STERN, Le croque-mort, le clochard et l'assassin de Frédéric et Julien Maffre

Il est bien rare de retrouver un western dans les sélections du Sheriff d'or, ce qui est un comble pour le prix de la librairie Esprit BD, prix matérialisé depuis l'an passé par la fameuse étoile.



Faut dire que dans le monde du 9ème art, le genre a été largement représenté et raconté. Depuis l'origine et ses plus grands classiques (Blueberry, Jeremiah, Durango, TEX) jusqu'à des œuvres plus récentes et originales (Gus, Lincoln), sans oublier les plus humoristiques (Lucky luke, les tuniques bleues), le Western est devenu un incontournable de nos rayons et les succès des dernières années conduits par W.E.S.T, Bouncer ou L’étoile du désert, font que la surprise et la curiosité ne sont plus trop au rendez-vous.

Les recettes sont souvent les mêmes, le Sheriff, le saloon avec ses danseuses et ses ivrognes, des bons, des bruts et des truands, et comme chez Sergio Leone, dans les décors arides de l'ouest américain, les pistolets sifflent et les cadavres s'empilent. Ainsi, la profession de croque-mort est désormais observée au pied de la lettre, et quelques mois après la sortie de The Undertaker de Dorison et Meyer, les frères Maffre s'intéressent à leur tour à ces fossoyeurs de l'ombre.



Elijah Stern est donc croque-mort de son état, il est appelé à récupérer le corps du gros Benning qui vient de claquer entre les mains de Mindy, la négresse du bordel. Mort naturelle ?, la conclusion paraît à première vue évidente, c'est que le Charles Benning, il ne tournait pas qu'à l'eau de source et il était bien usé par la vie, lui l'ancien sudiste qui s'est rallié aux yankees durant la guerre de sécession. Pourtant, à la demande de la veuve, Stern est chargé de l'autopsie, celle ci va alors révéler une mort par étouffement, débute ainsi une enquête à rebondissement qui va révéler différents protagonistes comme meurtriers potentiels, qui est le clochard ? qui est donc l'assassin ?



Si le scénario reste assez fidèle au genre, l'approche faite par Frédéric (au scénario) et Julien (au dessin) Maffre n'en demeure pas moins originale, les deux auteurs prenant le parti de s'intéresser à la psychologie de leurs personnages en complément de l'action pure. Ainsi, à travers Elijah (décidément un de plus), ils développent un anti héros assez singulier, une espèce de dandy paumé et solidaire qui se révèle pourtant d'une grande malice et doté d'un certain humour.
Les personnages secondaires jouent un rôle déterminant et prennent vie (ou mort) au fil des pages, les relations qui se créent entre eux les renvoient chacun à leur propre passé, ce qui vient donner de la consistence à la petite histoire qui vient se confondre à la grande, le terrible massacre de Lawrence.

Dessin et mise en couleurs sont d'une grande justesse, offrant un beau rendu tant au niveau des décors que des attitudes, entre plans resserrés et champs plus élargis, les bonnes séquences s'enchainent, venant soutenir un rythme efficace et un suspens haletant.



Un peu à la manière d'un Tyler Cross, le personnage de Elijah Stern devrait rallier les suffrages dans cette rentrée 2015 et cela ne fait presque aucun doute, que nous recroiserons sa route, un jour ou l'autre.

Tout un programme pour moi qui ne connait rien à ce genre en bd, en tout cas l'aspect enquête et psychologie des personnages me donne très envie de le lire ...

Très bon western qui s'accommode des canons du genre tout en parvenant à surprendre le lecteur par la densité psychologique des personnages et des situations. Le trouble social, les séquelles de la Guerre de Sécession, sont rendus avec une grande finesse. Bien sûr, c'est un tome 1 et on attend d'en voir un peu plus, mais je crois qu'on peut parler de belle surprise avec cet album grand public de qualité.

fred a écrit:

cet album grand public de qualité.

- "Superphane, j'ai trouvé la réponse à ta question ! "

                       STERN

-"C'est plutôt pas mal la bd grand public de qualité ?"
-"..."
-"t'es pas d'accord avec moi ?"
-"..."
-"arrêtes de faire la gueule, je te charrie...  BD GPQ, c'est que des mots, laisse tes aprioris au vestiaire, je suis sûr que ça peut te plaire et qu'objectivement tu peux reconnaitre de nombreuses qualités (graphique, narration, casting ...etc ) au livre des Maffre Brothers    "
-"..."
-"Comment ça, j'suis même pas drôle ? ....... allez viens, j'te paye un bon verre de vin ! "

J'ai trouvé quelques qualités au livre des Maffre Brothers que j'ai lu d'une traîte, porté par une entame dynamique et des rebondissements bienvenus. Je trouve cependant la fin téléphonée et décevante.
On reste, avec ce livre, dans le haut du panier du divertissement.

