Portugal de Pedrosa

Portugal est une bande dessinée ambitieuse.
Son grand format de 260 pages en quadrichromie constitue un pari ; Cyril Pedrosa et son éditeur ont décidé de s'adapter aux nouvelles contraintes et impatiences du marché en livrant d'un bloc une bande dessinée qu'il y a peu aurait été déclinée en une série d'au moins quatre tomes. Le choix d'un prix plus que raisonnable ressemble à une décision politique, un peu à la manière du Sandinista des Clash, à son époque ; 35 euros, alors que le prix cumulé d'une série de plusieurs volumes aurait peut-êtres permis à l'auteur et l'éditeur de gagner davantage d'argent.

Portugal est une bande dessinée merveilleuse.
Pedrosa n'avait encore jamais atteint une telle liberté graphique. Son trait suit la courbe de ses émotions, tantôt en-dedans, retenu comme peut l'être Simon, le personnage central, dans sa faillite personnelle, tantôt exubérant, foisonnant dans une superposition multiple et infinie, comme les conversations émanant des tablées portugaises, bruyantes, évanescentes.

Portugal est universel.
Le thème est sensible, il touche une part de chacun. Simon est en rupture, d'abord avec lui-même, forcément avec les autres. Il ne se situe plus, ni dans son inspiration d'auteur de bande dessinée, ni dans son couple, ni ailleurs. C'est un festival à Lisbonne qui va réveiller son intérêt, lui faire dresser la couenne et l'oreille. Un jour, on ressent des vibrations ; c'est un environnement composé de paysages, de sons et de personnes, c'est difficilement explicable, une synergie, des résonances issues d'un passé enfoui, la chair de poule, les yeux qui piquent et le souffle haletant. Une forme de blast… Un jour, on se sent bien quelque part. Simon va se réconcilier avec lui-même (et donc les autres) dans un pays duquel son énigmatique grand-père est originaire et où il n'a jusqu'alors passé que de furtives vacances enfantines.
Passé la part autobio (!), Pedrosa imagine un personnage-buvard qui renaît, réinvente sa vie, redécouvre sa famille et une raison d'être et de faire, une paix. C'est un sujet propre à chacun, mille fois exploité, décliné ici avec une grande justesse. Les dialogues, les rapports entre les personnages, les attitudes sonnent vrai ; l'expression graphique, rehaussée d'une magistrale mise en couleurs (aquarelle + infographie ?) est touchante ; le soleil lusitanien, le froid de l'abîme personnel sont rendus avec une grande sensibilité.

Portugal happe et retient le temps.


Ici, on peut lire le livre

J'ai l'impression que quand Pedrosa pique les pinceaux de Manuele Fior on obtient de bien beau dessin !
Et pour ceux qui veulent en savoir plus, une interview de l'auteur là.

J'ai cru voir une édition luxe, comment ce présente-t-elle ?

très belle chronique de Fred. Une bd a mettre entre toute les mains de fils d'immigrés Portugais qui (se )reconnaîtrons dans les différents personnages . un théme universel sur la recherche de son identité. un dessin fluide, une histoire bouleversante d'émotion.

A quand une séance de dédicaces?

Joco a écrit:

J'ai cru voir une édition luxe, comment ce présente-t-elle ?

elle se présente plus, on a tout mangé.

Pour une fois que j'étais presque tenté !

Sans doute son plus bel album en terme de dessin, ce gars continue d'évoluer d'album en album, c'est un plaisir pour les yeux (attention à ne pas tomber dans du De Crecy style pour la suite, mais son trait a trop de personnalité pour ça...)
Le premier chapitre rend parfaitement bien la perte de repère du héros et la fin de la relation avec sa fiancée...
Par contre les deux chapitres suivants, mais pourquoi ? Pour aller où ?
c'est vain, quasiment sans intérêt, il ne se cache même pas cette petite subtilité qui donne tout son sens à un récit...

