Nu de Sacha Goerg

Jean-Mi étudie le dessin aux beaux-arts, il ne trouve pas l’inspiration à travers les modèles que le professeur Parmentier propose à la classe, pour lui, le dessin ne peut venir que d'un sujet fort et pas uniquement d'un modèle.
Son sujet c'est Iéléna, brune à la plastique généreuse dont Jean-mi vient violer l'intimité en s'introduisant illicitement dans sa propriété pour la dessiner nue au bord de sa piscine. Un soir, notre voyeur en herbe se fait repérer et va y laisser des carnets de croquis, débute alors un drôle de chassé croisé entre les deux personnages principaux qui ne vont alors cesser de se livrer à différentes pressions, pour obtenir l'un de l'autre une contribution pour le moins inattendue dans laquelle et indépendamment de leurs faits, Lucas et Luce, le petit couple d'ami commun, vont se retrouver mêler.


Proposé par l'employé du moi dont Sacha Goerg n'est ni plus ni moins le fondateur, la série NU est issue du fanzine et de l'auto publication. Préalablement éditée en 17 épisodes, elle prends aujourd'hui forme dans un petit format, petit mais costaud car sur plus de 170 pages, son auteur nous propose une histoire complète, construite autour d'un scénario extrêmement bien ficelée qui laisse à la fois la place à l'action, tout en nous interrogeant sur les dérives des pulsions créatives, mais aussi de notre droit à l'image dans une société qui nous regarde à travers les caméras de surveillance et les lentilles de nos smartphone.
Résolument ancré dans une époque où les vidéos ne cessent de fuir sur la toile et bien souvent à l'insu de leurs protagonistes, cet album tombe à point nommé, Sacha Goerg abordant le sujet avec malice et subtilité en démontrant que la frontière entre exhibitionnisme et voyeurisme n'est pas si grande que cela, et que chacun peut tour à tour, passer de l'autre côté de la barrière.

Les personnages sont imprégnés par le thème abordé et si Iéléna se pose en démon maléfique, sans état d'âme et prête à tout pour exposer ses performances vidéos, l'auteur lui oppose la douce et innocente Luce, réduite à l'état de modèle et plus réellement maître de son image. Cet exemple démontre l'excellent travail fait sur la psychologie des personnages, un travail qui renforce tout l'intérêt d'un scénario malin et dynamique, avec en toile de fond une approche originale et maitrisée.

Pour la liberté de ton, on repensera fortement au Black Bird de Pierre Maurel ou à certains travaux de Max de Radiguès qui sont passés par le fanzine avant de publier leurs mêmes travaux en édition complète.
A travers les personnages de Jean-Mi et Luce, on pensera aussi un petit peu à Manu Larcenet époque "Retour à la terre" et "Combat ordinaire", à travers une écriture mêlant humour et sensibilité et bien entendu, un dessin épuré et plein de délicatesse.

Merci Can, ta chronique me rend un peu plus indulgent sur ma lecture.

Je ne me suis pas ennuyé, bien que le livre soit assez conséquent.

Cependant, je n'y trouve pas les qualités que tu énonces!
Le scénario et abracadabrantesque, et les personnages et situations très caricaturaux.
Luce est la plus touchante peut-être, mais l'ensemble reste un peu grossier.
On ne croit pas vraiment à cette histoire et le milieu étudiant artistique est dépeint sans nuance (la guerre entre vidéo et dessin...).
Iéléna et son père sont trop stéréotypés, et la critique sociale sur l'image, le voyeurisme, l'exposition publique...est assez faible.
En fait elle est même inexistante dans la BD, où l'on ne voit du projet d'Iéléna que l'aspect purement voyeur, avec une nette tendance à vouloir nuire.
Il y a un peu de chemin pour arriver à une réalisation artistique ou à une réelle critique de quoi que ce soit.

