Tyler Cross de Brüno et Nury

Passé le Rio Bravo, ça sonne comme le no return de Robert et Monroe : l'appât de la gaine mais jamais le grand je t'aime, non, dans le Texas des fifties, plutôt écraser la gueule de son voisin que d'essayer d'en faire son ami.
Tyler Cross connaît ça ; quand la brune CJ s'embrase dans la nuit électrique, ça ne l'émeut pas plus que s'il regardait une allumette suggestive griller dans un cendrier plein de mégots. Et pourtant, ils en ont eu des coups ensemble et des plus tordus, mais il est des situations où l'hygiène professionnelle doit prévaloir sur une espèce de sentimentalisme de mauvais aloi… Tout de suite, il lui faut parer au plus pressé car du professionnalisme, certains en ont manqué et Tyler se retrouve seul survivant de l'embuscade qu'il a organisée, seul et en possession de dix-sept kilos de mexicaine brune qui l'embarrassent plus qu'autre chose. Pire, il est à pied dans le désert, ça ne lui laisse pas beaucoup le choix, soit crever comme un chacal, soit atteindre Black Rock et composer avec la famille Pragg qui fait régner la loi dans la bourgade et alentour, et qui s'avère encore plus tendue qu'elle peut l'être à l'accoutumée, tout affairée qu'elle est aux préparatifs du mariage qui aura lieu le lendemain entre un des leurs et la plantureuse Stella, la fille du vieux garagiste Joe qui n'a jamais goûté l'autorité des Pragg. Tout Cross qu'il est, Tyler a peut-être tort de ne pas se méfier assez de ces bouseux…
De manière évidente et revendiquée, la volonté des auteurs est de s'inscrire dans un récit de genre, scientifiquement référencé, comme le renseignent les bonus de l'édition collector noir et blanc qui détaillent page par page la couleur et le goût des films et romans qui ont pu inspirer tel plan, telle réplique, telle situation. Et c'est avec un indiscutable brio qu'ils arrivent à tisser depuis le nombre de patrons disponibles un camaïeu solide et cohérent qui doit son originalité et son équilibre au ton et au style de ses créateurs. Qu'importe qu'on parle de cow-boys ou d'extraterrestres, de malfaiteurs ou de philanthropes, c'est toujours la personnalité des auteurs qui fait date.
Dans Tyler Cross, Fabien Nury a réduit son langage à des phrases courtes et simples, faisant alterner dialogues et cartouches narratifs dans un registre cynique et détaché, comme un auteur de roman noir, tel un faiseur de plaisantristes. Le rythme rapide que confère ce texte ciselé au récit convient on ne peut mieux à l'expression graphique de Brüno qui, de livre en livre, assied sa ligne claire avec plus de maîtrise et de volupté, s'éloignant peu à peu du trait résolument minimaliste de ses débuts. Et, sanctionnant dans sa mise en cases le jeu des références qui lorgne du côté du film américain noir des années cinquante, il a choisi d'avoir plus souvent qu'à son tour recours à une grande largeur de champ, un format cinémascope.
On peut abuser de temps en temps des bonnes choses car, en couleurs ou en noir et blanc, la lecture de ce livre épais de quatre-vingt dix pages est un plaisir presque jubilatoire.

Les références stylistiques de cette chronique seront dévoilées dans sa future édition collector.

du coup, l'usage du 'cinemascope' pour le film noir, c'est un peu ballot, non ?

Humour noir, anti-héros cynique, polar dans une ambiance western, violence et réglements de compte, dessins superbes. Certes il faut aimer le genre, mais pour moi tout y est, j'adore !

Pareil , j'ai adoré. Nury et Bruno forment une paire vraiment complémentaire et ils parviennent ensemble à sublimer leurs talents. J'avais trouvé Silas Corey assez convenu et Lorna manquait un peu de profondeur (si je peux me permettre  ). J'ai la version couleur qui semble un peu moins puissante d'un point de vue graphique que la n&b. je trouve d'ailleurs que le travail sur les couleurs est presque le point faible de l'album , mais c'est vraiment pour émettre un détail négatif car pour le reste c'est vraiment brillant et même avec un tas de grosses ficelles , on prend un plaisir fou à la lecture , quand l'intelligence narrative crée un pont entre les standards de la BD et les films des 50's , on obtient un des titres qui va marquer cette rentrée , que dis je , cette année 2013.

Quelques explications des auteurs LA.

Que dire de plus que ce qui a été dit précédemment. Pour moi tout y est, un livre qui se lit d'une traite avec énormément de plaisir.

Wééé, super ! Rythme enlevé, dessin tonique, héros charismatique... autant dire que je n'ai pas boudé mon plaisir à cette lecture !
Un excellent moment dans l'odeur de l'encre (et de la poudre !)