Je reste un ardent défenseur de Cyril Pedrosa, un des seuls ici à avoir défendu "Trois Ombres", même si cet albums pouvait être naïf par moment, il avait du sens, pas sûr que "Portugal" reste dans les mémoires...

Je viens de finir PORTUGAL , et je suis encore sous le choc.
Je ne suis pas, mais alors PAS DU TOUT D'ACCORD avec Philippe.
Je pense que c'est UNE IMMENSE BD ( je n'avais pas ressenti cela depuis POLINA cette année) ... mais je reviens m'expliquer quand je ne serai plus sous le choc de l'émotion !

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la méthode de travail de L'auteur sur ce livre, il y a des scans passionnants sur son blog, ça date un peu et c'est là.

je viens de le finir, j'y ai passé une partie de la journée et je sent déjà l'envie d'en tourner encore les pages pour revoir certains passages, vérifier mes impressions, jouir de ces magnifiques dessins. Bref, je suis emballé !
Un peu de couleur à la Manuele Fior, un peu de transparence à la Gabrielle Piquet, un peu de Blast à la Larcenet avec une magnifique vague de Hokusai au passage et beaucoup de Pedrosa au meilleur de sa forme et on a un merveilleux livre.
Je pense qu'on doit aussi être infiniment reconnaissant à l'éditeur pour avoir (pour une fois) osé publier toute l'histoire d'un coup, c'est une excellente initiative car ce récit aurait souffert d'être coupé en plusieurs tomes. Même si l'histoire est en trois chapitres, tout ce tient.

Une magnifique lecture pour moi également!

Cela faisait bien longtemps, je le confesse que j'avais pas mal de difficultés à m'extraire de la narration des mangas, pour gouter celle de la Bd. Et c'est donc à ce Portugal que je dois le bonheur de cette lecture fluide et saisissante qu'il m'a procuré!

Il y a tellement de naturel et d'évidence, dans le déroulement de son histoire, de ces scènes, et de ces ambiances, on touche du doigt l'excellent qui ne souffre pas de retouches, ni de temps mort. C'est vraiment avec beaucoup de justesse et de subtilité, que Pedrosa nous livre ce regard sur le monde, sur les vies de chacun, et les tiraillements d'un individu. C'est le thème universel bien sur, sans plus de fioriture, qui se suffit entièrement à lui-même et qui est relevé avec maestria par l'auteur, et nous rappelle aussi, qu'il n'est guère besoin de grandes histoires, quand on a quelque chose à raconter!

Ce livre fut une invitation au voyage, un transport à la lecture, qui m'a tenu en haleine tout du long, sans la moindre lassitude. Effectivement le choix de la publication complète de cette histoire est courageux et doit être salué, car encore une fois, l'auteur, livre un travail tout à fait abouti à la hauteur du défi de ces 270 pages et c'est un vraiment régal, un tout parfait à la lecture!

Avec une pensée particulière pour le Fort Alamo, et ses dessins, ses couleurs, ses ambiances, je reste là-dessus car un éloge ne doit pas trop s'éterniser^^.

Trop long , trop lent , certes beaucoup de finesses , une qualité de trait très expressive mais pour moi c'est tout de même assez creux . Une tranche de vie , la quête de soi au travers du père et du grand père s'étalant sur autant de pages c'est trop . En plus je ne parle pas portugais et c'est chiant d'essayer de comprendre le sens des innombrables bulles en portugais .
Par contre j'irais bien y faire un tour au Portugal , il m'en a donné bien envie
Pas très satisfait ( vous l'aurez compris ) de ma lecture , surtout si on compare cet ouvrage au fabuleux trois ombres
Tu vois pour une fois Eraserhead je suis d'accord avec toi

je n'ai encore rien dit !

(mais je suis sûr qu'on sera d'accord plein de fois !!!)

eraserhead a écrit:

je n'ai encore rien dit !

(mais je suis sûr qu'on sera d'accord plein de fois !!!)