J'ai, hier, lu le formidable Manifeste de Grégory Jarry, Debout le roman-photo.  
Ce petit texte cinglant regrette la disparition du roman-photo, "anéanti par son utilisation dévoyée au seul divertissement pur, sans autre but que de détourner de l'essentiel pas même un petit soupoudrage artistique, ni un alibi éducatif, rien".
Il met en avant les tensions entre production artistique et divertissement au sein de la bande-dessinée, soulignant qu'une "infime portion de la bande dessinée est un art". La "frange artistique" est ainsi noyée dans la surproduction, essentiellement centré sur la production de produits de divertissements.
L'intégralité du texte, engagé et militant, complétant la lecture de Pauline à Paris, vous est offert par votre libraire ou à défaut, est téléchargeable en ligne !

http://flblb.com/catalogue/debout-le-roman-photo/

j'ai essayé le téléchargement, mais il faut régler 0€ sur paypal, et ça ne marche pas.
On doit pouvoir acheter ce téléchargement avec un autre livre des éditions, mais dans ce cas, autant acheter à esprit bd

Superphane a écrit:

On reste, avec ce livre, dans le haut du panier du divertissement.

Ne lisant moi-même que très peu de livres de divertissement, il me tarde de découvrir ce genre qui, depuis quelques jours, agite tant le forum (lol  * )
Vivement ce soir !


* le lol, ça n'est pas pour le "il me tarde" : il me tarde vraiment !!! c'était plutôt concernant une discussion récente avec mes libraires, donc une private joke, désolé...

erserahead, sur la page donnée dans mon message tu as un lien TELECHARGER LE PDF... qui fonctionne parfaitement !

ah ah !! je suis nouille.

alors...

On passe un bon moment à la lecture des trois premiers quarts de Stern. Une belle ambiance, des personnages sympas, avec un beau duo, qui constitue le point central de l'album. Une intrigue qui fonctionne plutôt pas mal, et des bases qui auraient pu être développées sur plusieurs tomes.
Je peux difficilement en dire plus sans révéler des éléments qui gâcheraient vos lectures à venir. Je n'ai pas trop été emballé par la fin, voire elle m'a agacé, même gâché ma lecture...

C'est vrai qu'au prime abord cette fin, élucidée de manière un peu trop évidente, peut décevoir mais après une seconde lecture, il reste pas mal de flou autour des personnages, Elijah en tête évidemment ; on peut aussi se demander  de quel 'gagnant' parle le Dr Godsen lorsqu'il rend visite à Stern, au tout début de l'album et que leur conversation est  interrompue par l'arrivée de la belle et mystérieuse Mlle Ward … et pourquoi Stern, tel le Caïn de Victor Hugo serait poursuivi jusqu’ à la tombe ? Considérons ce premier tome comme un bon hors d’œuvre et patientons sagement jusqu’au plat principal…

Cet album me laisse une impression mitigée, avec d'une part des personnages plus complexes que je croyais, et d'autre part une étrange sensation de manque ; très propret ; trop ? Je ne sais pas encore d'où me vient cette sensation.
Le héros a un côté lunaire, parachuté, qui est touchant et peu conventionnel.

Cette adaptation western en bande-dessinée m'a convaincue, avec une belle unité dans le dessin qui rend très très bien l'ambiance d'un genre si exploité ... sans oublier le conflit Sudistes/Nordistes en arrière-plan.

Aussi, l'auteur a réussi à laisser une part de mystère à ses personnages, dont le portrait très précis donne l'image de "belles allures".

Il manque juste un peu de suspens, dommage ...

Les dessins sont très soignés, épurés et aériens et ils vont de pair avec un scénario qui fonctionne parfaitement, bien que prévisible.
Mais cette légèreté de l'illustration me semble symptomatique du manque d'épaisseur des personnages.
Bien sûr, il y a Stern, grand échalas distant qui semble passer dans le monde sans y participer, paria de par son métier mais aussi de par sa culture ; son profond sentiment de culpabilité le rend encore plus attachant.
Il y a Lenny (magnifique scène que celle où il se met au piano), le clochard au passé glorieux.
Mais les autres sont très figés dans leur rôle et me laissent, comme pour Charles-Olivier, l'impression d'un univers trop propret.
J'ai trouvé la scène finale au cimetière mal ficelée
(

Spoiler:

)
Cette BD reste un livre très agréable à lire et qu'on peut proposer à tout le monde.

celui ci est passé comme une lettre à la poste ( le contraire eût été un comble ), même si comme vous j'ai trouvé la fin trop convenue par rapport au reste du récit qui joue beaucoup sur le mystère ; vraiment un super moment de lecture en compagnie d'un héros hors du commun, donc forcément attachant.
à ce propos, pour répondre à feufollet :

Spoiler:

Lecture hautement recommandable au public quel que soit sa taille ( grand, petit, moyen ... )

Effectivement, un bon moment de western, qui donne envie de découvrir plus encore l'univers des personnages dans les prochains tomes.
Stern est un personnage très énigmatique, inquiétant, et attachant aussi.
Je suis moins convaincu par le clochard, dont les traits me semblent trop figés, son caractère et son histoire trop "parfaits" manquant peut-être un peu de subtilité.
Une fin mitigée certes, mais l'ensemble est assez prenant et bien ficelé.

