Le Diable Amoureux et autres films jamais tournés par Méliès de Duchazeau et Vehlmann

Un nouveau Duchazeau, c'est la garantie de se faire du bien aux mirettes. Alors on se pose dans le trou de son canapé, celui qu'on travaille depuis des années, et, pour peu que la magie fonctionne, on se laisse emporter. Et de magie et de merveilleux, il en est bien question ici !
Or donc, la paire des Cinq conteurs de Bagdad est reconstituée et le plaisir que ces deux-là prennent à nous raconter des histoires ne s'est pas envolé. Ah non ! Et c'est une fantasmagorie autour d'un personnage mythique de la France et du cinématographe qui nous est livrée.
D'emblée, les mains tâtent le livre, beau et sobre à la fois, et le doigt se laisse glisser le long du dos pour mieux éprouver la texture de la toile noire que l'éditeur a eu le bon goût de payer. Et le regard se porte sur la couverture conçue comme une affiche de spectacle d'animation que Georges Méliès, précurseur en la matière, aurait pu lui-même créer. Nous voilà partis pour un voyage de sept chapitres, tous plus extraordinaires les uns que les autres.
Le dessin de Frantz Duchazeau sied à Paris. Les pages sont sublimes et la ville lumière drapée du charme suranné des années vingt éclate des ses pavés et ses passants à chapeau haut-de-forme. À une terrasse de café, Méliès raconte à Jacques Prévert son parcours et sa vision du cinéma, totalement opposée au réalisme des frères Lumière, et qui peut s'avérer dangereuse pour peu que le tournage se fasse en extérieur ! Les chapitres s'égrènent comme autant de courts métrages fantasmés par des auteurs qui connaissent et ont étudié leur sujet. Souvent drôles et étonnantes, parfois terrifiantes, les historiettes mettent en scène un Méliès luttant contre ceux que son cinéma dérange, les situations fantastiques sont racontés en grande liberté, bien que les références à l'oeuvre du précurseur parsèment sans cesse le livre. La jubilation d'un Paris des catacombes, le rêve et le merveilleux s'y côtoient avec bonheur. Mention spéciale pour Un Fantôme sur la lune, la poétique Nuit du zouave, l'inquiétante Nécropole Mécanique et la terrible histoire éponyme.
Je n'aurai qu'un mot : plaisir.

Mon mot à moi serait : poésie et humour tendre...

On est habitué aux traits toujours parfaits de Duchazeau et le maitre se renouvelle ici puisqu'il explore davantage la caricature des personnage, accroissant ainsi le comique des situations.
Cependant on ne perd rien de la fluidité habituelle, que dis-je de la virtuosité des dessins...

Les histoires m'ont, pour ma part, toutes plues dans une mesure ou une autre. J'adore l'idée de départ quoiqu'il en soit, spéculer sur les idées que Méliès auraient pu tournées en film, non seulement c'est pertinent mais l'hommage, au cinema comme au bonhomme, est bel et bien là...

N'ayant pas encore eu l'occasion de feuilleter l'ouvrage, est-ce qu'un des heureux lecteurs pourrait me dire si le livre de Cazotte qui donne son nom à la BD joue un rôle dans le recit, ou s'il est juste mentionné en passant parmis d'autres oeuvres potentielles de Méliès ? Je crois deviner un parallèle possible entre la vie de Méliès et celle de Cazotte dans le résumé de Fred .

Tiens, Vehlman, c'est un vrai scénariste de BD.
ça aurait pu m'intéresser.

Mon cher lapin, les a priori nuisent gravement à la santé mentale
Participer au jury n'est pas une punition, surtout si on ne juge pas la sélection avant de l'avoir lue.
Attention :

Si tu pouvais éviter de m'appeler comme ça en public, j'apprécierais.
Les gens pourraient se méprendre et on jaserait.

