Le chevalier d'Eon, d'Agnès Maupré

Après avoir dépoussiéré Les Trois Mousquetaires en faisant de Milady de Winter une héroïne trouble et féministe, Agnès Maupré s’attaque aujourd’hui à un personnage historique énigmatique et passionnant : le chevalier d’Eon.
Fin lettré, bon escrimeur, Charles Geneviève (!) d’Eon de Beaumont noue facilement des relations avec le prince de Conti, cousin de Louis XV. Lors d’un bal à la cour, d’Eon, savamment apprêté par la comtesse de Rochefort – dont il fera son amante -  paraît sous les traits de Lia de Beaumont. Elégante et élancée, sa silhouette androgyne séduit le roi…
Un bal à Versailles et toute sa démesure.
C’est dans cet univers excessif et bariolé, galerie de personnages dans la galerie des glaces, que commence l’Histoire, contée par Agnès Maupré.
Dans le plus grand secret, D’éon, contraint au travestissement - « aussi réussi en fille qu’en garçon » - sera envoyé en Russie,  afin de rompre l’Alliance entre la tzarine Catherine et l’Angleterre.  Rapidement confondu, il parviendra cependant à séduire la tzarine et à réconcilier la France et la Russie.
S’attachant davantage à décrire des personnages, leurs relations, leurs caractères et leurs désirs qu’à dérouler le fil de l’histoire à travers batailles et réconciliations, Agnès Maupré, comme dans Milady, se montre particulièrement habile à mettre en image le charme et la sensualité des corps. Les femmes naturelles, fraîches et libérées rendent ce monde un peu meilleur.

On ne peut être insensible à la beauté du chevalier et l'on est fasciné par cette ambiguïté sexuelle avec laquelle peu à peu, il compose.
Comme vivre à la cour est aussi une affaire de langage, de « saillies drolatiques » ou d’allusions cachées, d’ironie voire de cynisme, Agnès Maupré soigne particulièrement son texte et livre une partition écrite aboutie, souvent truculente et gentiment coquine.
Chez Milady déjà, Agnès Maupré ouvrait son livre sur une scène explicative de la cruauté de son héroïne. Pendue et laissée pour morte par son mari Athos, comte de la Fère, elle ne pouvait devenir qu’un être brisé, détruit, animé par le sentiment de vengeance. Premier tome d’un diptyque, Le chevalier d’Eon se clôt cette fois sur un épilogue, mettant en scène la sœur du chevalier, prenant plaisir à maltraiter et à travestir son petit frère comme elle le ferait avec un simple mannequin de chiffon. L’ambiguïté du personnage trouve une fois de plus ses sources dans son histoire personnelle.
On attendra impatiemment la suite de l’histoire même si ce tome 1, fier de son épilogue, peut déjà nous suffire.

sympathique lecture, mais que c'est bavard !!
tu le dis, des saillies drôlatiques, les atermoiements à voix haute de la du barry, les passages particulièrement pédagogiques sur les rapports diplomatiques, quel bonheur pour les manuels d'histoire !

si l'usage du métal dans Bêta peut paraître monolithique, ici, la légèreté des couleurs a quand même quelque chose d'un peu scolaire (alors, si mes murs sont orange, je vais faire le sol en bleu, ça équilibrera...)

C'est ce qu'on appelle le style rococo.

eh bien, le rococo, c'est vachement scolaire...  

Que veux-tu... J'aime les femmes androgynes (et les hommes dans une autre mesure) que dessine Agnès Maupré.
D'autres sont touchés par la "beauté froide" (veuillez noter les guillemets) des femmes de Gibrat, moi, j'aime les corps imparfaits mais très expressifs des dames de la cour. Je ne les trouve pas, pour le coup, très ou trop "scolaires".
Tu peux aussi reprocher à Agnès Maupré de lorgner vers le cours d'histoire. Mais que diable ! C'est un récit historique !
Elle prend cependant des libertés avec les réalités historiques se penchant sur la thèse d'un homme qui finalement subit (puis accepte) le choix du roi et incluant dans son récit des scènes sans véracité historique (la liaison avec la comtesse de Rochefort par exemple) mais pourtant très efficaces (jolie petite scène d'amour ???).

Et on peut aussi reconnaître à Maupré des qualités pour construire les personnages, non ?

C'est joliment classique, pas révolutionnaire, mais réussi.

on est bien d'accord, de beaux personnages, intelligemment construits.
Je préfère aussi leur imperfection.

Encore une fois, je rejoins Superphane et n'ai pas grand chose a ajouter à ce qu'il a dit.
Des personnages vivants dont les tribulations sont soutenues par une très belle écriture. Un plaisir de lecture à chaque page que les rebondissements attisent. Et, effectivement, un travail très sérieux autour de la psychologie des personnages.
Les codes couleurs qui accompagnent les protagonistes me rappellent par certains côtés le travail de Brecht Evens. Loin d'une finition "rococo", on peut qualifier cette approche de véritable travail de bande dessinée.

