Homicide de Philippe Squarzoni d'après le livre de David Simon

Baltimore, 1988, immersion au sein de la brigade criminelle. Meurtres sans témoins ni indices, règlements de comptes entre dealers, adolescent jouant avec des armes à feu, suicide. Voilà le quotidien de ces hommes et femmes travaillant jour et nuit pour élucider ces enquêtes.

Philippe Squarzoni, auteur entre autre de Torture blanche, DOL et Saison brune adapte ici Homicide, A Year on the Killing Streets (Baltimore aux éditions SONATINE) de David Simon, journaliste au Baltimore Sun qui a passé un an immergé au cœur de la brigade criminelle de Baltimore à suivre plusieurs de ses inspecteurs.
David Simon est connu du grand public pour avoir créé la série The Wire et Treme.




Philippe Squarzoni retranscrit le quotidien de ces inspecteurs sans artifices et sans mise en scène avec un style extrêmement réaliste.

Dans la vraie vie, il n’y a pas de bagarres à coups de poing, ni de fusillades. Dans la vraie vie, il n’y a pas non plus de courses-poursuites en voiture, toutes sirènes hurlantes, à travers les rues de la ville.

Ici les inspecteurs enquêtent, recherchent non sans mal des témoins trop peureux pour divulguer quelques infos, rassemblent des pièces à conviction pour monter des dossiers.
Pour créer le temps qui passe et la monotonie de ce quotidien, Squarzoni utilise un répétition de cases, comme un plan fixe, ou juste les protagonistes bougent et où le soleil disparaît pour laisser place à la nuit.
Les visages en gros plan soulignent un certain anéantissement face aux actes auxquels, obstinés, ils n’arrivent pas toujours à résoudre.  



Tout comme la série The Wire, Homicide est une plongée dans la ville de Baltimore et surtout une étude sur une société en dérive face à elle même.

À Baltimore, il y a une règle. Toute affaire qui ressemble à une tempête de merde… qui à le goût ou l’odeur d’une tempête  de merde… va directement aux homicides.

Il y a un gros potentiel dans cet album, en germe. Son rythme est très maîtrisé, et la profusion de personnages appelle une lecture feuilleton... Ça risque d'être une série assez imposante, si chaque mois est couvert par un album de cette taille ! C'est en tout cas un projet ambitieux, casse-gueule mais prometteur au vu de ce premier tome.
Belle mise en page, dynamique et rigoureuse.
Reste la question du rapport au roman... Qui l'a lu ?

Je serai curieuse en effet de le lire pour voir dans quelle mesure il se l'est réapproprié, quel travail de recomposition il a opéré...
dynamique par contre, je dirai plutôt statique, figé et austère, ce qui rend bien compte de l'atmosphère pesante dans laquelle évoluent les personnages .

J'espère lire le roman ce we - en tout cas il attend sur la table de nuit
La première lecture d'Homicides laissé une impression forte : quel plaisir de ne pas se vautrer dans le glauque tout en navigant dans les eaux sombres de la violence humaine. Il y a une distance salvatrice dans le dessin et dans le traitement des personnages qui nous évite de plonger dans une bd à la sauce "séries policières américaines ". Je vais relire la bd ce soir pour mieux détailler ce qui me semble bien réussi.

Des personnages très charismatiques et une vision du travail de ces enquêteurs tout à fait passionnante, dans le rapport au crime, à leur impuissance, aux exigences hiérarchiques et politiques. On est dans l’anecdotique, le quotidien, sans spectaculaire ni fanfaronnade.

Il est question aussi de l'évolution que pourra prendre la résolution de ces crimes, non plus de façon isolée (et comptable) mais travaillant sur les réseaux, les interactions et le long (très long) terme.

Le style graphique, froid et rigoureux épouse parfaitement le propos.

Contrairement à Claudine, j'ai vraiment eu du mal à me détacher du format séries TV américaines en tant que tel et de ce qu'on nous propose depuis plusieurs années le lundi ou le jeudi soir sur Canal+ . Séquences, chapitres, modèle narratif, tout est bien souvent convenue, alternant action et scène de discussion où des enjeux politiques, financiers, criminels sont évoqués. Si cette BD vient s'inscrire dans cette mouvance alors c'est réussi, pour ma part j'attendais un angle un peu plus audacieux et différent.

Vous ai-je dit que le livre de David Simon fait 937 pages ? Autant vous prévenir que je n'aurai pas tout lu ce we. Mais la partie qui concerne notre album couvre les 150 premières pages, ouf !

