Wonderland de Tom Tirabosco.

"Je suis comme ce hanneton...craintif, silencieux et lourd...Coincé dans sa boîte...
Je viens du ventre noir de la peur.
J'aimerais rejoindre la surface.
Mais là-haut il y a les colères de mon père".

Quelles sont les choses qui font de nous ce que nous sommes ?
Tom Tirabosco se penche sur la question dans ce nouvel album justement appelé "Wonderland", quoi de mieux que de se retourner sur les traces de sa propre enfance (heureuse ?) et remonter le fil des souvenirs, plongeons dans les profondeurs des origines.



Son père Antonio, est réceptionniste dans un hôtel romain, il est passionné par le chant lyrique et par les peintres de la Sérénissime, c'est un homme imprévisible et colérique. Jacqueline, sa mère, aux faux airs d'Audrey Hepburn est une Suissesse qu'il va rencontrer lors de vacances en Italie, de cette union naquirent trois garçons, Tom ici présent, ainé de la fratrie, puis Michel lourdement handicapé à la naissance, et le petit dernier Riccardo.



La famille Tirabosco s’installe à Meinier, jolie commune Suisse du canton de Genève, Tom se souvient.
Il se souvient de cette nature, parfait terrain de jeux pour les trois frères, le petit dernier devient rapidement un grand amateur d'insectes. Il se souvient du comportement de Michel qui malgré son handicap dégage force et courage pour grandir comme un garçon normal et surpasser la plupart de ses camarades. Il se souvient aussi des souffrances, des disputes de ses parents, des assiettes qui volent, de l'enfant craintif, pas sûr de lui.
Il se souvient de cette éducation à la dure, autoritaire mais culturellement stimulante, aux univers de Walt Dysney se succédent les premières bandes dessinées, Tintin, Rahan, puis les premiers dessins et plus étonnant, une passion pour Zdenek Burian, un artiste tchèque spécialisé dans la peinture préhistorique.



A travers tous ses souvenirs, parfois précis, parfois plus confus, l'auteur se livre avec juste ce qu'il faut de nostalgie et de sensibilité en gardant le juste recul nécessaire et la distance qui va bien pour ne pas se laisser submerger par ses propres émotions, portant son témoignage vers quelque chose de plus universel.

Le dessin, très rond et très doux à la craie grasse mêle la douceur du fusain à la gravité des noirs, il complète à merveille le propos et illustre de façon très fine et délicate les sentiments que les mots ne parviennent plus à exprimer.

Aux côtés de Frederik Peeters et Pierre Wazem, Tom Tirabosco complète un autre trio, celui des brillants auteurs Suisses, et il offre à son tour, un ouvrage personnel et infiniment touchant à la belle maison d'édition genevoise Atrabile, dont la qualité du travail, n'est quant à elle, plus à démontrer.

Je ne connaissais pas Tom Tirabosco, mais dès la première page ouverte, j’ai été séduit par son trait de crayon, dont j’avais l’impression d’entendre la mine crisser sur la feuille.
Sa nature est belle, ses personnages sont beaux et attachants. Il y a probablement une part d’identification, au travers une époque qui nous a vu grandir.
L’agencement des scènes est assez classique mais ne dessert pas l’histoire, et le rythme qui se laisse porter par les souvenirs de l’auteur.
Tirabosco a aimé son enfance, il a une tendresse évidente pour sa famille et son père, avec leurs cabossures et leurs fragilités.
Il y a beaucoup de finesse dans sa façon de dépeindre les relations complexes qui les unissent. Il y a beaucoup de talent dans les tableaux qui cherchent à dire son moi enfouit, ses envies et ses rêves, ses interrogations, ses enthousiasmes et ses peurs.
La discussion en fin de bouquin entre les deux frères, je ne sais pas.. Elle apporte une certaine distanciation. Les choses ne sont que ce que le reflet de nos perceptions intimes. Et le monde, passé, que la projection de notre propre personnalité, façonnée avec le temps. Le propos de cette dernière partie n’est pas alambiqué et lourd. Il est porté par pas mal d’humour. Pour autant, je me demande si je n’aurais pas plus aimé le livre s’il s’était achevé avant.
J’ai découvert malgré tout une belle autobiographie, une belle oeuvre. Un auteur qui me donne envie de lire d’autres de ses bouquins et de découvrir un peu plus de son univers et de ses influences.