Une belle lecture, dans un style des plus classique malgré tout.

J'ai aimé les relations entre les personnages cristallisées par la guerre, la culture, la luxure, l'alcool...

Plein de vices mis en page et découpés sans nous émerveiller! Cela marche bien. J'aime bien le prologue qui nous met en haleine.

Le titre peut citer tous les personnages au lieu de se limiter au croque-mort, au clochard et à l'assassin. J'ai vraiment apprécié cette ambiance de communauté où chacun influence sur l'autre.

Une BD plaisante à lire ou se trouve tous les codes du western sans bien sûr en faire trop et tomber dans la parodie. Une fin un peu bâclée pour ma part ou la résolution arrive très vite.
Il reste un personnage que nous avons envie de suivre dans d'autres albums afin d'en connaitre plus sur son passé et aussi se familiariser avec cette petite ville et ses habitants.

Compte tenu du nombre important de BD de divertissement plutôt moyennes qui sortent chaque année, ne devrions nous pas nous enthousiasmer si l'une d'entre elles sort du lot et affiche des qualités certaines.
Personnellement, j'aime beaucoup me divertir.
J'ai donc beaucoup aimé ce livre pour toutes les bonnes raisons précédemment dites et que je ne redonnerais pas.

Bien dit Joco ! je ne lis plus trop de grosses cavaleries destinées à divertir (facile le jeu de mot quand on parle du western) mais quand je passe à la boutique, quelques lignes de textes ou deux trois observations du dessin me font reposer bien vite 90% des albums qui pourraient porter cette étiquette. Pourtant au milieu de cette avalanche de titres sans doute très médiocres, ressortent quelques titres bien supérieurs, Stern est de ceux là et je trouve aussi que nous devrions nous en satisfaire plutôt que nous en offusquer.

Cet album pâtit d'un scénario construit à coups de grosses ficelles (le méchant sorti du chapeau, le rapport au traumatisme de l'enfance, etc...) pour tenir dans les limites imposées par l'édition. Ce qui aurait pu se justifier sur du long terme ne marche pas du tout ici, et les éléments intéressants sont esquissés. ça n'en fait pas une mauvaise lecture, les éléments intéressants sont là, et la dimension "genre" me plaît assez, mais je ne vois pas :
- ce qui en fait un titre honorable (c'est pas si mal ? Y'a eu bien pire ?)
- en quoi il évite les soi-disants écueils du genre.

Je ne vois pas les grosses ficelles utilisées ici, pas plus que dans Pauline ou que dans le Killoffer.
Et je ne vois pas :
- en quoi il n'est pas honorable (voir plus).
- en quoi il tombe dans les écueils du genre.

ce n'est pas moi qui dis qu'il tombe dans les ecueils du genre, je ne faisais que répondre à une remarque de Fred Somda, qui disait que le livre évitait les écueils du genre...

Citation :

Le côté bien souvent autarcique du genre, un pendant plus trash au monde auto-entretenu de Walt-Dysney m’agace un peu..
Stern échappe à cela,

Je ne crois tout simplement pas que le genre ait des écueils !!

En revanche, je trouve que le livre s'inscrit pleinement dans le genre, et qu'il en possède tous les éléments (et ça me va )

Par contre, tu avoueras que le fait de mettre face à face le gentil et le méchant dans leur enfance, et de les retrouver 40 pages plus tard pour la résolution, ça va un peu vite (et c'est du déjà vu, sous forme de flash-back souvent) : c'est ce que je voulais dire par grosses ficelles.
[tu m'excuses, mais je l'ai lu il y a près de deux mois, et mon souvenir est assez flou]

Quant au fait de dire honorable ou pas...
Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'un livre puisse être enthousiasmant ou satisfaisant parce que d'autres ne le sont pas (c'est votre argument, à Can et toi). Le terme honorable a une valeur morale que j'aurais dû éviter.

eraserhead a écrit:

Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'un livre puisse être enthousiasmant ou satisfaisant parce que d'autres ne le sont pas (c'est votre argument, à Can et toi). Le terme honorable a une valeur morale que j'aurais dû éviter.

Je ne crois pas avoir dit que "Stern" ou "Les nuits de saturne" sont des choix satisfaisants car les autres deux ne le sont pas, ces deux albums sont satisfaisants et c'est tout, je n'ai pas attendu d'avoir lu "Pauline" ou "Killoffer" pour en faire la chronique et prendre position sur le fait que ce titre mérite amplement les critiques les plus positives qui lui sont faites.