Le texte de la bd reprend très fidèlement le livre, dans les dialogues comme dans les descriptions. Peu de choses ont été enlevées - et c'en est surprenant car le livre est un pavé et la Bd donne quand même une impression épurée : c'est donc une vraie réussite dans l'adaptation (ouh ! le mot dangereux... à quand le début des polémiques ?)

En fin de livre, on trouve une note de l'auteur, qui explique la genèse du roman.
"Ce livre est un travail de journalisme. Les noms des inspecteurs, des accusés, des victimes, des procureurs, des agents de police, des médecins légistes et de tous ceux qui sont spécifiés dans ce texte sont, en fait, leurs vrais noms. les évènements décrits dans ce livre s se sont  déroulés tels qu'ils sont décrits."

" La plupart des dialogues dans ce récit - peut-être 90 % - proviennent de scènes et de conversations auxquelles j'ai personnellement assisté. Dans quelques cas, cependant, des évènements importants se sont produits à des heures où je ne travaillais pas ou pendant que j'étais en train d'observer les activités d'autres inspecteurs. Dans ces cas-là, j'ai pris bien soin de ne pas utiliser de citations directes sur de longs passages, et j'ai essayé de n'utiliser que les citations dont les inspecteurs se souvenaient précisément. et lorsque les pensées d'un personnage sont rapportées, il ne s'agit pas de simples présomptions : à chaque occurrence, les actions qui se sont ensuivies ont rendu ces pensées apparentes, ou j'ai discuté après coup avec al personne concernée. Et en revoyant le texte avec les inspecteurs, j'ai tâché de m'assurer que leurs pensées avaient été retranscrites avec la plus grande fidélité possible."

De même, Squarzoni retranscrit le livre de Simon avec la plus grande fidélité possible, par les choix graphiques qu'il a fait. Par le traitement des couleurs,  par ces fonds sans profondeurs, comme des rideaux opaques laissant deviner la violence et la peur qui ronge la ville. Par les regards de ses personnages, froids, blasés, persévérants malgré tout. J'ai beaucoup apprécié les doubles pages, ville sombre en fond, vignettes sur les bords.

Je ne fais que tomber par inadvertance sur les dites séries policières américaines - et, à chaque fois, j'en garde l'impression que les réalisateurs prennent beaucoup de plaisir à nous vautrer dans des détails morbides, sanglants et émotionnellement déchirants. Il en est de même pour pas mal de romans policiers. Ici, on est dans un côté plus intérieur, administratif mais aussi humainement, avec beaucoup de froideur et de distance. Le roman est un documentaire. Et il me semble que cette BD aussi.

Un deuxième livre de David Simon sorti au éditions J'ai lu en 2012.
Toujours dans les rues de Baltimore, la drogue, les gangs...

Lecture peu intéressante à mon goût même si je comprend bien les intentions des auteurs. Le roman doit être déjà bien assommant, je n'ai trouvé aucun intérêt à cette adaptation en BD.

première impression rebutante, et donc procrastination pour la lecture ( c'est mal, je sais) . Mais contrairement à ce que je supposais, j'ai plongé dans le récit avec un grand intérêt ; j'ai particulièrement apprécié la description des rapports entre collègues , du poids de la hiérarchie, de la lassitude devant le crime qui jamais ne cesse. La distance toute professionnelle et l'apparente froideur vis à vis des victimes permet de concentrer sa lecture sans pollution émotionnelle. Juste ce qu'il faut. Un très bon dosage.

J'ai eu du mal avec le côté graphique : n'accrochant pas avec le dessin, je feuilletais le livre sans que rien ne m'accroche. Il a fallu que je commence la lecture pour ne plus réussir à le lâcher. Du coup, je me demande est-ce que j'aime c'est le travail de Squarzoni, ou le livre de Simon derrière.

Peu importe, j'ai adoré. Grand amateur de la série The Wire, c'est un plaisir de replonger dans les rues de Baltimore, retrouver ces policiers qui conjuguent dévouement professionnalisme et un immense cynisme. C'est toujours une claque que de s'immerger dans les bas-fonds de notre monde occidental, dans ces lieux désespérés et désespérant. Vivement la suite !

Très belle mise en page et dessin magnifique pour un récit qui m'a moins emballé de par son aspect documentaire ; j'ai ressenti une explication : "voyez comment vivent les policiers de Baltimore" trop lourde. J'avais pourtant un à priori très positif.

L'humeur vagabonde avec Philippe Squarzoni sur France inter :

https://www.franceinter.fr/emissions/l-humeur-vagabonde/l-humeur-vagabonde-16-avril-2017