuse-moi, mais là, tu manques sérieusement d'argument.

Ca me paraissait pourtant imparable !!! 

Zut !!!

Joco a écrit:

Déjà, je ne vois pas un paradoxe infranchissable entre "roman graphique" et "encyclopédie", à moins de vouloir à tout prix faire rentrer les livres dans des cases toutes étriquées. Dans ce cas là, il me faut la définition d'une "encyclopédie" et celle, et ce sera plus dur, de "roman graphique".

tentative d'éclairage concernant le roman graphique  
http://neuviemeart.citebd.org/spip.php?article448

Cet enchevêtrement de contes, j’aurais bien aimé le lire, le relire, et le relire encore ; ce sera pour une autre fois, peut-être. Je ne les connaissais pas tous, loin de là. C’est un vrai défi. Risqué. On aurait pu avoir un catalogue lourd et indigeste.
Bien au contraire, cet ouvrage est élégant, fin et gracieux. On passe d’une mythologie à l’autre avec l’histoire d’amour en filigrane liant l’ensemble. Le dessin est simple et puissant.
Universel ?

Merci Manue pour le lien "Roman graphique".
Pour le terme Encyclopédie je le trouve parfaitement adapté au ton de la BD, il en est question d'ailleurs dès les premières pages, et celui-ci n'est qu'une trouvaille habile pour présenter une œuvre singulière et décalée.

On notera aussi la belle référence au Babel fish, déja mentionné dans Bêta... civilisations (et issu de H2G2 de Douglas Adams, que je n'avais pas cité depuis 3 messages... et ça manquait!)

Pas sûr non plus que le livre ait une portée universelle et plaise à tout le monde.

Le graphisme avec ses petites touches colorées ainsi que le récit fait de contes et d'histoires extraordinaires sont totalement jubilatoires.
On est porté par les méandres de ces récits décalés et drôles et on se laisse baigner par ces dieux, ces clans, peuples et animaux dans un tourbillon merveilleux.

A l'instar de Jean-Philippe Jaworski qui décrit très bien l'importance du barde dans "Même pas mort" de la trilogie "Rois du monde", récit épique et fantastique de guerriers, rois, druides et bardes celtes, cette BD fait la part belle au conte mais surtout à l'oralité du conte et à son importance dans certaines sociétés. Le conteur a un pouvoir, et un devoir de transmission qui se traduit par une transformation et une évolution permanente de ce qui est conté, une plasticité noble, périlleuse et artistique. C'est aussi un pouvoir gigantesque de faire et défaire l'Histoire et les Hommes, un souffle de vie d'une portée universelle, toujours en mouvement.
Là où l'écrit est figé et immobile, l'oralité est mouvement et déplacement, agitation, transformation et vie.