Le Sentier des Reines, d'Anthony Pastor (Casterman)

Cela fait bientôt dix ans qu'Anthony Pastor creuse un sillon convaincant au rayon polar de la bd. Après les remarqués Hotel Koral et Ice cream, thriller marqués par les Etats-Unis, c'est avec Las Rosas, puis avec Castilla Drive et Bonbons atomiques qu'il revisitait de manière brillante le roman noir.
Des premières œuvres au stylo à bille aux dernières utilisant le numérique, Pastor avait su démontrer qu'il était aussi habile dessinateur que scénariste.
C'est dans un univers totalement inattendu que nous propulse Le Sentier des Reines, nouvel opus publié chez Casterman.

En plein cœur d'un rude hiver savoyard, au sortir de la première guerre mondiale, les rancunes sont tenaces dans les villages de montagne. Bianca et Pauline viennent de perdre leurs maris, pourtant rescapés de guerre, dans une terrible avalanche. Elles décident alors de fuir cette société patriarcale, emportant quelques objets de mercerie à revendre en route, accompagnées du jeune Florentin. Bianca, la plus âgée, résolue et persuasive est bien décidée à poursuivre le voyage jusqu'au bout du monde.
Le trio croisera Arpin, ancien soldat d'abord aimable, qui bien vite, essaiera de détrousser Bianca et Pauline.
Le voyage, long et périlleux, sera rythmé par de nombreuses rencontres, souvent décevantes pour les femmes mais qui contribueront à renforcer leur désir d'émancipation et de liberté.

Dans un univers glacial, aux couleurs froides, Pastor montre à nouveau qu'il est un formidable faiseur d'ambiance. Il excelle à nouveau à dresser des portraits magnifiques de deux femmes sans illusion, vaillantes et libres, chaleureuses et solidaires, Sally Sallinger savoyardes.
Il ne délaisse également pas complètement l'univers du polar (dont on retrouve la trace avec le personnage mystérieux d'Arpin) et se montre encore une fois particulièrement habile à construire un récit parfaitement rythmé.
Si le style graphique choisi m'a moins séduit que pour ses précédents albums, la construction du récit m'a emballé et l'histoire semble tout droit sortie d'un livre de témoignages recueillis, documentaire d'après-guerre. Une belle lecture.

Efficace et équilibrée, j'ai trouvé le ton et le rythme de ce récit très réussi. Sans usé d'artifices et en restant dans une narration plutôt classique, Pastor fait une fois de plus, preuve de beaucoup de justesse, il donne à ces personnages une belle épaisseur et insère parfaitement son histoire dans le contexte d'après guerre, au beau milieu de nulle part. C'est un parcours initiatique qu'il développe avec beaucoup d'habilité, ces deux femmes sont troublantes et deviennent ainsi nos compagnes d'infortune, on se complait à les voir évoluer, à chercher à les comprendre. Le personnage d'Arpin est aussi une belle trouvaille, il permets de briser un peu la glace et d'apporter dynamisme et action dans cet environnement et auprès de ces dames, où tout semble figé.
Je ne trouve que peu de défauts à cet album, une belle lecture en effet d'un auteur qui va vite me devenir indispensable.

L'ensemble des livres de Pastor est recommandable. J'ai beaucoup aimé Ice Cream que j'ai lu l'année dernière.

http://www.du9.org/chronique/ice-cream/

Je suis normalement plus sensible au côté 'vintage' des dessins de pastor dans ses autres livres, mais j'y ai rarement trouvé mon compte. Cet album est bien plus réussi, un très bon récit, rondement mené, avec des personnages très travaillé, et une unité graphique remarquable.
Belle lecture.

Bd réussie en effet.
La facture en est classique. Peut être un peu trop "équilibrée" et "juste" pour qu'elle me marque véritablement.
J'ai trouvé particulièrement intéressant le contexte historique d'"arrière plan", derrière l'après-guerre, l'évocation des esprits qui bougent, et s'interrogent sur la place des femmes dans la société..  
Un pendant de saison au très original "En temps de guerre" de Delphine Panique 

Eh bien contrairement aux avis précédents, je suis au regret d'avouer ici que j'ai été assez déçue par cette lecture ; j'attendais plus de cet auteur que j'ai beaucoup apprécié dans de précédents opus. L'idée de départ était pourtant plaisante, et je vous rejoins sur les ambiances si bien rendues. En revanche, j'ai eu du mal à comprendre le rôle de ce pisteur tout à tour persécuteur, persécuté, de sa relation ambiguë avec la jolie veuve, et au final, à comprendre le but de cette histoire. L'auteur m'a fait l'effet d'être lui-même perdu au coeur d'un tourbillon neigeux et de chercher son chemin dans la narration... Déçue donc, mais Anthony Pastor conserve toute mon estime et mon intérêt !

