Ce compte-rendu est dédié à Stef et Philippe qui n'ont pas pu nous accompagner cette
année dans l'aventure, et vers qui nos pensées sont souvent allées, dans l'ascension et
la descente des géants des Alpes.
Les cinq mousquetaires, donc réduits à un trio composé de Didou, Jean-Mi et moi-même,
se sont lancés lundi 30 juillet 2012 dans un projet de traversée du massif alpin
français, en suivant plus ou moins le tracé de la Route des Grandes Alpes. Agnès nous
accompagnait, assurant de main de maître (malgré un poignet douloureux) les rôles
de chauffeur, assistante et photographe. Je crois que nous avons tous les trois très
envie de la remercier d'avoir été à nos côtés tout au long de la route.
Nous sommes arrivés à Thonon-les-Bains dimanche 29 juillet, après avoir fait bonne
route à bord du fourgon bien confortable de la Pédale Issoirienne, notre club.
Installation dans un hôtel plutôt moyen des faubourgs de la ville, où le seul accueil
est assuré par un digicode. Balade en fin d'après-midi sur les bords du Lac Léman où
l'on pourrait croire qu'a lieu un défilé de mode pour chiens. Le port regorge de
bateaux de plaisance et les maisons aux abords du lac disposent de quais privés. Les
grosses bagnoles attendent au parking.
Petite bouffe au restaurant avant de regagner la turne. On a monté les bicyclettes dans
la chambre parce que l'abri extérieur indiqué ne nous semblait pas des plus sûrs.
Lundi 30 juillet
Première étape : Thonon-les-Bains – Arèches153 kilomètres et 3525 mètres d'ascension
En descendant petit déjeuner, nous constatons que l'hôtel n'est pas totalement fantôme
et qu'un couple assure quand même le service, entre deux toiles d'araignée. Jean-Mi
annonce d'entrée à l'hôtesse qu'on a mis les vélos à l'abri, elle n'apprécie pas trop ;
son fils qui est maréchal-ferrant range bien ses outils, lui, dans la grange. Mais bon, il
faudra faire attention en les descendant de ne pas accrocher les murs ni les salir. Jean-
Mi lui dit de ne pas s'inquiéter, on fera surtout gaffe à ne pas abîmer les vélos.
Beau temps, comme ce sera le cas tout au long du périple durant lequel nous
connaîtrons, à l'exception d'un vent souvent contraire ( mais il faut bien râler un peu),
des conditions de rêve.
Le col de Jambaz, en direction de Saint-Jeoire, constitue une bonne mise en jambes.
Peu pentu, boisé et proposant des paysages montagnards familiers aux
inconditionnels du Tour de France, il nous fait entrer en douceur dans le sujet, tout en
restant gouleyant et bien charpenté. Le col suivant sera un cru plus sérieux.
La liaison entre Saint-Jeoire et Cluses se fait sur des routes plutôt plates et bien
empruntées, principalement par des camions de chantier, où nous roulons en prenant
des relais. Au pied du col de la Colombière, nous croisons un jeune cycliste avec qui
nous sympathisons et qui veut nous accompagner un peu. Je lui explique notre
voyage et lui fais comprendre que ce sera long et qu'on roule à l'économie. Il
comprend bien mais il impose un rythme qu'on ne souhaite pas encore suivre et on le
laisse aller jusqu'au Reposoir, village où la pente se raidit… et duquel notre camarade
redescendra, après nous avoir salués. Sept kilomètres difficiles et un final qui
ressemble un peu à celui de la Croix-Morand, serpentant le long des rochers. Le haut
est un 12%.
Nous mangeons ensuite un sandwich à la station du Grand-Bornand, en contrebas sur
l'autre versant.
Nouveau col après La Clusaz, les Aravis. L'environnement est toujours très vert, c'est
l'après-midi, il y a pas mal de vélos. Au sommet, une petite famille avec des jeunes
cyclistes. La femme nous prend en photo, et au moment où nous partons et où les
gamins (qui ont fait le col) font mine de venir avec nous, elle leur demande de ne pas
suivre les professionnels ! Pourtant ils sont dans le sillage et nous quittent à l'endroit
de leur domicile d'été.
Col des Saisies, la station de ski depuis laquelle le panorama s'étale sur 380°. Montée
longue et irrégulière. La fatigue commence à se faire sentir.
De l'autre côté, on devine le Mont Blanc derrière son chapeau.
