La terre des fils, de Gipi (Futuropolis)

On ne sait rien de ce pays dévasté, hanté par quelques survivants presque animaux, sinon qu’il y a des usines abandonnées et des terres ravagées, des étendues d’eau où surnagent des cadavres de toutes espèces. On ne sait rien, sinon que les champignons y poussent encore et que les cochons s’y épanouissent dans la boue mieux que les hommes. C’est là la terre des fils. Un père et ses fils survivent. Mutique et brusque, il leur apprend à être invincibles en bannissant toute tendresse. Le soir venu, il griffonne un carnet que les enfants illétrés, ne peuvent pas déchiffrer. A sa mort, les jeunes garçons n’ont d’autre but que de trouver quelqu’un qui puisse leur lire les lignes mystérieuses. Confrontés à un monde ravagé où la violence est devenue le seul langage, les adolescents font l’expérience d’une nouvelle perception du monde. Sans nostalgie du monde d’avant, ils portent en eux pourtant l’amour et le respect de l’autre. Chaque rencontre est dangereuse, autant avec les jumeaux Grosse tête qu’avec les Fidèles, adeptes fous furieux du dieu Trokool qui croupissent et sévissent dans un monde néfaste et noir. Mais une caresse a le pouvoir de changer le cours de leur histoire. (notice éditeur)

Gipi n'a pas son pareil pour traduire une atmosphère. Celle-là est étouffante, désespérante. Comment élever des enfants dans l'idée de leur inculquer le désamour ? Délaissant cette fois l'aquarelle pour un trait dur qui rappelle parfois de Crécy, Gipi entraîne le lecteur dans un rythme apocalyptiquement effréné ! (Fred)

Je partage plutôt l'avis de Fred que la notice de l'éditeur,les adolescents ne font pas l’expérience d’une nouvelle perception du monde car ils ne semblent tout simplement pas en avoir connu d'autre et leur père tient bien à leur cacher à travers son carnet.

Je ressors chahuté de cette lecture où Gipi nous livre une fois de plus une ambiance noire et brutale, une vision déshumanisée du monde d'après où résiste un père et ses fils, la sorcière et un homme des marais. La menace rôde le long du fleuve, au fond de l'eau, par delà les marécages et les collines mais aussi dans les rapports père fils, la mémoire et la fragilité des relations humaines.

On retrouve ici les thèmes de prédilection de l'auteur qui pourtant parvient à se réinventer en nous livrant un message d'espoir désabusé mais riche de réflexions sur ce monde qui part en vrille. Le retour à un trait plus brut, un crayonné qui touche parfois au sublime illustre parfaitement la noirceur et le chaos. Un très grand livre.

Dessin magnifique, prenant et oppressant, et un récit (post-apocalyptique?) d'une grande richesse.
(et un avantage certain pour l'auteur de ne pas à avoir sous le coude son Bescherelle pour les dialogues )


D'une grande noirceur tout en adoptant une vision d'espoir et de reconstruction possible dans un monde partiellement dévasté et déshumanisé, ce livre tient en haleine de bout en bout.

Le dieu Trokool et ses fidèles, les like et autres giga, quelques éléments qui peuvent renvoyer à l'univers de Bitume (le jeu de rôle de Croc) ou à Mad Max dont il est inspiré (des tribus isolées qui essayent de survivre en se rattachant aux seuls éléments résiduels et fantasmés d'un passé oublié. Dans Bitume par exemple, les Fermiers vénèrent les dieux Begh-on vert et Begh-on jaune alors que les Justiciers sanctifient les dieux Pasqua, Tintin ou Starsky et Hutch).

Moins délirante, la BD est aussi plus subtile, explorant avec finesse les différentes couches de la nature humaine quand l'Homme semble avoir tout perdu et essaye de se reconstruire, pour le meilleur et pour le pire.

Une belle réussite!

de Gaga

Fred ?

Album assez époustouflant, et effectivement très différent de son precedent. Je suis généralement sensible et attentif à l'argument qui consiste à dire que gipi n'a pas besoin d'être sélectionné. Mais pourquoi on a gardé son livre précédent alors ? Si cet argument est valable pour cet album, il l'était aussi.