Du rythme, des personnages charismatiques et un scénario bien ficelé, un pur régal ! A quand l'adaptation par Tarantino ?!!

Il a, je crois, d'autres projets en cours...

Je m'y attendais. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'y attendais.
Déçu.
J'aime beaucoup Bruno. Le rapprocher de Tarantino lui plait bien, lui qui passe son temps à singer avec brio son univers fait de cinéma d'exploitations 70s (blaxploitation et western en tête) épuré, lissé.



Et en fait de 'film noir', c'est plus les deux genres pré-cités que l'on trouve dans Tyler Cross.

Le film noir oui, mais celui des 70s, qui a déjà passé à la moulinette les codes d'un genre défini trente ans avant. Pour le western, itou. Autrement dit, Tarantino, c'est déjà la copie de la copie de la copie.
Ce qui est bon, avec lui, c'est qu'il maîtrise avec brio la totalité des étapes, et se permet ainsi, très souvent quand c'est réussi, un clin d'oeil en abyme, une image qui traverse le temps, qui contient en elle toute l'histoire du cinéma (de genre), en même temps qu'un discours (intelligent) sur cette histoire.

Tyler Cross, c'est plutôt une sorte d'hommage à Tarantino, à un univers, à des codes cinématographiques déjà limés, mais sans véritablement contenir cette profondeur qu'on trouve parfois chez le cinéaste. L'histoire, bien pâlotte, des personnages monolithiques, on est dans l'épure me dira-t-on. Il s'agit de laisser place au talent de l'illustrateur, qui dans son trait même doit contenir tout le projet (explicité ci-dessus).

Or, (j'aime bien Bruno), je le trouve assez peu brillant cette fois-ci, étonnamment, tant ça aurait dû.
Loin des plastiques bombées d'Atar Gull, loin de l'épure un peu délirante de Lorna, on a ici un entre deux, une sorte d'hésitation à y aller franco qui nuit, me semble-t-il, au propos.
De belles planches sur le mariage, mais sinon, que Stella est moche (p.18-19 notamment)!!
Le rythme (et l'on reparle du récit) est somme toute convenu, de la même manière dans un entre deux, n'allant pas au bout. On tente bien de prouver de qui l'on tient cette narration, ces enchaînements, ce rythme, mais on ne pousse pas le bouchon trop loin : autrement dit, on essaie de coller à une narration, à une imagerie maniériste au possible, mais sans la dépasser, sans accepter la dose d'abstraction qui la rend jouissive :

le maniérisme tend à une certaine dimension abstraite. Si on la refuse (pour ne pas perdre trop de lecteurs sans doute), le projet de départ ne tient ni ses promesse, ni la route.

Le meilleur moment, c'est quand le serpent prend la parole, que la bd reprend ses droits (va faire ça au cinéma ) et que là, dans cet insterstice, on va au bout (p44).

[PS : un petit 13 me paraîtrait plus raisonnable pour cet album, qui est bien moins bon qu'Atar Gull]

On est quand même très très loin de Boulevard de la mort...
Le livre est finalement assez sage, un peu convenu.
Mais on ne boude pas son plaisir quand même. C'est fun et rythmé.
J'aime le dessin de Brüno.
Quatorze, ça suffira bien.
Mention spéciale aux couleurs qui me font vraiment douter de l'utilité d'une publication en noir et blanc.

Scénario très dynamique et dessin puissant et maitrisé. Exercice réussis !

Ha ben merci Superphane!!!!
J'ai justement acheté la publication N&B...

Comme eraserhead, je suis déçu. Mais contrairement à lui, je ne m'y attendais pas, mais alors, pas du tout.

Je suis client de ce genre de livres : récit de genre, du rythme, du mouvement... C'est pour ça que je suis venu à la BD, et même si je trouve aujourd'hui de très grands plaisirs ailleurs, quand c'est bien exécuté, ça reste jubilatoire.

Le pire, c'est que c'est bien exécuté, avec des personnages travaillés, des types mais chacun avec son détail inattendu, ce qu'il faut de rebondissement et de linéarité dans le récit... Oui, bien exécuté, mais malgré tout, à la fin, je me suis dit : et alors ? Il ne va, je pense, pas me rester grand chose de cette lecture d'ici quelque mois. Et cela m'attriste : c'est le livre que j'aurais aimé aimer !

Après, restent quand quelques bonnes trouvailles comme la séquence dans la tête du serpent ou la mariée qui a tout d'un personnage moteur et qui oscille entre l'alliée providentielle et... la cruche !

J'ai pour ma part du mal à trouver de véritable critique négative à faire à ce livre (qui est pourtant très loin d'être parfait, hein).

eraserhead a écrit:

mais sinon, que Stella est moche (p.18-19 notamment)!!

tu veux dire quoi par là ? Le personnage ou bien techniquement le travail de Brüno ? Parce que je n'ai pas l'impression que ce soit la nana la plus canon du monde et ça n'est pas vraiment un problème.