À Beaufort, en bas de cette route qui vit Eddy Merckx perdre le Tour 1975, c'est la
fournaise. On regarde les indications pour nous rendre au gîte d'Arèches.
Apparemment, on a dit à Didou que ça montait un peu. Nous confirmons qu'il s'agit
d'un dernier col à gravir. La fatigue est là.
Au gîte, des vététistes Allemands parlent moyenne et performance. Nous parlons
entre autres de flatulence.
Mardi 31 juillet
Arèches – Saint-Jean-de-Maurienne150 kilomètres et 3590 mètres d'ascension
Ce morceau de montagne est splendide au petit matin, quand le soleil vient lécher ses
versants verdoyants. La première montée nous évite de redescendre à Beaufort et
nous offre une route étroite et raide qui fait un peu peur aux véhicules qui passent
prudemment. C'est du 10% régulier sur sept bornes, ça fait de beaux lacets, et j'avoue
avoir pris un grand plaisir au cours de cette matinée.
Au sommet du col du Pré, l'autre versant propose un panorama exceptionnel avec le
barrage de Roselend et au fond, le Mont Blanc.
On fait un bout du Col de Cormet de Roselend avec un cyclo nantais dont la mère
s'arrête en voiture tous les cent mètres pour le prendre en photo. Puis longue descente
vers la chaleur de Bourg-Saint-Maurice.
En principe, la Route des Grandes Alpes passe par le col de l'Iseran et ses 2700 et
quelques mètres d'altitude. Mais je connais la longue vallée qui mène au pied de Val
d'Isère et je suis certain qu'on ne prendra aucun plaisir au milieu des bagnoles lancées
à plein tube.
Je connais aussi la grande route de vallée entre Bourg et Moûtiers et c'est le même
enfer pour les cyclistes. Et j'ai vu sur la carte que de ce côté, il y a moyen d'éviter la
Nationale en passant de l'autre côté de l'Isère. Le truc, c'est que ça rajoute une
ascension dont les sept cents mètres de dénivelé ne sont pas forcément évidents à lire
sur la carte ; c'est la montée de Notre-Dame-du-Pré. Mais la route est belle et quasi
déserte, et ça fait passer la pizza ! Nous sommes plutôt satisfaits de notre
échappatoire.
La descente sur Moûtiers est plutôt périlleuse, le revêtement pourri.
C'est à l'heure la plus chaude de la journée que nous attaquons le long col de la
Madeleine, après un bout de vallée inintéressant. Vingt-six kilomètres avec des
parties bien pentues. Il va nous occuper un moment. On refroidit nos pieds brûlants
dans un bassin de village et chacun poursuit l'effort à un rythme qui lui convient.
C'est le premier col à deux mille mètres d'altitude, ce ne sera pas le dernier.
Après la descente, la transition entre La Chambre et Saint-Jean-de-Maurienne se fait
au sein d'un trafic intense.
L'hôtel est confortable et nous passerons une bonne nuit en pensant à la journée du
lendemain qui sur le papier ressemble à la plus difficile des cinq.
Mercredi 1er août
Saint-Jean-de-Maurienne – Ville-Vieille126 kilomètres et 3420 mètres d'ascension
Courte, mais grosse étape avec les cols mythiques du Télégraphe,du Galibier et
d'Izoard. Beaucoup de cyclos se préparent dans les rues de Saint-Jean au petit matin,
avec chacun son programme. Pour certains, ce sera un seul col, pour la plupart,
l'objectif se situera un kilomètre au-dessus du tunnel du Galibier. Certains autres
partiront en voiture jusqu'à Valloire, le vélo dans le coffre.
Un car d'Espagnols a investi notre hôtel. En descendant déjeuner, on croise quelques
passagers dans l'escalier qui sont prêts à partir. On leur dit en rigolant qu'on se verra
tout à l'heure dans le Galibier.
Il y a quinze bornes de plat sur une grande route pour rejoindre le pied du Télégraphe.
Nous les faisons avec un binôme Suédois et un autre Allemand. On les quittera dès
les premiers hectomètres de pente. Et ça monte à vive allure. Le Télégraphe est
difficile sur les cinq premiers kilomètres, après c'est du 7%. Il faudra quand même en
garder un peu sous la pédale, surtout qu'il fait déjà bien chaud.
