En ville, tous les regards sont différents.
The Spectators peint le rapport d'une multitude de regards sur la ville. Qu'est-ce qu'on y voit, subrepticement, ou sur quoi attarde-t-on son attention ? Comment voit-on la ville ?
Victor Hussenot s'empare de ces questions dans son nouveau livre. Mais loin d'être un pensum sur notre rapport à l'espace urbain, à ses motifs déjà souvent dépeints ou éculés, le livre développe autant de personnages qu'il y a de regards, apportant davantage une réflexion sur l'humain.
The Spectators est divisé en 15 séquences de taille inégale ; dans chacune, un personnage évoque le regard qu'il porte sur la ville. Il y a grandi, il y vit mal, ou s'en accomode tout à fait. Il erre dans ses ruelles plutôt la journée, ou au contraire reste éveillé la nuit pour observer les fenêtres.
La ville constitue un spectacle pour tous ses spectateurs, mais elle est surtout le miroir de chacun d'entre eux. Et chacun d'entre eux se trouve relié dans un destin commun, symbolisé par les pages de transition, où une silhouette unique, représentant l'humanité, se glisse tour à tour dans chaque individu. Ces pages scandent le récit de façon tantôt ludique, tantôt poétique, ménageant des pauses visuelles entre les séquences.
Il faut dire que l'écriture foisonne d'idées de mise en page : de planches très classiques à de magnifiques illustrations pleine page, Victor Hussenot utilise toute la palette des possibilités narratives de la bande dessinée : usage ou non de la gouttière, dont on sait franchir les limites si besoin, balancement des cases, surcadrages, etc... on retrouve dans The Spectators du Krigstein (le métro), mais aussi l'esprit joueur de Fred.
Visuellement, le livre est éblouissant : la figure du miroir est reprise en couverture par l'oeil réfléchissant le regard du spectateur, belle façon de nous inclure aussi dans l'homme multiple qui contemple la ville.
Le livre profite de plus d'une très belle édition chez l'éditeur anglais Nobrow. Les planches en aquarelle sont remarquablement rendues sur un papier très épais, dos toilé, gauffrage, un vrai plaisir pour les yeux et les doigts !
La poésie en bande dessinée est rare. C'est ce que réussit Victor Hussenot avec The Spectators, et qui nous amènera à classer son livre auprès de L'Amour Infini Que J'ai Pour Toi, à moins que l'on ne préfère se constituer un petit corpus thématique, auquel cas The Spectators trouvera naturellement sa place tout contre la trilogie New-York d'Eisner.
Le livre, publié en anglais, arriverait en français à l'automne.
http://victorhussenot.blogspot.fr/