Un homme, un siècle, cent pages.
Comme l'évoque Brian Everson dans la préface, l’histoire de Julio se penche sur notre existence oh combien futile et éphémère, et nous renvoie à l’œuvre de Samuel Beckett
C'est donc sur ce postulat que s'articule l'histoire de Julio, témoin ordinaire du XXème siècle, une existence simple faite de fragments de vie, des moments souvent importants, d'autres parfois plus anecdotiques, qu'ils soient dramatiques ou heureux, ils laisseront tous une trace que seul le temps qui passe inexorablement, parviendra à effacer.
Issu d'une famille d'immigré mexicain, Julio voit donc le jour en 1900, il grandit dans la pauvreté du monde paysan américain, l'enfance est souvent une période joyeuse et faite d'innocence, on est trop jeune pour saisir les douleurs de la vie. Hernandez reprends d'emblée un thème qui lui est cher et dont il a largement parlé dans son livre précédent "La saison des Billes", paru l'an dernier chez le même éditeur.
Les années passent, Julio grandit et il prends la pleine mesure des difficultés que peut nous réserver la vie, la première guerre mondiale éclate en Europe, son père tombe malade et Julio mesure rapidement à quel point, il n'est pas un garçon ordinaire.
Notre héros va traverser ce siècle au gré de ses propres joies et de ses propres peines tout comme celles qui viendront affecter les nouvelles générations de sa famille. Une vie à observer, à encaisser, à ne pas assumer.
Gilbert Hernandez a pris le parti de raconter d'un seul trait la vie d'un homme mais pas seulement puisque c'est bien quatre génération de la famille du héros qui vont défiler sous nos yeux, l'exercice est hautement risqué car il peut laisser l'amère impression que l'auteur ne fait qu'effleurer les destins des nombreux protagonistes.
Pourtant, Il ne s'entiche d'aucuns détails et parvient à préserver subtilement l'essentiel des faits et des sentiments qui animent les individus, les silences et les non dits en disent plus long que de grands passages narratifs. Les grandes guerres du siècle passé sont par exemple évoquées sans pour autant nous relater une énième fois ces événements, mais bien en les intégrant avec parcimonie dans le quotidien des acteurs du livre.
Usant seulement des dialogues, il narre les événements à la fois de façon furtive et consistante, déroulant son récit avec une belle fluidité. On bondit d'une décennie ou d'un personnage à un autre, sans repères chronologique ou géographique, et sans jamais perdre non plus le fil et la cohérence de l'ensemble. En usant avec talent de l'ellipse, l'auteur américain mélange de façon minimaliste l'intimité de cette famille face aux mutations sociétales et aux grands évènements du siècle passé.
Atrabile, à travers la collection Ichor qui nous avait déjà offert le très poétique "Les épisodes Lunaires" de Martin Roméro, propose ici un bel écrin avec une magnifique édition à un prix raisonnable, on ne le répétera jamais assez, mais il faut soutenir l'éditeur Suisse, toujours en proie à des difficultés financières.