Petite descente sur Valloire. La station semble afficher complet et il est malaisé de se
frayer un passage dans le centre commerçant. Dix-sept kilomètres de côte et les
choses sérieuses commencent d'emblée avec un raidard en ligne droite dès la sortie de
Valloire. C'est plus calme pendant une huitaine de bornes, le long de la paroi
rocheuse. Après, à partir de Plan Lachat et du passage sur l'autre rive par un petit
pont, il faut mettre tout à gauche et se cramponner dans les lacets. Heureusement, le
vent n'est pas trop défavorable et le ciel qui s'est voilé nous garantit la fraîcheur. On
double de tout, jeunes, vieux, volontaires, asphyxiés, randonneurs chargés comme des
ânes, tous amoureux de la montagne. Et bien sûr, nous récupérons un à un notre
équipe d'Espagnols de l'hôtel de Saint-Jean, éparpillés dans la pampa façon puzzle !
Agnès est en haut avec une glacière qui déborde de boissons au cola !
Avec la fraîcheur, le port du coupe-vent s'impose, au moins jusqu'au col du Lautaret,
huit kilomètres au-dessous. La route est belle, rapide et technique, elle s'avale comme
un rien. Après, c'est une petite trentaine de bornes en descente ou faux-plat
descendant. C'est rapide aussi, nous prenons des relais appuyés jusqu'à Briançon,
ville étonnante, posée dans une vallée entre les montagnes et qui culmine à mille
deux cents cinquante mètres d'altitude. L'accueil y est plutôt moyen si l'on considère
que le premier contact avec un autochtone est celui offert par le jet du lave-glace de
sa voiture, habilement contrôlé, et volontairement appuyé… On mange un petit plat
de pâtes et on ne traîne pas plus longtemps là.
Le bas du col d'Izoard n'est pas trop pentu ; c'est à environ huit kilomètres du sommet
que les choses se corsent et que les jambes se rappellent les cols précédents. On se la
termine au courage, la récompense vient du panorama et de la fameuse Casse
Déserte.
Tandis que nous prenons des photos de cet étrange décor lunaire, on voit un petit
groupe qui termine la montée, un enfant en tête. Bien sûr, on l'applaudit, et le père pas
peu fier de préciser qu'il n'a que dix ans !
Il n'y a plus qu'à se laisser glisser dans la vallée encaissée du Guil, à une encablure du
col d'Agnel et de l'Italie. Mais ça, ce sera pour une autre fois, une autre histoire.
Le gîte de Ville-Vieille (à côté de Château-Queyras) est fonctionnel et la gérante sait
ce qu'elle veut et ne manque pas de la faire savoir. On dormira dans un grand dortoir
avec deux randonneuses et, à table, on finira les plats des autres.
Dans le milieu de la nuit, j'éprouve des difficultés à trouver un second sommeil.
J'entends au son des grincements de sommier que le ne suis pas le seul à tourner et
me retourner. Dès lors, à défaut de bon sommeil, je ne connaîtrai que des nuits de
récupération en position allongée. Le bon côté, c'est que ça ne m'a pas porté
physiquement préjudice et que je terminerai la traversée avec de bonnes sensations
générales (si ce n'est à la selle…). La raison, c'est de ne pas s'être mis dans le rouge
les deux premières journées. On a bien su gérer le rythme et les trains en montée, et
même si cette troisième étape du Galibier – Izoard nous a séparés en deux groupes
dans les cols, nous avons roulé ensemble quasiment tout le temps.
Jeudi 2 août
Ville-Vieille – Val Pelens142 kilomètres et 2920 mètres d'ascension
Les marcheuses sont parties tôt. Nous, nous sommes réglés sur un départ à neuf
heures, ce qui me convient parfaitement. Le début d'étape est très roulant, avec le
vent dans le dos dans le faux-plat descendant vers Guillestre, le long du canyon de
Combe du Queyras qui nous jette aux pied du col de Vars, en direction de
Barcelonnette.
Le bas est pentu, mais ça relâche après cinq kilomètres. On en profite pour lever le
pied et attendre Jean-Mi. Bien nous en prend car sa chaîne émet un bruit désagréable.
À y regarder de plus près, un maillon est un train de se décrocher. Intervention de
Didou Dépannage Express, et en moins de trois minutes c'est reparti vers les trois ou
quatre stations de Vars.
Longue descente (je sais, c'est un peu monotone, la montagne, ça ne fait que monter
et descendre) sur Barcelonnette et plus dix kilomètres de plat sur une route
importante où nous ne traînons pas. Ça sent de plus en plus le sud. L'air est sec et le
paysage aride. Les cours d'eau sont fins ou inexistants, la roche est claire.