Can a écrit:

Aux côtés de Frederik Peeters et Pierre Wazem, Tom Tirabosco complète un autre trio, celui des brillants auteurs Suisses

C'est Derib, Zep et Cosey qui vont être jaloux !

Voici une bd générationnelle qui devrait plaire, ou du moins parler, aux nombreux quadragénaires du jury !

J'ai moi aussi adoré ce dessin à la fois doux, rond et précis. Et que dire du regard de Michel !!

L'auteur nous offre une plongée très intime au coeur de sa famille, avec une double observation : à hauteur de ses yeux d'enfants, et de ceux de l'adulte qu'il est devenu. Le jeu est plutôt habile, même si au fil des (nombreuses ) pages un sentiment de désordre s'invite ; c'est peut-être un excès de générosité qui a conduit l'auteur à vouloir nous en dire tant, et plus encore.

Au final, une grande tendresse mêlée d'un brin de nostalgie se dégagent de ces pages, il ne m'en faut pas plus pour avoir le sourire en refermant ce livre.

Moi aussi j'ai beaucoup apprécié ce livre ... Je dis "livre" parce que cette bd me semble dépasser les règles du 9ème art ... Déjà le choix de la craie grasse pour le dessin est très judicieux et donne beaucoup de relief à l'histoire. Une histoire qui sonde l'intime avec une profondeur très juste, sans misérabilisme. Après la lecture, je n'ai pas eu en souvenir que la sincérité du dessin ou la psychologie des personnage ou encore la beauté des portraits, mais il est resté en moi une impression de voyage intérieur et une certaine nostalgie. Comme si je voulais que cette histoire n'est pas de fin ...

C’est le dessin de Tom Tirabosco  qui m’avait  interpellée il y a quelques années, dans ‘La fin du monde’ écrit par Wazem , on le retrouve ici : rond, doux, crayeux, rassurant,  à l’image d’ un monde dans lequel le jeune Tom aurait bien aimé vivre,  un monde imaginé seulement, car la réalité est bien plus dure et complexe à vivre. Un frère au fort caractère, mais il en faut  pour vivre avec un handicap, et plus encore, dans ce cas, avec les autres, un papa plus coq que poule, souvent en conflit avec une mère plutôt … admirable, car battante, engagée, altruiste. Bien que ce portrait familial, déroulé de manière assez classique,  repose sur des souvenirs et donc une vision transformée, comme le soulignait Fred Somda, je trouve qu’il y a une quête de justesse et même de  justice chez cet auteur dans la description des ses personnages ; la dernière partie, au présent, dans laquelle il dialogue avec son frère nous montre justement que nos perceptions sont toutes relatives, comme ces peurs qui l’ont bien souvent paralysées  mais qu’il a su aussi dépasser parfois. Faute d’être le garçon dont rêve son père, Tom est un introverti, un fin observateur, les petits détails ne lui échappent pas, en témoigne par exemple  sa vision du tyrannique M.Thioli , après deux pages de description de ses discutables méthodes d’enseignement, celui-ci, en une simple case,  a quand même le droit à une forme de reconnaissance : Tom « aimait bien les dessins à la craie qu’il réalisait au tableau noir »…peut être une  source d’inspiration …
A ce propos, je ne résiste pas à insérer ici le tableau de Millais,  « la jeune fille aveugle », source des premiers émois amoureux de Tom

c'est mieux que sophie favier...