Libération social et humaine, on plonge dans l'époque.

Anthony Pastor recouvre ses cases et ses couleurs de hachures sombres, qui donnent à ses dessins très précis, une ambiance tendue et oppressante. Ce travail graphique accompagne très bien la fuite en avant de ces "reines" magnifiques, escortées par leur petit page narrateur et (pour)suivies par le torturé Arpin.
Beaucoup d'échanges de regards, inquiets ou inquiétants, méfiants ou méprisants, qui sont autant de pierres ajoutées à l'édifice de la narration - et toujours, les yeux clairs de Blanca, pilier de ce livre, pleine de profondeurs et de complexités, qu'on ne voudrait pas quitter.
Cette histoire se nourrit de beaucoup de thèmes (la guerre et sa violence, l'évolution de la femme au XXème siècle, le choix de sa destinée et la fatalité, les inégalités et les progrès sociaux et culturels) et Pastor réussit le pari de les aborder sans alourdir la narration.
J'ai aimé la quête de liberté de ces femmes et comme le jeune Florentin : "(...) et je les suis avec bonheur. Elles sont mon soleil, elles sont mes reines."

Fred Somda a écrit, je cite :

"Bd réussie en effet.
La facture en est classique. Peut être un peu trop "équilibrée" et "juste" pour qu'elle me marque véritablement"

Et bien ... Cela résume complètement mon point de vu par rapport à une bd très très esthétique mais malheureusement froide ...

Certes l'histoire du périple est très prenante mais je trouve que la qualité du dessin met une distance par rapport au scénario (comme une espèce de décalage) et ce manque de "chaleur graphique" empêche le lecteur de plonger complètement dans la lecture et de se sentir absorbé ...

Je parlerais de bd académique ...

J'ai été moins séduit par le dessin d'Anthony Pastor sur ce livre que sur les deux précédents. Par contre, le récit et les personnages particulièrement fouillés et bien construits sont des réussites. Il me semble pourtant que l'auteur n'a pas eu toute le place attendu pour nous raconter son histoire. Un petit sentiment de manque, j'en aurais voulu un peu plus à certains moments. Même si c'est un peu frustrant, c'est peut être bon signe ?

Les qualités de pluralité de thèmes abordés que souligne feufollet sont apparus à mes yeux comme des défauts. J'ai l'impression que l'auteur n'a pas vraiment choisi son angle et hésite entre une chronique savoyarde, une chronique sociale et un récit d'angoisse. S'il avait fallu rendre compte de tout ça sans trop se perdre, il aurait sans doute été nécessaire de disposer d'un format plus long ou de la possibilité d'installer une série. Là on ne sait pas bien où on se situe, sur quel pied l'auteur danse, ou plutôt l'endroit où il va poser son pied et nous raconter vraiment ce qu'est la vie, moi je n'attendais qu'une chose, c'est qu'il y aille, j'étais bien assis tranquillement, il n'avait qu'à balancer la purée, mais non, pas le temps de s'attarder, il y a un album à finir.
Ce livre m'a fait le même effet que le nouveau dessin de Pastor au premier coup d'œil : on dirait du Servais.

La rigueur du climat et la tristesse générale transpirent dans chaque case. La chute est réussie. Les personnages sont épais. Le scénario est bien construit.
Il m'a pourtant manqué quelque chose à la lecture, que j'avais mis sur mon compte. Je vois que je ne suis pas le seul.
La multiplication des lignes de réflexion me dérange peut-être.

Belle et très intéressante BD malgré effectivement un sentiment de manque, les personnages auraient pu être bien plus fournis et une fin un peu décevante.
Je suis d’accord avec Fred, on dirait du Servais.



Il y a aussi un petit peu de Van Gogh à ses débuts

Une bd trop classique pour moi, je ne me suis pas ennuyée pour autant, les thèmes abordés sont intéressants, le rythme est là, un peu trop même, je ne suis pas fan des rebondissements à répétition, quand au dessin, je suis partagée, totalement convaincue par les paysages, et la scène de l’accident de train, mais pour les personnages et notamment leur visage, c’est tout l’inverse . une lecture pas désagréable mais pas inoubliable non plus. Comme Fred Somda, j’ai repensé à l’excellent livre de Delphine Panique, totalement à l’image de ce que j’attends d’une bd. Je me demande ce qui a motivé ce choix de sujet et de style chez l’auteur, si différents de ce qu’il a fait précédemment .