Nous déjeunons avant de commencer à gravir le col de la Cayolle, le dernier du
voyage à plus de deux mille mètres. Trente kilomètres gérés piano piano avec l'aide
du vent. La route qui longe les Gorges du Bachelard est très étroite, les véhicules
motorisés roulent prudemment. Çà et là, des grosses pierres ont dégringolé sur la
chaussée. Au détour d'un village, un bruit d'avalanche rocheuse éclate : on aperçoit un
bouquetin dévaler. C'est lui qui a provoqué le glissement. Ravitaillement en eau à une
fontaine. C'est pas la même qualité qu'à Montgreleix, mais ça fera l'affaire. Ici, toutes
gorges s'assèchent rapidement.
La partie haute est plus difficile à négocier. Ça serpente sur du 8% régulier et le vent
est désormais défavorable. On reste néanmoins groupés jusqu'au sommet. Malgré
l'altitude, il y fait vraiment bon. Des rafales de vent viennent parfois nous secouer,
mais c'est un grand plaisir que de s'offrir une longue pause derrière le panneau du col.
Agnès est partie marcher et faire des photos, la présence du bus USPI sur le parking
en témoigne. Assis dans l'herbe folle, nous répondons aux questions des marcheurs
qui passent : d'où qu'on vient, ce qu'on a fait, où qu'on va, ce que eux font…
Un couple d'Italiens débouche à bicyclette depuis le versant sud. La fille semble avoir
chaud, son maillot est entièrement ouvert et laisse découvrir un soutien-gorge noir du
plus bel effet. Mais bien peu en comparaison de la qualité du joufflu qu'elle dévoile à
sa descente de selle. Décidément, une pause très agréable !
Encore une fois, j'ai contourné la route classique des Grandes Alpes en préférant
passer par la Cayolle plutôt que par le col de la Bonette dont le sommet aménagé il y
a peu est devenu le plus haut de France. La raison en est simple : j'ai pu trouver un
gîte du côté d'Entraunes, alors que dans la vallée de la Tinée, sous la Bonette,
impossible. J'ai prévenu mes acolytes que la journée se terminerait par une montée de
sept kilomètres, soit un petit col de plus au programme. L'endroit s'appelle Val Pelens
et est situé au dessus de Saint-Martin-d'Entraunes. C'est une station de ski de fond.
Une petite erreur d'aiguillage à Saint-Martin, alors que nous recherchions surtout une
fontaine, nous coûte un rab de huit kilomètres avant d'attaquer la montée au gîte.
Attablés devant une bière, nous constatons la présence d'un autre cycliste qui
s'escrime avec deux téléphones portables. L'hôtesse nous explique que c'est un Italien
qui vient de San Remo. Il est toujours en cuissard et tourne en rond, à la recherche du
réseau téléphonique. Il était professionnel, ou quelque chose dans ce goût. Nous le
surnommerons Le Moine.
Plus tard, à table, Le Moine, toujours en cuissard, termine son assiette de soupe aux
poivrons mais ne se ressert pas. Il ne veut pas du lapin polenta. Il passe commande
d'une omelette salade sans fromage et touchera à peine à son dessert. Ses deux
téléphones sont bien alignés sur la table ; il daigne quand même nous accorder un peu
d'attention et nous fait comprendre dans un anglais approximatif qu'il a quitté San
Remo à trois heures du matin, qu'il s'est tapé quelques cols jusqu'à Guillestre, avant
de repiquer au Sud vers le gîte par trois autres cols. Quelque chose comme trois cent
cinquante bornes et six mille cinq cents mètres de dénivelé, à vue de nez. Pourtant, il
annonce qu'au petit déjeuner, avant de repartir chez lui, il aura juste besoin d'un
espresso et rien d'autre.
On le trouve le lendemain sur son Giant, prêt à quitter les lieux, avec sur le dos son
seul bagage, un coupe-vent. Quelques poignées de main, une vague explication de
son programme, et il s'enfuit dans la descente, au sprint…
Vendredi 3 août
Val Pelens – Le Bar-sur-Loup155 kilomètres et 2400 mètres d'ascension
Le Moine doit être en plein effort au moment où nous quittons le gîte. Descente
jusqu'à Guillaumes, un bon bout de chemin sans mettre un coup de pédale et profiter
du paysage des rives du Var. Quinze kilomètres de montée jusqu'au col de Valberg et
sa station de ski alpin. Les épingles sont belles, le revêtement nickel, sans doute pour
la raison que c'est une montée qui figure au programme du rallye de Monte-Carlo.