C'est bien joli tout ça.
C'est à se demander si les auteurs actuels ne sont pas obligés, par contrat, de nous raconter leur famille, leur intimité.
Comme ce n'est pas toujours passionnant d'emblée, il faut, soit capter le lecteur à l'aide d'événements improbables ou d'une expérience singulière (David B), soit faire volontairement preuve d'un total manque de pudeur au point de mettre le lecteur dans un inconfortable déséquilibre (Neaud).
Seulement, l'aventure de la famille Tirabosco est sympathique, le "coup de crayon" (c'est tout rond, c'est mignon) toujours aussi charmant (de très belles pages avec le calamar géant) mais l'auteur peine, je trouve, à franchir la barre de l'enfance. L'adolescence des frères est trop esquissée, comme si les moments les plus douloureux et difficiles (on le voit dans l'épilogue) étaient durs à exprimer.
Une petit déception pour moi.

Ben oui c'est difficile de ne pas songer à David B, et du coup difficile de ne pas voir les abîmes qui séparent ces deux livres. Comment dépasser son sujet pour en faire une oeuvre intime et universelle à la fois ? Certainement pas en recopiant tel quel son journal intime rédigé tout au long de son enfance. 
Au fur et à mesure de la lecture ça en devient presque gênant cet étalage qui manque cruellement de discernement. Et puis pour raconter ses misères aujourd'hui, il y a Facebook, ça consomme quand même moins de papier...

J'aimerais bien que le niveau moyen des publications sur Facebook ait au moins un dixième de la sensibilité de Wonderland, ça voudrait dire que les utilisateurs ont un potentiel artistique, ce que je ne constate pas, y compris sur les pages d'auteurs de bd plus préoccupés par leur soupe corporatiste que par la volonté de tirer le site vers le haut.
La sincérité de Tirabosco est plutôt émouvante, son histoire familiale loin de manquer d'intérêt. Pas évident de se mettre à nu de cette façon, surtout si on envisage des commentaires qui irrémédiablement procéderont à des comparaisons.
Je suis néanmoins d'accord avec ceux qui ont soulevé un problème d'équilibre et un épilogue dispensable. Mais bon, le trait charbonneux et épais fait passer par sa grâce pas mal d'imperfections…

J'ai passé un bon moment.
J'ai été touchée par l'enfance du frère handicapé et par la force de sa mère pour le pousser à se dépasser. La relation des deux frères, leur rivalité, leur lutte pour être eux-même, tout cela est très juste et très émouvant.
Je perçois, cependant, un déséquilibre, entre la peur profonde de l'auteur vis-à-vis de son père et ce qui en ressort dans l'histoire et même dans le traitement visuel ; une sorte de décalage.
Au vu de la couverture, je m'attendais peut-être à un père particulièrement violent et méchant, et à une vie d'enfant très traumatisante (genre un secret bien lourd...). En réalité (et heureusement), ce père n'était qu'un père comme la plupart des pères de cette époque - incapables de dire des mots affectueux et de se remettre en cause, sûrs de leur vérité, ayant besoin de se sentir fiers de leurs enfants et leur demandant pour cela d'être dans la norme. Je ne remets pas du tout en cause le ressenti de l'auteur et ses peurs d'enfant. Simplement, j'ai un peu de mal à percevoir l'unité du livre : toute la première partie retrace bien la difficulté qu'a Tom enfant à répondre positivement aux attentes de son père, et les angoisses que cela lui provoque ; il donne un vrai point de vue de petit quand il traite cette partie, qui est la plus réussie pour moi. Et puis, quand il commence à se représenter ado puis adulte, il manque quelque chose pour moi, comme si la vision devenait plus floue, plus filtrée par la pudeur ou le désir de ne pas trop blesser. Du coup, j'ai trouvé la fin du livre plus laborieuse.