Oup's j'ai confondu avec Grompf ardent défenseur de 3 ombres

La première chose qui saisit le lecteur, c'est la multiplicité des registres graphiques de l'album, le foisonnement des couleurs. C'est beau. La première visite au Portugal avec le jeu des superpositions est splendide et les deux dernières parties plus introspectives que la première visent juste. Elles ne se contentent pas d'être une histoire banale sur la quête d'identité. Plutôt que de réduire l'histoire à la question "d'où je viens ?", Pedrosa tente avec brio d'élargir le propos en se focalisant sur la question "avec qui je me construis ?".
C'est touchant de bout en bout et j'apprécie beaucoup que l'éditeur prenne le risque d'une publication en une seul tome.

Pas beaucoup de réaction / à PORTUGAL ... je suppose que comme moi, encore sous le choc de l'émotion, les mots vous manquent ...

P'..N de BD !!!

C'est beau (le récit, les couleurs), c'est touchant (les personnages), c'est épatant (techniquement parlant), c'est lourd (le livre), c'est prenant (belle mise en scène/page)... Bref, un bon moment de lecture et, comme la majorité d'entre vous, un petit "merci" à l'éditeur et à l'auteur d'avoir eu les "couilles" de le publier en "one-shot".
Par contre, cela ne m'a pas donné l'envie/le goût d'aller séjourner quelques jours au Portugal !!!

Joco a écrit:

Et pour ceux qui veulent en savoir plus, une interview de l'auteur là.

Excellente interview !!! A lire de toute urgence !!!

Vous avez tout dit mais je plussoie. Allez tant qu'on y est c'est un chef d'œuvre.
Je dirai même "C'est tellement vrai !", pas comme disait Fabrice des blagues de Bigard dans "la Classe" hein mais comme on pourrait dire d'une œuvre qui touche à l'universalité par sa simplicité comme on dit vulgairement. Ici pas d'intrigue, pas de personnage dont on pourrait se dire qu'ils vont amener un drame ou un élément comique qui va faire basculer l'histoire dans l'aventure (y a que des gens sympa c'est dire comme c'est déstabilisant ! On est habitué à ce qu'il y est au moins un semblant de méchant quoi!), ici c'est juste l'histoire toute con d'un mec en quête d'identité. Alors le thème de la quête d'identité y en a que ça intéresse voire passionne, y en a qui trouvent ça inintéressant. Je peux admettre que suivre pendant 250 pages un truc auquel on ne trouve pas d'intérêt à la base ça doit être chiant. Moi ça va j'ai pas trouvé ça chiant vu que c'est un chef d'œuvre.
Cyril Pedrosa est un génie muito obrigado à lui.

Et du coup j'ai envie d'aller là-bas moi aussi allez hop vive les sardines

je suis en pleine lecture... donc je n'ai pas fini...
je reviendrai en parler quand j'aurai fini, mais en vous lisant, me vient à l'esprit la réflexion suivante, pour laquelle je vais prendre quelques pincettes :
oui, chef d'oeuvre, oui, superbe livre, oui histoire prenante, douce... mais histoire de vie (brillante, savamment rythmée, intelligente, etc...).
Mon souci, c'est que cet album en vient à lutter contre 2 livres qui sont des réflexions (un peu pompeuse pour l'un) sur la représentation, l'image, sa profondeur (physique), ce que cette profondeur apporte au sens,... bref, deux livres qui sont des apports, en terme quasi théorique, sur l'image : et la bande dessinée, c'est avant toute chose des images.
Des histoires de vie, on en a déjà eu (pas aussi brillante, je suis prêt à en convenir dès que j'aurai terminé), des livres qui disent sur l'image ce que disent les deux autres, je ne sais pas (pour le blutch, si, quand même).

Attention, parmi les livres évoqués, il n'y a pas Chimère.

Je comprends le fond de ton souci, Eraser.
Et j'ai envie de dire : et alors ?