À la fontaine d'eau de Beuil, Jean-Mi se fait doubler par un Anglais. Il voudra se
venger dans les gorges du Cians, doublement somptueuses par leur couleur violette et
la descente rapide et technique que la route propose sur un enrobé parfais : l'Anglais
prendra un bon coup de vent dans un tunnel !
Les huit kilomètres de plat sur la grande route jusqu'à Puget-Théniers sont avalés à la
vitesse du bon vent qui nous pousse. Au village, une épicerie est prise d'assaut par
plusieurs groupes de cyclistes et, au vu du nombre de passages que l'on constate,
l'endroit ressemble à un grand carrefour du vélo, à cette époque.
Un groupe d'Anglais s'élancera tour à tour dans l'ascension du col peu pentu de Saint-
Raphaël qui conduit sur les plateaux de l'arrière-pays Grassois. L'un deux porte fier et
haut le drapeau de l'Union Jack. Il y en a partout : sur son cadre, ses vêtements, son
casque, son bandana, son portefeuille et la coque de son portable.
Je dois avouer qu'on a une petite envie de partie de manivelles internationale et le
rythme dès le pied du col le trahira : ça monte fort, pas loin de 20 km/h, et les Anglais
sont avalés un par un. Pour certains, sous cette grosse chaleur, l'effort semble bien
pénible.
Ces montagnes escarpées, qui sentent la résine de pin et crépitent du sifflement des
cigales, sont un enchantement. Ceux qui sont amoureux du Cézallier devraient
pouvoir retrouver là cette tranquillité pleine de rudesse qu'inspirent les lieux
sauvages. Et il faut reconnaître que les villages des Alpes-Maritimes sont la grâce-même.
Sigali, Conségudes, Coursegoules. C'est là que nous faisons une halte pour
boire une bonne bière que la chaleur sèche nous fait apprécier particulièrement.
D'autant plus qu'il ne reste que de la descente le long des gorges du Loup.
Didou a souffert de la chaleur durant cette journée. Les mauvaises nuits précédentes
n'ont rien arrangé. Mais on sait qu'il s'accrochera de toute façon jusqu'au bout et nous
restons plus que jamais solidaires.
Nous sommes attendus chez Vali, un ami, un frère du Bar-sur-Loup où j'ai habité
quelques années, il y a vingt ans. L'accueil sera à la hauteur de l'amitié que nous nous
portons, sa famille et moi. Ils vivent, lui, sa femme Jenny et ses enfants Tom et Sam
en grande harmonie et complémentarité, de façon simple et généreuse. Pendant la
descente dans le canyon, je pense à eux et à nos retrouvailles.
Mais à grand défi il n'est des fins médiocres. Le final qui nous attend, c'est le col de
chez Vali. Ça commence par une montée à 4% sur deux kilomètres, suivie d'un coup
de cul à 20% sur deux cents mètres. C'est là qu'on atteint un parking où Agnès peut
garer le bus. Les gars me disent que c'est quelque chose, ce col de chez Vali. Mais je
leur répond que non, ça c'était le pied. Le col, c'est maintenant. Ils se retournent et
voient un mur. C'est bien là. Une quarantaine de mètres à 30%. Jean-Mi se laissera
piéger en croyant être arrivé alors qu'il restait une rampe de quinze mètres sur la
droite. On arrive le souffle coupé.
Autour de mes amis, devant une bière et au bord de la piscine, force est d'admettre
l'évidence de la fin du voyage. Nos têtes feront le tri dans le déferlement d'images
collectées le long de ces sept cent vingt-cinq kilomètres de randonnée. Les photos
immortaliseront le tour, Agnès en a pris plus de six cents. Les souvenirs alimenteront
les discussions de nos prochaines sorties. Pour ma part, les retrouvailles avec de
vieux amis vont atténuer le blues d'une fin d'aventure qui s'est déroulée sans accroc,
dans la bonne ambiance et avec les meilleures conditions météorologiques.
Une fête donnée chez Jenny et Vali aura lieu le samedi soir, avec d'autres
retrouvailles, un orchestre, des grillades et du rosé. Le jardin est superbe, agrémenté
de tout un tas de variétés de plantes exotiques. De l'eau coule dans un bassin où
nagent des poissons colorés.
Merci mes amis pour cet accueil.
Merci à Agnès pour sa présence et ses talents de chauffeur.
Merci à mes deux potes, avec une pensée pour les absents. On en fera d'autres.