Pour en revenir au sujet de la chronique, et pour répondre à ma propre question, après avoir lu ladite BD, non ce Diable Amoureux n'a en commun avec le roman du même nom que le titre. Ici, pas d'ésotérisme cabbalistique mais une suite de contes merveilleux entre Poe et Hoffmann. Ca se lit d'une traite bien que les différents récits soient relativement indépendants les un des autres.
Tout au plus reprocherais-je aux auteurs de céder à la facilité et à la mode de l'anachronisme "steampunk": les frères Lumière armés de fusils-caméra, est-ce bien utile ?

Zaitchick a écrit:

Si tu pouvais éviter de m'appeler comme ça en public, j'apprécierais.
Les gens pourraient se méprendre et on jaserait.

Dans ce cas je propose que chacun se mette desormais à t'appeler "Lapin". C'est ainsi que l'on coupe court à une rumeur pour lancer une mode...

Un hommage à Méliès prétexte à des petits contes noirs d'un merveilleux presque surréaliste parfois angoissants toujours poétiques, ça me suffit ça me botte. Le trait blutchien et charbonneux d'un Duchazeau presque aussi bon que dans Meteor Slim, qui reste en tout cas un des meilleurs dessinateurs du monde (le monde est petit alors laissez moi être emphatique), je suis amoureux de chacune de ses cases avec les rues de Paris... Une petite métaphore en fin de volume sur la mort de l'imaginaire à cause de l'invention de la technique du cinéma, et même avec des flingues-caméras moi je dis pourquoi pas après tout mon colonel.

marion a écrit:

Zaitchick a écrit:

Si tu pouvais éviter de m'appeler comme ça en public, j'apprécierais.
Les gens pourraient se méprendre et on jaserait.

Dans ce cas je propose que chacun se mette desormais à t'appeler "Lapin". C'est ainsi que l'on coupe court à une rumeur pour lancer une mode...

C'est toi qui vois, ma cocotte.

Capitaine Nicrotte a écrit:

Le trait blutchien et charbonneux d'un Duchazeau

"blutchien" ?
Il me fait plutôt penser à Kevin O'Neil.
Mais bon, pourquoi pas, y a un peu de ça.
Mais plus gracieux, je trouve.

Moi avoir problèmes techniques... Je disais :

Zaitchick a écrit:

Il me fait plutôt penser à Kevin O'Neil.

Euh... ah bon?... A-t-on tenu le livre dans le même sens?

Kevin O'Niel pour le traitement de certaines surfaces en hachure et Eddie Campbell aussi.

Mais peut-être que j'ai lu leurs bouquins à l'envers.

Je vois ce que vous voulez dire cher Monsieur.

Zaitchick a écrit:

Mais peut-être que j'ai lu leurs bouquins à l'envers.

Désolé de faire un peu hors sujet mais ça me fait penser à ça : http://www.tomhart.net/oubapo/misc/images/verbeek.jpg

ça me rappelle le Trombone Illustré (le supplément de Spirou dirigé par Franquin) où j'avais vu ces "oubapo" pour la première fois.

C'était pas plutôt Delporte que Franquin ? M'enfin bon, je ne suis pas sur qu'il y avait vraiment quelqu'un qui dirigeait ce joyeux bazar...

attentes un peu déçues de mon côté par cet album...

Les histoires, certes attachantes pour la plupart (et c'est déjà bien), n'ont pas grand chose d'original.
Le lien 'Méliès' me paraît un peu lâche en général : utilisé comme personnage, très bien, intéressant, (mais à moitié documenté).
Les histoires ne mettant pas en scène Méliès doivent-elles être lues (le titre y invite ?) comme des films possibles de Méliès, auquel cas c'est assez lointain de sa filmo réelle non ?

De mon côté, les caméra-fusils ne m'ont pas gêné, au contraire, ils rajoutent un souffle quasi épique-2nd degré assez plaisant ; pour moi, la présence de Prévert fait entendue, et dispensable.

L'histoire la plus réussie reste LE FANTOME SUR LA LUNE.

