1965, à New-York, les grandes marionnettes basques s'apprètent à défiler dans Manhattan. Leurs deux marionnettes noires sont cependant interdites. Défiler quand même? Boycotter? Plus radical que ses camarades, Manex s'oppose aux autres porteurs en prônant le boycott.
Après la dispute qui s'ensuit, il décide de refaire sa vie aux USA. Accueilli par la communauté noire, il assiste aux luttes pour les droits civiques, croise la route de la factory, les grandes fêtes musicales des sixties (où l'on recroise les Stones) et se met au service du Che. Son périple l'amène à jouer les espions entre la révolution cubaine et les black panther, et à traverser ainsi tous les points chauds des révoltes anti-impérialistes et indépendantistes de la planète.
Attention, pointures ! Fermin Muguruza, aux manettes sur cet album, a recruté Harkaitz Cano, poète et écrivain basque pour rédiger cette histoire foisonnante et colorée, entre trip 60s et espionnage, sur fond de questionnement lié à l'identité basque. Quel a été le partage des tâches? Il semble que Muguruza ait fait en tout cas le gros du travail, défrichant le sujet, qu'il a imaginé à partir d'une photographie présentant ces porteurs de marionnettes basques à Manhattan.
C'est que le sujet ne pouvait qu'attirer Muguruza, par l'univers politico musical qui s'en dégageait, mais aussi par la possibilité de montrer l'universalité de la culture basque, en tout cas une culture ouverte au monde, à l'identité très marquée, forte, et radicale, mais qui ne reste pas chez elle, qui s'exporte. C'est le terreau de la musique de Fermin Muguruza, depuis Kortatu ou Negu Gorriak (ses deux premiers groupes) à ses escapades solo très influencées par les musiques du monde.
Pour illustrer cette fresque volumineuse, Muguruza a trouvé dans le dessin de Dr. Alderete, artiste sud américain qui travaille beaucoup en lien avec le milieu de la musique (pochettes de disques, créateur d'un label de rock), une force brute. Les couleurs franches (l'album est conçu en différents chapitres en bichromies différentes) rajoutent à la vivacité de l'histoire et au côté brut de décoffrage des personnages. L'illustrateur mexicain partage en plus avec Muguruza un goût pour une certaine culture underground et pour le punk-rock latino.
Certes, le récit, dense, chargé, de bonnes intentions, d'envies sincères, souffre d'une mise en page parfois peu lisible, usant parfois de racourcis maladroits, mais le tout respire la liberté et la joie de vivre et de lutter et ajoute un nouveau noeud aux rapports entre rock et bande dessinée.
Un très beau livre édité en français par Bang! ediciones de Barcelone, chez qui on avait déjà lu le très chouette Barbosa le Pirate.
http://bangediciones.com/?lang=esle site de Fermin Muguruza, avec la page consacrée à l'album :
http://www.muguruzafm.com/black/index.htm