Penche plutôt du côté de gagadinorux...
Moi aussi, j'ai trouvé le scénario assez grotesque et tous ses méandres finissent par fatiguer (même si l'on peut se laisser prendre par cette histoire un tantinet excitante).
La critique du milieu de l'art est assez lourde...
Pas vraiment convaincu par le dessin efficace mais peu attachant.

Déçue aussi, le fait de savoir qu'il s'agissait à l'origine d'une publication en 17 épisodes m'a permis de mieux accepter l'aspect 'scénario à rebondissement' ; le thème des partis pris artistiques est abordé de manière un peu légère en effet, plus comme une toile de fond aux péripéties des personnages que comme une réelle réflexion sur la création artistique, ce qui en fait une lecture distrayante mais sans plus.

Je vais avoir du mal à lutter à trois contre un, mais ne reprochons pas non plus à ce livre des intentions qu'il n'a pas, je ne crois qu'il y ait une quelconque volonté de porter un regard critique sur le milieu de l'art, le thème central restant le voyeurisme sous fond de polar au ton plutôt léger. Alors certes l'auteur évoque le milieu et la création, plutôt comme un support à la thématique et non dans le but de livrer une réflexion approfondie.

Je te trouve extrêmement sévère Gaga quand tu dis que la critique est inexistante et finalement dans ton propos tu te contredis quand tu dis que les intentions de Iéléna sont de vouloir nuire, c'est déjà une première piste de critique même si je pense que ce n'est pas la bonne. L'auteur souligne les vénalités artistiques de chacun et la visibilité que chacun en attends en retour, c'est peut-être stéréotypé mais n'est ce pas un peu comment ça fonctionne aujourd'hui à travers les réseaux sociaux par exemple ?

Enfin et n'oublions pas que NU évoque aussi les relations amoureuses compliquées des jeunes adultes et les difficultés à apprivoiser les sentiments et que dans ce sens c'est plutôt efficace et bien rendu.

Alors certes, on peut se dire que beaucoup de choses sont évoquées et que le livre s'éparpille un peu mais c'est aussi ce qui fait son intérêt, la structure fanzine en épisode restant en toile de fond et expliquant parfois le manque d'unité dans le thématiques et la dispersion.

Mais tu as bien raison Can,
peut-être faisons-nous un faux procès aux intentions de l'auteur.

Je l'ai dit, je ne me suis pas ennuyé à la lecture.
Mais en refermant le livre, je n'ai pu m'empêcher de constater un scénario
quelque peu "grotesque" pour reprendre le mot de Superphane, et que je trouve approprié ici.

Oui il y a bien une critique des réseaux sociaux, du voyeurisme, de l'exhibitionnisme et du nom respect de la vie privée,
mais cela ne fonctionne pas avec l'imbrication du travail artistique d'Iéléna.
On est peut-être plus dans la folie de cette fille (de cette famille), mais la aussi, il manque alors un petit quelque chose pour faire mouche.

C'est vrai que la diffusion en feuilletons explique certainement les méandres du scenario. Mais est-ce une excuse?

Et bien moi, j'aime bien les scénarios grotesques, alors !
J'ai passé un agréable moment avec le livre de Sache Goerg et même s'il est vrai qu'il y a beaucoup, peut être trop, de sujets abordés, le thème principal qui me semble être "le regard de l'autre" me semble plutôt bien traité ici. J'aurais presque envie de dire que les 17 tomes du fanzine auraient pu donner 17 tome du livre si tout devait être traité ici. Ce qui risquerait, pour le moins, d'être peu digeste....
Je n'aime pas le terme de voyeurisme pour décrire l'activité de Jean-Mi car sa motivation n'est pas la même qu'un simple voyeur. Il porte un regard sur Iéléna qu'il n'arrive pas à mettre sur feuille, plus qu'il ne la regarde. Le regard et l’image sont partout dans ce livre, dans la lutte entre les dessinateurs et les vidéastes (on aurait pu rajouter les photographes...), le regard perdu du père de Iéléna et, donc, le regard de l'artiste. Puis tout ce qui tourne autour de l'image avec l'idée qu'une image vraie ne peut être qu'une image volée.
Bref, je m'emporte et il ne s'agit peut être de rien du tout de tout ça.