Le livre de Pedrosa est assurément un futur classique … c’est déjà un immense ouvrage.
L’émotion traverse le livre d’un bout à l’autre. Soutenue par un dessin fluide, léger et profond à la fois (cela donne une vraie consistance aux personnages) et une utilisation des couleurs toujours en harmonie avec le déroulement de l’histoire. l’atmosphère graphique de la BD est magnifique.
On ressent le Portugal, son atmosphère, sa chaleur, ses couleurs, l’animation de ses rues, la ferveur de ses habitants …
Pedrosa réussit même à rendre quelque chose de rare dans la bd : l’ambiance sonore.
En refusant de traduire les dialogues (certains ont trouvé cela chiant …) Il fait du lecteur le complice parfait de SIMON, nous sommes comme lui plonger dans un univers nouveau et inconnu, comme lui nous sommes un peu perdu.
Quand on enlève un sens aux hommes, ils développent davantage les autres, Simon ne peut pas « entendre » alors il regarde, il observe les gens et les lieux. Son regard est si perspicace qu’il capte l’essentiel ( et nous avec lui ) Simon est un dessinateur donc un observateur et son talent va lui permettre de comprendre et de communiquer / Très belle mise en perspective de son métier !

Portugal offre un regard original et rare dans la BD sur la relation amoureuse et la vie en couple / la décision de devenir propriétaire comme signe fort d’engagement dont Simon ne peut se décider à assumer.
La scène de rupture du couple est absolument bouleversante : La planche 91 synthétise tout le talent de conteur et la magie du dessin de Pedrosa. Le visage de Simon nous transporte dans ses interrogations, ses doutes et son profond désarroi …
La planche se termine ; Claire, seule sous la pluie, comme dans les films de Chaplin … Difficile de ne pas être ému.

Pedrosa, après un tel temps fort, maintient le cap de l’émotion avec une facilité déconcertante.
Que ce soit dans les scènes de voyages ( en bus :seul ou en voiture : avec son père ou sa famille), le mariage et tous ces événements, les fiestas portugaises, la rencontre avec sa famille portugaise, le retour à la maison de son grand père, la découverte de son passé, du parcours de son grand père et de son père …
Quelle cohérence, quelle maîtrise pour nous conter au plus près cette quête d’identité …
Je reste admiratif devant un tel talent.

Pedrosa nous fait toucher le cœur de la mélancolie.
Au Portugal seul le FADO avait su rendre cette émotion, PEDROSA nous donne la vision graphique du sentiment de SAUDADE- « une mélancolie sans la tristesse ».
Cette « BD FADO » c’est la mélancolie du bonheur.

Et alors...
je réponds dans le sujet approprié, à savoir celui du vote

Et bien et bien, beaucoup de choses dites déjà.
je pourrai faire mon petit commentaire vain en piochant dans les propos des uns et des autres ou tenter de faire plus, d'apporter quelque chose mais je vois pas trop dans le cas qui nous intéresse.
C'est un chef d'œuvre, fort à parier qu'il deviendra un classique de notre microcosme de la bande dessinée dans les années à venir, nous pourrons être fier de lui avoir remis le Sheriff d'Or !!!

quoi ?
comment ça ?
ce n'est pas le vote final ?
c'est juste les primaires de septembre ?
ah bon ... euh ...

Portugal président Sheriff d'Or 2011 !!!

Portugal, c'est le titre de tous les français, et des portugais aussi !!! enfin ça touche à l'universel !

fabulous a écrit:

enfin ça touche à l'universel !

comme plusieurs des titres choisis déjà les mois précédents

Rien à ce point là je pense sauf peut-être le Polina qui souffre cependant de quelques faiblesses par rapport à Portugal que je garde pour janvier

non, tu penses bien que je pensais davantage à l'HYDRIE, qui en terme d'universalité, se pose là : un questionnement sur la guerre, la violence familiale, la trahison, l'enfantement, ... des thèmes à mon avis aussi universels que la quête des origines ; le tout renforcé par une réflexion sur l'art en général, et en plus sans texte !