Par rapport aux œuvres précédentes de Brüno (Lorna et Atar Gull), je ne trouve pas le dessin soit le cul entre deux chaises, c'est juste un choix différent. Entre les précédents donc, et alors ? C'est pas franchement choquant chez un dessinateur ce genre de d'évolution.

Pour l'écriture, le travail de Nury me convainc (presque) à chaque fois et là, ça fonctionne très bien par le rythme efficace du début à la fin, une gavée de références qu'il est bien agréable de mieux saisir grâce au dossier de la version noir et blanc et également quelques trouvailles (qui n'en sont pas vraiment) comme le serpent par exemple que j'ai pas vraiment de mal à imaginer dans un film cependant.

Pour la note, la grille parlera mais je le préfère à Atar Gull ! Et pas qu'un peu !

edit : la mise en couleurs de l'édition standard est tout bonnement superbe et ça pèse dans le vote puisque c'est bien celui-là qu'il faut juger.

fabulous a écrit:

eraserhead a écrit:

mais sinon, que Stella est moche (p.18-19 notamment)!!

tu veux dire quoi par là ? Le personnage ou bien techniquement le travail de Brüno ? Parce que je n'ai pas l'impression que ce soit la nana la plus canon du monde et ça n'est pas vraiment un problème.


Pour la note, la grille parlera mais je le préfère à Atar Gull ! Et pas qu'un peu !

tu es mignon... je parlais du dessin.
Pour ce qui est du fait de préférer Atar Gull, encore une fois, je parlais du dessin.
Quant au scénario, Atar Gull était franchement bancal dans le rythme. Après sur le fond... Ce qui était dit du rapport aux origines, à la famille, etc., me semblait un brin plus profond. Mais ça, ça n'est pas grave, une histoire plate, du moment que ça déchire !!!! !!!

Mon chouchou du mois! Découvert mensuellement dans les pages du professeur cyclope, je n'ai pas boudé mon plaisir de retrouver Tyler dans ce beau format et qui plus est en couleurs. J'avais justement un à priori sur le fait que les planches aient été colorisées mais après lecture quelle surprise! J'ai retrouvé la même émotion que lors de la lecture des chapitres pré-publiés en noir et blanc.

Côté histoire, pour moi tout y est rien à redire.

Le seul bémol: j'ai trouvé ça trop court...

eraserhead a écrit:

fabulous a écrit:

eraserhead a écrit:

mais sinon, que Stella est moche (p.18-19 notamment)!!

tu veux dire quoi par là ? Le personnage ou bien techniquement le travail de Brüno ? Parce que je n'ai pas l'impression que ce soit la nana la plus canon du monde et ça n'est pas vraiment un problème.


Pour la note, la grille parlera mais je le préfère à Atar Gull ! Et pas qu'un peu !

tu es mignon... je parlais du dessin.
Pour ce qui est du fait de préférer Atar Gull, encore une fois, je parlais du dessin.
Quant au scénario, Atar Gull était franchement bancal dans le rythme. Après sur le fond... Ce qui était dit du rapport aux origines, à la famille, etc., me semblait un brin plus profond. Mais ça, ça n'est pas grave, une histoire plate, du moment que ça déchire !!!! !!!

 Ouf, me voilà rassuré, pas franchement d'accord sur le dessin comme je le disais mais rassuré.
Pour le scénario, il y avait peut-être de plus grandes ambitions dans Atar Gull mais pas pour grand chose, alors que là "ça déchire" comme tu dis   

hourrah !!!

En ce qui me concerne, ce sera donc tout juste la moyenne puisque... roulement de tambour, je suis entièrement d'accord avec Eraserhead...
Oui quand même c'est suffisamment rare pour mériter d'être noté! Or donc, j'ai lu cette Bd, comme ça d'un coup, pas besoin de faire de chichi, en plus j'aime Bruno, à priori, mais je vais peut-être commencer de me méfier...

Le fait est que Tyler Cross, c'est beau, c'est fun, mais cela m'a surtout fait l'effet d'un film dont je sors de la séance en me disant oui, c'était bien et que j'aurais oublié quelques semaines plus tard...
Remarquez désormais, je ne l'oublierais plus de sitôt grâce à la brillante analyse qu'Eraserhead justement, nous livre du délitement qu'opère la recherche de référence de genre sur la teneur du propos.
C'est un phénomène auquel j'avais déjà pu me confronter, sans pour autant avoir poser des mots ou une analyse aussi justement exprimée (à mon sens) jusque là... Donc merci!

Quelle matinée !!!  

Excellent, GD !!!  

Excellente BD, dessin et scénario réussis et bien menés, avec une histoire bien rythmée du début à la fin.
J'ai bien aimé le mélange des genres : polar et western.

total respect, mr GD !