Patrick
Prugne poursuit son exploration de l'ouest profond, entamée avec Canoë Bay.
Alban est très attaché à son village natal ainsi qu'à sa soeur, la belle Angèle. Quand il s'agit de partir pour la Louisiane relayer les troupes de Bonaparte pour pacifier le territoire..., il est bien heureux de tirer le ticket qui lui permet d'être exempté. Sauf que ce ticket, c'est De Mauge, le noble du coin, qui le rachète aux parents d'Alban, pour éviter à son fils Louis les dangers du nouveau monde.
Alban part donc en Louisiane, mais à peine arrivé, il descend un américain et sa tête est mise à prix. Il est pris en charge par un trappeur canadien, qui l'escorte à travers les territoires indiens.
Pendant ce temps, Louis De Mauge, qui a promis à Angèle de lui ramener son frère, marche sur les pas d'Alban...
L'histoire suit nos deux jeunes hommes aux prises avec un espace étranger, sauvage, qu'ils ne maîtrisent ni l'un ni l'autre. Leurs routes vont dès lors se suivre, se croiser, entre peuplades indiennes, paysages sauvages et comptoirs commerciaux au bord du Mississippi, tissant un parcours haletant et désespéré.
Si Canoë Bay connaissait quelques baisses de régime dues peut-être à la multiplicité des personnages, le récit de Frenchman est resserré sur nos deux jeunes hommes, et ne connaît pas de vide. Les péripéties s'enchaînent dans une tension dramatique bien calculée, et l'album tient son lecteur jusqu'à un final très étonnant, et ouvert.
Le graphisme, les couleurs à l'aquarelle, très lisses, très naturelles, fonctionnent bien, même si l'aquarelle a tendance à adoucir certains moments de tension. Leur rendu pour les paysages est remarquable, certaines cases étant un vrai délice pour les yeux.
Frenchman est en tout cas un très bon western, convoquant toute une mythologie de façon très révérencieuse; si, dans Frenchman, il fait moins chaud que dans L'Homme de la Plaine, on n'est pas loin par moment de Jeremiah Johnson.
Prugne nous tient à une distance respectueuse des indiens, celle de son personnage, créant ainsi une aura mystérieuse, et un vrai désir d'en savoir plus sur eux. La reconstitution historique a l'air particulièrement fouillée, sans être trop lourde (j'ai eu un peu peur du texte présent en ouverture de l'album, qui semblait vouloir appuyer sur ce point, mais ça n'a pas été le cas).
PS. Très belle édition, avec une trentaine de pages de croquis adjointes à la fin de l'album, pour prolonger le plaisir intelligemment (mais c'était déjà le cas pour Canoë Bay).