Tes arguments, comme ceux de Can, sont tout à fait pertinents, à l'exception que je ne retrouve rien dans la BD pour les mettre en valeur.
C'est comment l'auteur à scénarisé ces éléments que je trouve déplaisant.

Les images que recherche Iéléna ne sont pas forcément des images "vraies", mais bien des mises en scène d'images
destinées à dégrader et humilier les personnes visées ou inconnues, comme avec Lucas ou encore Luce et Jean-Mi dans l'intimité.
On est plus dans une démarche perverse que créatrice!

N'ayant pas pu l'album, malheureusement, je serai hors sujet, mais je voulais juste ajouter que des mises en scènes peuvent être perverses et créatrices, Hitchcock et ses emules en sont l'exemple parfait.

Autant pour le mois de janvier je suis bien ennuyé pour trouver un vainqueur.
Autant ce mois ci c'est joué rien qu'avec la couverture.

Quand en plus l'objet livre est trop mignon
Quand en plus l'auteur en à sorti un version fanzine avant


En plus je me sens un peu con... J'ai pas accroché ni à Sfar ni à Trondheim, donc je saute sur l'occasion pour laver mon honneur !

J'ai juste feuilleté mais j'aime beaucoup. Au trait y a du gout je trouve.

And the winner is !

La couverture est très belle en effet.
Et feuilleter ce petit livre est plaisant
Le lire en revanche... est un peu plus décevant

Et on est trrrrrrrrès loin d'une mise en scène Hitchcockienne!
Si la perversion d'Iéléna est bien présente, l'auteur la traite de façon classique,
plutôt du côté aventure rocambolesque.

J'ai rejeté une coup d'oeil 15 minutes..

Chaque case à sa trouvaille graphique ! (peut être pas à chaque case)             c'est rare dans la masse de production bd !

Ca marche pas scènettes et ça rend la lecture très plaisante (on ouvre le livre ou on veux et on passe 40 secondes très sympa)

J'y vois pas de scénario "abracadabrantesque" mais un livre riche en situations, décors différents et avec 2 ou 3 perso qui semblent récurent et auquel on s'attache d'autant plus. Ca colle pour le moment à ma manière de lire une bd..




Le sujet me semble pas pervers, c'est joliment traité de ce que j'en ai lu (surement pas à la Hitchcock ça c'est sur,, lol ou j'ai pas fais le lien )


En plus le trait léger mais expressif à un charisme tout en retenu

C'est mon avis pour l'instant

J'avais évoqué Hitchcock non pas par rapport à cet album, que je n'ai pas lu, mais par rapport à l'opposition que faisait gaga entre perversité et création... J'aurais mieux fait de me taire 😉

désolé

J'ai pas jeté de tomates moi

J'avais compris et je permettais juste de signaler qu'il n'en n'était pas question dans cet album.

Et non, le sujet en lui-même n'est pas pervers,
mais le travail d'Iéléna un peu quand même non?

Elle fait filmer à leur insu Jean-Mi et Luce (sa meilleure amie) faisant l'amour (alors même que Luce est avec Luca) pour en faire une diffusion publique à l'ensemble de l'école d'Art pour son projet vidéo. M'enfin!!!!

merde, faut vraiment que je me fasse de nouveaux amis

Non!!! t'inquiète pas!

On est là pour discuter des livres, alors il faut être un peu abrupt quelques fois pour opposer des arguments, pour engager des discussions,
rien de plus...

Mais bienvenue à toi!

Ah non !! C'est nul d'être abrupt

Ohhh une nouvelle publication lol



je risque de polluer le forum désolé )

Alors, si ce scénario, conçu par épisodes, qui relève complètement du récit noir de série z, est grotesque, j'aimerais bien connaître le fond de votre pensée concernant l'été diabolik.
Oui, c'est grotesque, ça rebondit, ça s'appuie sur de nombreuses références, mais pourquoi une fois ça gêne, et une fois pas ?