Pour moi, le graphique n'a pas souvent la force que vous évoquez quasiment tous, et il est parfois prisonnier de photos d'époque (visuels rebattu des frères lumière par exemple...) du coup, l'ensemble souffre à mon goût d'un aspect révérencieux un peu coincé (sauf justement avec ces fusils, et avec l'histoire des rats...
et avec quelques belles trouvailles visuelles telle l'étoile polaire ou encore plus le noyé embarquant le lustre du théatre sous les eaux).

en demi-teinte donc.

eraserhead a écrit:

Pour moi, le graphique n'a pas souvent la force que vous évoquez quasiment tous...

J'ai dit à quoi il me faisait penser...
Pas forcément que j'adorais.

A l'instar de Fred, cette bd procure du plaisir!
Le dessin retranscrit parfaitement l'ambiance un peu surréaliste et étrange qu'on ressent aussi en regardant les films de meliès.
Je trouve en revanche les histoires inegales et celle avec le singe ( sorry j'ai oublié le nom) est un peu traité en survol mais c'est un detail...L'ambiance est là!
Un bel hommage et un bel ouvrage

wijbick a écrit:

A l'instar de Fred, cette bd procure du plaisir!

Merci, merci
Mais je t'avais dit pas sur le forum...

Lecture attendue, très plaisante mais manquant de fraîcheur, à mon goût !!! Sept histoires plus ou moins inégales (originalité banale, conte plus ou moins conte, clins d'œil à des personnages historiques...) mais bien mis à l'honneur par un dessin en noir et blanc parfaitement adapté au sujet.
Au final, petite déception... peut-être due à une certaine méconnaissance du travail de Mélies...

eraserhead a écrit:

L'histoire la plus réussie reste LE FANTOME SUR LA LUNE.

Plus un !!!

HA! HA!
Bon faudrait que j'apprenne a écrire un des ces jours!
Évidemment je voulais dire, "A l'instar de Fred je pense que..."
Remarque, c'est amusant aussi d'être drôle malgré soi, au risque de passer pour je ne sais quoi!

La magie du septième art s'inscrivant sur les planches du neuvième art.
C'est un album assez atypique, qui propose ces sept histoires autonomes les unes aux autres. On plonge dans un univers empreint de surréalisme, de poésie ou encore de magie. Le scenario joue aussi la carte des références nombreuses au début de siècle passé.

Georges Melies a été un réalisateur qui marqua l'histoire du cinéma en lui insoufflant son souffle magique. Là où les Frères Lumières se sont cantonnés au phénomène de foire que représentaient la projection, Méliès a réalisé les premiers films structurés en scenario, avec une dominante particulière pour le fantastique.
Cet hommage évoque l'univers forain ou celui du spectacle à travers de nombreuses références, qu'il s'agisse de personnages, de lieux ou de thématiques.

Le trait n'a pas les rondeurs que Duchazeau avait restitué dans son album précédent, Météor Slim. Mais c'est assez variable selon les planches ou les histoires. Parfois, mon oeil aura peut-être vu un style à la Forton. Après, c'est toujours sombre et jovial, trait charbonneux, certains visages "cassés". C'est beau, c'est affirmé ! Et ça colle à cet univers si particulier

Mon appréciation est un peu une synthèse de tout ce que vous avez évoqué , le livre est magnifique , incontestablement le plus beau de la selection de ce mois ci , le trait de Duchazeau est un régal pour les pupilles , quand aux histoires , elles dégagent un soufle assez magique et poétique , le tout porté par de jolis clins d'oeil et une belle mise en image de l'époque.

Malgrè ces qualités , le décollage n'a pas eu lieu , dût en grande partie au format de nouvelles , assez frustrant dans le sens où , à peine immergé dans le propos , on en ressort quasi aussi sec.

Au final même si la lecture est plaisante , je suis resté un peu sur ma faim , la richesse des idées ne rencontrant pas toujours une profondeur de traitement adéquate.

Dommage ou peut-être bien à relire