La bande dessinée sert encore souvent de motivation occasionnelle aux activités spécifiques de français. Par exemple, au primaire, elle occupe une place de choix lorsqu’il s’agit d’étudier le style direct et le style indirect. Au collège, on trouve encore bon nombre de manuels dont les leçons sont systématiquement illustrées par une vignette. C’est là une usage fort méprisable de la bande-dessinée : elle reste encore cloîtrée dans une image stéréotypée de lecture facile, accessible et nécessairement motivante.
Dans ce contexte, on est guère étonné de voir grandir les rayonnages dédiés aux adaptations.
Dans ce domaine, le pire côtoie souvent le pire… J’avoue malgré tout avoir cédé à plusieurs reprises. Mon plus grand garçon n’a pas résisté à l’appel du tour du monde en 80 jours (ex libris), illustration bien pataude du roman de Jules Verne.
Lorsque l’adaptation se double d’une ré-appropriation ou d’un détournement de l’œuvre, on peut alors, ça et là, dénicher quelques perles.
La collection FETICHE, chez Galliamard, propose plusieurs adaptations réussies : le sublimissime PEAU d’ANE de Baudoin, ou encore les contes du chat perché par Agnés MAUPRE.
Cette dernière s’adresse à présent au lectorat adulte avec MILADY,une adaptation d’un roman emblématique d’Alexandre Dumas, « Les trois mousquetaires ».
A priori peu excitant, l’exercice rappelle à nos mémoires les films d’André Hunebelle et l’on craint une lecture laborieuse. Mais Agnès Maupré se détache rapidement des images qu’on a tous en mémoire. Dès la première planche – magnifique – elle centre son récit sur Milady de Winter : pendue nue à une potence, on la croit déjà morte. Pourtant son mari, ayant découvert son secret, a mal fait la besogne : elle s’en tire facilement et rejoint l’Angleterre où elle épousera De Winter.
Toute l’histoire s’articule ensuite autour de ce personnage complexe, en perpétuelle mouvement, libre et d’une incroyable beauté. Après la mort de son second mari, elle mettra ses talents d’espionne au service de Richelieu.
Le dessin traduit admirablement la furie du personnage : Milady est une grande sauterelle blonde et élancée, et d’une grande vivacité d’esprit qui bondit et s’élance en permanence. D’Artagnan et les mousquetaires sont de simples personnages secondaires et l’on se prend à redécouvrir l’œuvre de Dumas sous un jour complètement nouveau : la vie de Milady porté comme étendard romanesque du roman de Dumas.