Après qu'Emile Bravo eut illustré la jeunesse de Spirou à la veille du grand conflit mondial, Yann et Schwartz nous mène en 1942 dans cette Belgique occupée par les "doryphores vert-de-gris". Ce nouvel épisode des Aventures parrallèles de Spirou et Fantasio pourraient être une suite, ou bien une continuité.
Pourtant, cet album dépasse (c'est mon humble avis) l'épisode Bravo par toute une densité scenaristique et une richesse baroque-rococo dans les références à la culture populaire des années d'occupation. Ainsi, chaque page, chaque case cache des références à la bande-dessinée belge des années 40.
Hergé, en particulier, est omniprésent, que ce soit par un Quick et Flucke au coin d'une case, ou bien à travers de conversations de personnages, à l'instar de résistants débattant sur la publication de Tintin, collaborateur du nazisme ou bien source de bonheur dans la grisaille du quotidien d'une population occupée.
Sur le plan du scenario, c'est très solide et bien documenté. Fantasio est un zazou exalté qui fait de la résistance en le criant presque sur tous les toits. Mais il se brouille avec Spirou, son meilleur ami, qui travaille au Moustic occupé par les boches. Mais le jeune groom est kollaborateur discret en cirage de bottes, au sens propre plus que figuré. Il profite de sa place pour communiquer les informations à la résistance belge. En soixante-deux planches, c'est une histoire remplie de péripéties, de personnages hauts en couleurs qui peuplent ce Bruxelles 42. Yann place la barre très haut, et se confirme comme un scénariste de génie.
Graphiquement, on est dans la même veine que Bravo, avec un style tout droit sorti des cartons d'archives. A l'instar de ce scenario en dehors des sentiers battus, le dessin de Schwartz est plein d'énergie. Les meilleures réussites restent les grandes cases offrant une réussite picturale d'une prouesse et d'une richesse épatante. Les gamins de 25 printemps de ma génération se réjouiront de retrouver le papa de l'Inspecteur Bayard, son efficace sens du suspens, dans lequel je tombe tout aussi naïvement qu'à 12 ans.
Les nombreuses références sont telles que l'on pourrait faire un concours à celui qui en aurait le plus. Comptez trouver au moins :
Spirou (ça ne se discute pas)
Tintin - Quick & Flucke (omniprésent)
Blake et Mortimer (pour rester dans la même gamme)
Inspecteur Bayard
Astérix
Superman (et plus généralement les comics)
des références cinématographiques avec du kubrick, du 007, Bourvil, De Funès, Gabin...