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| Watertown, de Götting | |
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feufollet Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 633 Age : 46 Localisation : brioude Date d'inscription : 31/01/2015
| Sujet: Watertown, de Götting Mer 24 Fév 2016 - 11:35 | |
| Philip Whiting mène la vie tranquille et monotone d’un modeste agent d’assurance dans la petite ville de Watertown. Une petite vie grise de célibataire aux habitudes et horaires bien réglés. Ainsi tous les matins, en allant au travail, il s’arrête dans la pâtisserie de M. Clarke pour acheter un muffin à la serveuse Maggie. Mais un matin, celle-ci disparait au moment où l’on découvre M.Clarke mort, accidentellement de toute évidence. Ce petit fait divers se plante dans l’imagination jusque-là stérile de Philip, comme une graine qui fait surface deux ans plus tard, quand Whiting retrouve Maggie, dans une autre ville et sous un autre nom. Pourquoi feint-elle d’être une autre personne ? Ce mensonge éveille la curiosité de Philip qui part à la recherche de la vérité. Commence alors une enquête digne d’un roman policier des années 50, avec son lot d’archétypes (le journaliste un peu trop porté sur la boisson, le shérif méprisant et brutal, la vieille dame craintive, la petite fille disparue dans d’étranges circonstances…) et de décors et costumes emblématiques de l’Amérique de cette époque. Le travail graphique de Götting accompagne parfaitement cet exercice de style, avec des grands traits noirs au pinceau et des gouaches à dominante bleue, grise et jaune. Les dialogues se font rares, l’auteur préférant nous faire pénétrer dans l’esprit de son personnage, découvrant avec lui les différentes révélations, coïncidences et menaces de l’enquête. Tout ce livre est finement ciselé jusqu’à cette fin qui se veut inattendue, et que certains trouveront peut-être trop prévisible. Au-delà des qualités indéniables de scénario et de dessins de cet album, on peut y trouver aussi une réflexion sur la création d’un récit : comment une simple phrase ou une légende sous une photo peuvent mettre en branle l’imagination et nourrir la narration ? Philip, desséché dans sa vie monotone, reprend forme et intensité au fur et à mesure qu’il note et raconte l’avancée de son enquête. Sa quête de vérité se nourrit de son imagination – et vice-versa. On a l’impression de voir à travers lui la figure de tout auteur en recherche d’une bonne histoire. | |
| | | eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: Watertown, de Götting Mer 24 Fév 2016 - 17:52 | |
| Une case. Mais une case programmatique. C’est ce qui frappe d’emblée à la lecture de Watertown, nouvel album de Götting. Une case dans laquelle le décor annonce à lui seul tous les enjeux de la lecture à venir. De beaux dessins, qui ravissent l’oeil, mais surtout ici, le trompent, ne disent pas assez haut, ou trop par la suite, leur véritable enjeu. Dans la première case de l’album, on serait presque agacé du décor envahissant, “we didn’t invent Muffin, we reinvented it” clame la devanture. Or, on retrouvera ce slogan, plus loin, encore plus envahissant. Mais dès la première case, il met sur les rails ce que nous sommes en train de lire. Un polar, rien de bien neuf, mais on réinvente, on se place dans les pas. C’est le genre de petit clin d’oeil qui peut faire plaisir, ou agacer le lecteur. Surtout qu’il rejoint aussi le côté illustration de belle facture, qui se clame elle-même hors temps et hors mode. Sauf que cette histoire de belle blonde duelle, même si elle est très ’polar’, n’est qu’une vitrine, qui cache le vrai enjeu, pourtant annoncé clairement. Partir des données existantes, et broder à partir de là une ré-invention du réel : c’est ce que fait le personnage de l’album, un Scottie en mode mineur, qui, comme son drôle de suspect réinventait le muffin, réinvente l’intrigue. Quand à ce point le détail couvre l’ensemble, on se dit qu’on est devant un bien beau récit, dans lequel la déception vient du fait que la Judy de Vertigo ne serait au final que Judy… Mais on était prévenu | |
| | | Can Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 2738 Age : 46 Localisation : Golden city Date d'inscription : 16/11/2007
| Sujet: Re: Watertown, de Götting Mer 24 Fév 2016 - 20:40 | |
| "Demain, je ne serai plus là", l'accroche de départ qui va amener Philip Whiting a initié sa propre enquête m'a immédiatement happé, le ton est donné, direct, incisif. Se superpose à cette écriture et ce style efficace, un dessin atmosphérique qui va donner une vraie ambiance de polar au récit. On suit ainsi le cheminement de cette homme à la vie sans saveur qui va trouver une forme d'excitation dans l'histoire qu'il va alors tenter de démêler. Tout l'intérêt de ce livre se déplace alors vers la psychologie et la solitude de cet homme en quête d'un but un peu vain. Intensité, rythme, suspense, tout est réuni pour tenir le lecteur en haleine, malheureusement la dernière scène fait retomber le soufflé et j'ai trouvé la conclusion anecdotique. Un brin dommage certes, mais le plus important n'est il pas le cheminement plutôt que la destination ? En tous cas, une belle écriture et un magnifique dessin qui sauront ravir les amateurs du genre tout comme un public plus élargi. Ce livre reste réussi, il aurait pu être merveilleux. | |
| | | eraserhead Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 3329 Age : 50 Localisation : Dans mon Auvergne jolie parmi les bois les monts Date d'inscription : 15/01/2010
| Sujet: Re: Watertown, de Götting Jeu 25 Fév 2016 - 0:07 | |
| Justement, je pense que cette fin fait partie aussi de la construction globale, du personnage notamment : tout ça pour ça, on en saisit d'autant mieux le vide dans lequel il est et dans lequel il brode. La fin aurait été merveilleuse ou excitante, on aurait changé de sujet, de propos. | |
| | | Manue Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 610 Age : 48 Localisation : sous le soleil exactement Date d'inscription : 09/04/2014
| Sujet: Re: Watertown, de Götting Jeu 25 Fév 2016 - 7:37 | |
| En effet le lecteur est pris au piège des ses propres fantasmes à l'image de Whiting, la fin m'a d'abord surprise et déçue puis m'a fait comprendre que tout ce séduisant cadre n'était que prétexte à construire avec et autour de rien, c'est franchement réussi. | |
| | | gagadinorux Comité de sélection du Sheriff d'or
Nombre de messages : 858 Age : 49 Localisation : Cartons-ville Date d'inscription : 06/01/2013
| Sujet: Re: Watertown, de Götting Mer 2 Mar 2016 - 10:00 | |
| Entièrement d'accord pour cette fin (eraserhead, manue).
Je la trouve plutôt maligne, et surtout partie intégrante du propos.
L'auteur nous prend à contre-pied, tout semble retomber d'un coup, sans coup d'éclat ou révélations fulgurantes, laissant le lecteur, tout comme notre héros, revenir à la triste réalité, banale, insignifiante.
Une astuce qui au delà de l'intérêt scenaristique pose une approche originale sur la narration du livre de genre.
L'histoire de cet employé modeste qui trouve soudainement un intérêt à sa vie - une justification - en s'accrochant à un fait divers, en jouant les détectives et en fantasmant un récit digne d'un polar de l'époque est touchante. L'enquête prend alors un ton singulier.
Une enquête, mais aussi une tranche de vie d'un homme ordinaire, et un regard mélancolique et désabusé sur la vie. | |
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| Sujet: Re: Watertown, de Götting | |
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| | | | Watertown, de Götting | |
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