Tom Tirabosco revient sur son enfance avec sincérité dans une bande dessinée aux traits épais où chaque case apporte un dynamisme à l’histoire.
On ressent vraiment l’amour qu’il porte à sa mère, femme forte et intègre, à son père et à son frère Michel, par contre il délaisse son autre frère Riccardo, peut être trop secret pour lui.

Effectivement, comme écrit au dessus, Tom Tirabosco esquisse son adolescence et n’en dévoile pas beaucoup. Se succèdent son enfance avec ses secrets et son imaginaire, sa relation avec son frère handicapé, les engueulades de ses parents sans qu’il y ait une vraie cohésion à tout ça.
Pour ma part une lecture mitigé.

Le traitement de l'histoire est basique mais aussi d'une agréable douceur. On recopie son journal intime (cf ci-dessus).

Ce que j'ai aimé c'est les petits détails qui nous rattachent à l'Histoire.

La scène finale est là pour nous montrer la différence entre le point de vue de l'enfant et celui de l'adulte. Les travers du père sont décrit avec la vision de l'enfant. Du coup, ils ne sont pas si horrible que cela. Ce n'est que adolescent que le champ de vision s'élargit. Du coup, on ose dire les choses à Papa quand il dépasse les bornes.

Il n'a quand même pas de chance Tirabosco, voir son livre proposé le même mois que deux monstrueux poids lourd.
Il ne démérite pourtant pas ce Wonderland. Tom se dévoile, nous offre son enfance, sa famille avec une sensibilité rare et c'est déjà très courageux. On peut évidemment le comparer, certains le font, avec David B. mais le traitement n'est pas le même, les choix artistiques ne sont pas du tout les mêmes et surtout David B. était novateur en son temps alors que Tirabosco en produisant onderland se soumet inévitablement à cette comparaison. Il est fort à parier qu'il connait L'Ascension du haut mal et ça rend son ouvrage d'autant plus courageux.
Le dessin de Tirabosco est de plus en plus maitrisé et beaucoup plus subtile qu'il n'y parait. Je pense qu'il y a pas seulement un trait rond et mignon; son père, sa mère, son frère, lui-même sont expressifs et changeants, donc vivants et c'est loin d'être toujours le cas en bande dessinée. Il n'est pas avare en décors et détails en tout genre, ce dont nous ne nous plaindrons pas.
Il y a également des défauts, l'adolescence n'est qu'esquissée donc soit il faut en montrer plus, ce que j'aurais aimé, soit il faut l'omettre totalement. La fin avec son frère, même si j'en comprends le sens et le but, est très maladroite en l'état et c'est dommage.
Peut-être aurait-il fallu un tome supplémentaire pour palier aux quelques défauts mais avec Wonderland, Tirabosco nous livre déjà une œuvre de très grande qualité, c'est un auteur qui ne cesse de s'améliorer, à suivre donc !

A priori, c'est un travail de 10 ans...

https://drive.google.com/open?id=0B3fY8sZWdSPPa2NoVm0yWTA1Tnc

... et ?

Ces récits autobiographiques sur l’enfance ou l’adolescence ont toujours le même effet sur moi : en voyant les erreurs éducatives des autres, je réalise les miennes et me questionne sur leurs conséquences.
Les colères paternelles sont touchantes : généralement par manque de compréhension, le bouillonnement latin l’emporte sur la raison et submerge papa. Par bonheur, la douceur helvétique de sa moitié amortit ces excès, équilibre le foyer.
Sans complaisance ni fioritures ce récit m’a conquis.

Chouette une autobiographie

Le dessin est en effet très beau, doux et gracieux, un dessin N&B, alors que son père est un admirateur du maître de la couleur nommé Le Titien?
Peut-être pas un hasard...

Le rapport à l'handicap de son frère est pour moi la partie la plus sensible et réussie.
Comme Fab, si je comprends l'intention de l'auteur, la fin aurait du être éludée.

Une lecture très mitigée, quelque peu sauvée par le dessin.