Je n'ai pas vraiment senti le côté série Z de l'été Diabolik. Même si le livre s'inspire et rend hommage à une presse cheap et jetable.
Par ailleurs, il me semble que le scénario est tout de même un peu plus construit que celui de Nu dont les rebondissements sont assez téléphonés (sans doute à la manière d'une mauvaise série où il faut trouver la pirouette qui permettra de faire une nouvelle saison). Les personnages sont ternes (le petit vilain qui prend des vidéos en douce, la jolie fille qui s'exhibe mais pas vraiment, le père aveugle parce qu'il s'est crevé les yeux... un peu "chargé", non ?) et l'impression laissée est celle d'un auteur qui règle un tantinet ses comptes avec les écoles d'art.
Tout ceci n'en fait pas un livre indigne, loin de là. Il a les défauts de ses qualités : du rythme, de la fougue et donc un peu de rock'n'roll.

Rien de plus que Superphane, nous sommes liés télépathiquement sur ce livre apparemment.

oh ! une osmose bédéphile entre Gaga et Superphane , c'est beau...

Eh bien pour ma part je ne me suis pas ennuyée une seconde à cette lecture, même si j'ai parfois trouvé quelques faiblesses au dessin par ailleurs dynamique et plutôt plaisant.
J'ai rebondi au rythme du scénario, sans chercher à prêter de grandes intentions philosophiques à l'auteur. Pas vu de machiavélisme dans la démarche d'Ielena qui cherche à aller au bout de son processus créatif, pour faire plaisir à papa ou tenter de le dépasser ?
une lecture qui, sans être transcendante, fut fort sympathique.

C'est vrai que la couverture donne envie. Je suis d'accord avec Naptalene qui résume bien tout les pornos -heu propos- tenus.

Pourquoi cherchez-vous de grandes intentions? Par contre, il y a le sujet de la performance artistique qui est peu évoqué dans les commentaires.

La BD passe bien pour certains et moins bien pour d'autres. La performance est utilisée sans profondeur.
Il y a juste le décalage entre la performance de papa partagé en direct avec le public et celle d'Ilièna qui la vole pour la partager en différé sous forme de vidéo. D'ailleurs elle ne réussit pas son projet et revient à une performance en direct. Un chapitre zappé par l'auteur puisqu'il est fait juste allusion.

Bon je vous laisse car ma fille à besoin de papa!

C'est un livre sympa à lire. Un sujet original. Je partage toutes les remarques de Joco sur le regard.
Je pense que Iéléna est un personnage pervers - même si Lucas y trouve finalement son compte, elle le viole, comme elle viole l'intimité de Luce et Jean-Mi et des autres élèves. Mais on s'en fout : ce n'est pas grave, un livre avec des personnages pervers, non ? Le hic, pour moi, c'est que les personnages justement manquent de profondeur, de réalité. Je les trouve juste suggérés, posés dans des cases. Il y a plein de tentatives pour en faire des êtres en épaisseur (la vie familiale de Jean-Mi, les traumatismes de Iéléna...) mais ça reste survolé. Ni caricature ni réalisme. Donc boiteux.
Et puis un petit détail dans le dessin m'a attrapé : page 48, regardez bien comment Iéléna prend place dans la voiture (porte gauche) et où se trouve le volant qu'elle saisit (à droite). Puis la page 84... C'est bête : mais quand une incohérence comme celle-ci se jette à nos yeux, il devient difficile de rentrer dans l'histoire. Je me suis dis : on est en Angleterre ? il voit son image dans une vitrine ? Bref plein de questions pratiques qui ont occupé le fond de mes pensées pendant la lecture.
Un livre qui navigue entre-deux, qui aurait pu être très bon, mais qui au final manque d'une cohérence, dans le scénario peut-être, mais surtout dans le choix de réalisme (ou pas) des personnages.