L'étrange, de Jérôme Ruillier (L'agrume)

Auteur d'albums pour la jeunesse, Jérôme Ruillier a abordé à plusieurs reprises la question de l'altérité. Avec Ubu, Le Nouveau Monde ou Quatre petits coins de rien du tout, il proposait aux enfants des histoires simples mais universelles sur la difficulté et la nécessité à vivre ensemble en acceptant et comprenant nos différences.
Avec ces livres où chaque personnage est symbolisé par une forme simple et colorée, il prolongeait le travail du Léo Lionni, auteur du fameux Petit-bleu et Petit-Jaune où chaque personnage est représenté par une tâche ou un papier découpé.
C'est plutôt du côté de Spiegelmann que nous renvoie aujourd'hui L'étrange, troisième bande-dessinée de l'auteur à paraître, après les Mohammed et l'enfant-Colère, tant par le sujet que par les choix graphiques. En effet, comme dans Maus, l'auteur utilise le procédé de l’anthropomorphisme pour traiter du sujet des migrants et de leur clandestinité. Là encore, il s'agit bien de savoir comment vivre ensemble et comment comprendre l'autre est possible.
Le livre décrit sans pathos le parcours d'un exilé, déraciné et terriblement vulnérable. « L'étrange » débarque en France sans aucun maîtrise de la langue. Il va de galère en galère, subissant violences, rejets et humiliation.
La fiction s'attache dans des chapitres courts, à décrire des moments clés de ce parcours, à apporter des témoignages de personnes croisées ça et là.
Le récit enchâssé – l'histoire se développe dans chaque chapitre avec un narrateur différent – progresse vers une fin qui semble inexorable : celle du renvoi au pays d'origine, dans un avion affrété par les Autorités, malgré les actions conduites par RESF.

Livre militant, l'étrange est une lecture forte qui s'adresse aussi aux plus jeunes. La fiction développe une histoire claire, modeste, concrète, synthétique mais d'une belle profondeur. Le dessin adopte le même style, jouant sur des formes simples et des jeux de couleurs de fond de cases qui traduisent bien la brutalité subie ou la tristesse qui gagne l'étrange.
Les chapitres sont ponctuées de citations choisies d'hommes et femmes politiques. On se « régale » ainsi à lire que notre ancien président précisait que « l'homme n'est pas une marchandise comme les autres » et qu' »on ira les chercher un par un » , Marine Le Pen renchérissant en laissant planer la crainte que les clandestins brutalisent nos femmes et volent nos portefeuilles… Manuel Valls précise à son tour que « les étrangers ont pour vocation à revenir dans leur pays »… Vivement 2017.

L'album bénéficie d'un accompagnement sonore, reprenant les citations qui ponctuent les chapitres : un régal.
http://www.radio-okami.org/letrange-sonore/

L'étranger fait peur ou dérange parce qu'il n'est pas comme nous. Il est étrange.
Cette jolie trouvaille (l'Etrange) donne beaucoup de sens à ce récit, où tout ce qui diffère de nous nous semble étrangement dangereux et mal venu. On n'aime décidément pas être bousculés.
Sous une narration quelque peu didactique, l'Etrange offre à voir une réalité devenue banalisée et décomplexée.
Les textes politiques tout comme les interventions des différents protagonistes nous plongent dans une réflexion sur la différence et l'exclusion.
Oui, vivement 2017!

Coincé dans son discours bien balisé, le livre peine un peu, mais oui, on peut imaginer que cette lecture fera mouche chez de jeunes lecteurs et atteindra son but.

J'ai beaucoup aimé ce titre, même si l'angle de narration façon récit chorale avec autant de points de vue que d'intervenants peut paraître comme quelque chose de déjà vu, le principe fonctionne ici très bien car le sujet suscite par définition autant d'opinion que de narrateurs possibles. Cela mets parfaitement en images et en mots les réflexions que la présence de migrants peuvent susciter dans nos sociétés occidentales. Je pense que l'auteur parvient à capter l'essentiel, et de façon assez subtile et insolite pour que le message délivré passe tout en finesse sans accentuer misérabilisme ou indignation. Les "animaux" prennent ainsi une dimension profondément humaine, comme dans MAUS effectivement ou dans "A la folie" qui se plongeait au coeur des violences conjugales. Livre important et maitrisé qui mérite toute sa place dans notre sélection, seul son côté didactique lui porte par moment préjudice, mais lui permets de s'adresser à un lectorat assez élargi.

Un livre réussi, cohérent aussi bien dans le traitement graphique que dans la narration.
Cependant je ne lui trouve pas une dimension de Sheriff - peut-être trop lié à l'actualité ...

Une approche simple et humaniste pour un sujet sensible et complexe, c’est ce qui est réussi sans doute mais qui me pose problème, l’approche me paraît trop naïve, les gentils d'un côté, les méchants de l'autre, j ai eu le sentiment que l’on nous prenait pour des enfants, à l’inverse de Maus, véritable lecture (d’) adulte.

La comparaison avec MAUS ... comment dire ... je la trouve incroyablement flatteuse ! (j'en reste là, je crois que tout le monde a compris ...)

Un petit livre pour une grande problématique. Bizarrement je trouve que la multiplication des personnages (façon chorale) entraine comme la disparition de l'étrange ...

Un livre simple et honnête, mais je ne suis pas sûr que même pour les plus jeunes, cette approche trop manichéenne soit la meilleure.
La "fausse naïveté"du dessin m'a semblé de plus en plus lourde sur la longueur du livre.

Une Bd qui reste très très loin des questions essentiels de son sujet.

Au regard des propos simplistes que l'on entend de la bouche de certains adultes médiatisés, on ne peut que ( leur) recommander cette lecture simple dans le sens allant à l'essentiel, en laquelle chacun trouvera la profondeur qu'il veut se donner la peine d'y mettre

- tiens c'est drôle, manu a posté son message au moment où j'allais envoyer celui-ci, que je complète donc : eh oui l'étrange disparaît, a-t’il seulement eu l'occasion d'être présent ? et pour moi l'essentiel est bien présent et plutôt bien présenté

Livre très intéressant par sa simplicité mais également trop en surface par sa simplicité.

La succession de ces multiples tableaux, l'accumulation des personnages, la rudesse du dessin, la simplicité caricaturale de la mise en page et, surtout, la platitude du style d'écriture ne m'ont pas permis de rentrer dans le sujet.
Je n'ai trouvé aucun intérêt à ce livre alors que le sujet m'intéresse.... je ne comprend pas.
Je ne met pas en doute la sincérité de l'auteur mais je ne vois pas à qui il s'adresse, ni ce qu'il a voulu dire. Désolé !

Un livre de combat, qui relate les galères administratives et quotidiennes décuplées par l’obstacle de la langue. Il fonctionne bien avec cet imaginaire charabia, et rappelle des citations choisies, les renvoyant aussi à leurs auteurs. On a quelque chose qui marche en France : la BD.

De temps en temps sort un livre dont on dit pour lequel le sujet prend le pas sur le livre. Pour moi, c'est le cas : ce sujet de l'étranger et sa situation de plus en plus compliquée dans nos villes. J'y suis sensible et quand un livre en parle bien, il n'a pas besoin d'être exceptionnel pour me toucher.

Alors oui, ce livre me touche. Classique, certes, mais bien fait. Mais le parti pris de multiplier les acteurs et les points de vue permet de nuancer les discours.

Par contre, même s'il me touche, il faut reconnaître qu'il est un peu léger pour être shériff.