Un tres beau recit historique que j'ai "encore" découvert grâce a vous. On y retrouve l’exubérance des cours des rois, les alliances politiques que se font et défont selon l'humeur du jour des rois.
Un récit fluide, sans longueur où chaque personnage est bien campé. Ils se retrouvent à n'etre que des pions pour le roi. Et chacun de ces pions essayent de garder ca place au soleil sans aucun état d'âme.
Mon seul bémol est la fin. Une forte accélération du récit sur les 5 dernières pages. Comme il y a une tome 2 je n'ai pas compris cet empressement. C'est vraiment dommage..

Voici une partie de l'Histoire qui me laisse de marbre, ceci influença certainement ma lecture, même si justement le fait de se passionner pour une BD dont le sujet ne vous attire pas serait bien un gage de grande réussite. Mais la... pas vraiment.
J'ai pris quand même du plaisir à la lecture, les couleurs collent bien au récit et le dessin, des personnages entre autres, est très plaisant. Celui des femmes en effet particulièrement.
Un peu scolaire peut-être oui... ou du moins il manque pour moi un peu de profondeur, l'histoire semble se dérouler de façon machinal. Soit c'est un pur récit historique, soit il y a vraiment une transposition romanesque. Mais je n'ai réellement trouvé ici l'un ou l'autre, restant un peu sur ma faim. De belles planches quand même et des textes parfois savoureux.
L'épilogue me semble pourtant superflu, voir un peu facile, c'est une explication quand même un peu légère non?

Un petit bémol aussi sur les rapports du chevalier avec les femmes, dans leur intimité j'entends, dans le dortoir des filles en Russie, ou avec Sophie dans le même lit. Dans ces situations aussi proches et intimes, le subterfuge perd je trouve en crédibilité.

C'est une lecture très agréable que nous met entre les mains Agnès Maupré. Histoire très prenante avec de bons dialogues, de beaux dessins en général (sauf pour les sourires très édentés !!), des couleurs lumineuses ...

Bref, un beau moment passé en compagnie du Chevalier D'Eon.

Agnès Maupré à l'honneur chez du9.

http://www.du9.org/chronique/le-chevalier-deon-t1-lia/

Je n'ai rien vu de scolaire dans ce livre. Si c'était le cas, un certains nombre d'élèves s'ennuieraient moins à l'école, je pense.
Non, ce livre est, lui aussi, une belle réussite. C'est frai, c'est coloré, plein d'humour, parfois un peu cocasse, surement proche de la vérité historique mais libre dans le propos, bavard mais très bien écrit. L'auteur a su trouver la bonne distance et nous offre, encore, une agréable lecture.

ce que je veux dire, c'est que le traitement des couleurs me parait parfois un peu téléphoné,
comme quand on complète un joli orange par un sol bleu ; ce que font les élèves studieux,
qui ont bien appris les couleurs primaires, et leur complémentaire : c'est en cela que je disais que c'était scolaire, parce que je trouvais que l'auteur n'en faisait pas grand' chose, en fait, à part appliquer la consigne.

et cela dit, Joco, l'école, c'est nous qui la faisons

J'ai lu d'une traite et avec le sourire les mésaventures enrubannées de ce chevalier. Le rythme est enlevé (des cahots, des cailloux !), les dialogues réjouissants et la narration très "moderne", ce qui fait que la rétive à l'Histoire que je suis a avalé la pastille sans même y songer ! Mais tout ce qui précède, ainsi que les couleurs fraîches et joyeuses à outrance, ont fait qu'à aucun moment je ne me suis sentie plongée dans l'Histoire, justement. Trop de pep's, de sourires (même édentés), de bons mots, pour l'idée que je me fais de cette époque : mais je ne vais pas m'en plaindre, j'ai adoré cette histoire-là !

Je suis moins enthousiaste que vous tous sur le livre d'Agnès Maupré. Bon comme Gaga, le postulat de départ n'est pas très favorable pour moi car même si il y a du monde au balcon, cette période avec toutes ces perruques, ces cours royales où la gaité mondaine est de mise, cela ne m'a jamais réellement passionné.
Outre le contexte donc, j'ai trouvé le rythme de l'album assez déséquilibré entre une mise en bouche assez longue qui amène sur des situations et un périple assez prévisible, puis une seconde partie où tout s’accélère et où finalement la relation entre le chevalier et la tzarine n'est évoquée que trop superficiellement.
Autre bémol aussi sur les couleurs, bien que lumineuse, je les aient trouvées vraiment trop prononcée et assez agressive à la lecture. Malgré tout cela et c'est sans doute la force du titre, l'ensemble se lit d'une traite et revêt un caractère assez passionnant sur cette anecdote de l'histoire, il y a même un petit aspect addictif qui entre en jeu et c'est plutôt séduisant.

Emballé par cet ouvrage plein de fraicheur qui aborde des thèmes bien consistants.

Beaucoup de fraicheur dans cette ouvrage vivifiant.
Pas choqué du tout par les couleurs, au contraire, je trouve qu'elles font partie de la dynamique globale qui se dégage de cette BD.
C'est rythmé, bien écrit, bref que du plaisir !
Après "Mauvais genre" de Chloé Cruchaudet dans un autre registre, serais-je attiré par les histoires d'hommes a sexualité ambigüe ???