Ulysse, les chants du retour d'Harambat

Ceci est une ouverture de sujet.
Je laisse le soin et le temps à Tue-Loup de rédiger la chronique sur laquelle il travaille.
Ce livre tentaculaire est extrêmement brillant, malicieux, pédagogique et poétique. Nul besoin d'être un spécialiste de L'Iliade et L'Odyssée pour l'apprécier à sa juste valeur. Il se sert du mythe comme parabole philosophique autour du thème du retour. À ce propos, j'ai particulièrement apprécié les pages avec Jean-Paul Kaufmann…
Je me permets aussi de citer la fin, qui exprime parfaitement ce que je ressens de l'acharnement archéologique :
Il est impossible de faire coïncider parfaitement une épopée avec la réalité historique et géographique.
Quelle illusion de vouloir recréer tout cela, de vouloir réduire la poésie à la réalité… Elle transforme, déforme pour nous faire voir une vérité et une beauté supérieure. Quelle chimère… Vous savez quel est le vrai lieu d'Ulysse, où est sa vraie place ? Dans une bibliothèque !

Je me souvient, c'est là:

http://www.franceinter.fr/emission-lheure-des-reveurs-lodyssee-dhomere

http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-le-lien-qui-nous-rattache-aux-autres-7-le-retour-dulysse

Est-ce que s'appuyer sur le dessin, nous amène une dimension supplémentaire pour nous éclairer?

Merci Igor pour ces pistes que j'espère avoir le temps d'explorer avant notre prochaine réunion ...
Encore une trés belle lecture pour ce mois-ci, ça va être compliqué de trancher...
Bon courage Tue-Loup pour la chronique car c'est du lourd

Il y a comme un parallèle avec Retour au Kosovo : reconnaitre, être reconnu, se (re)trouver...
Entre les deux, mon coeur balance ...

Lecture riche et dense qui a comblé mes insomnies sur laquelle j'aurai plaisir à revenir... si j'en ai le temps....

Je rejoins le rang des conquis, malgré l’épaisseur, ce livre s'avale en toute décontraction et ce n'est pas les rares longueurs qui viennent remettre en cause mon avis, extrêmement positif. Harambat m'avait ennuyé en causant rugby, sujet qui pourtant me passionne, il me passionne ici sur la mythologie, l'Iliade et l'odyssée qui ne font pourtant pas partie de mes livres de chevet.
Simplicité, fluidité et authenticité sont les mots qui me viennent à l'esprit, où comment raccrocher la légende d'Ulysse avec les questions fondamentales qui hantent notre quotidien, brillant.
Je comprends donc sa sélection dans le top 5 du Grand Prix de la critique (comme Cœur Glacé d'ailleurs ), en espérant le voir succéder à Mauvais genre, L'enfance d'Alan ou Polina, excusez du peu...

http://www.bdgest.com/news-958-BD-ACBD-Grand-prix-de-la-critique-2014.html

Marrant comment la mythologie revient à la mode ces derniers temps ! Je vous rejoins sur la finesse et l'érudition qui ressortent de ces pages, même si une économie aurait pu être faite sur certains passages contemporains dont je n'ai pas vraiment compris l'utilité ( je n'ai plus d'exemple précis en tête ( je sais, c'est très mal ), mais juste le souvenir que quelques pages ont nui à la fluidité de la lecture ).

toutefois pour l instant dans ma balance il ne pèse pas assez lourd face à retour au Kosovo...

Conquis également. Harambat avait déjà prouvé son talent à raconter le passé avec Les Invisibles. Son interprétation du mythe d'Ulysse est à la fois originale et classique. Son dessin est toujours aussi vif et efficace.
Je ne comprends en revanche pas vraiment l'intérêt des pages contemporaines, à quelques exceptions comme par exemple la citation que nous a proposée Fred dans son ouverture de sujet ou le questionnement sur le sort d'Athéna. Je comprends l'intention mais je ne trouve que cela fonctionne tout à fait dans le cas présent.

pour moi, les pages 'contemporaines' sont la raison d'être du livre. elles mettent en perspective la portée du mythe, soit par les explications 'universitaires', soit par les lieux représentés...

Sinon, nous aurions une nouvelle adaptation de l'odyssée, centrée sur un épisode moins rebattu, certes, mais voilà tout : bien racontée, mais s'appuyant sur une traduction classique, avec une belle mise en image.
Je trouve que les intermèdes scandent intelligemment le récit en nouveaux chants, proposant ainsi un découpage nouveau, dilatant le mythe.

Eraserhead m'enlève les mots de la bouche, des mots que je n'aurais de toute façon pas mieux trouvés : recul, mise en perspective, relief... Tout l'intérêt du livre repose sur le prétexte de L'Odyssée comme illustration suprême du thème du retour, réalité qui colle à la condition humaine.

Complètement d’accord ! Ces incursions nous éclairent, sont de subtils ponts entre une œuvre impressionnante, et nous modestes (ou pas) lecteurs. Que nous aurait apporté l’auteur s’il s’était cantonné à l’illustrer ? Il va bien au delà en posant la question de sa lecture, de sa réception et de sa transmission, ainsi il s’inclut et nous inclut en elle …c’est une bien belle invitation, humble et clairvoyante…

...et à la portée de tous…

-"Salut Manu, ça fait un bail qu'on t'a pas vu, même plus le temps de boire une bière avec tes potes ?"
-"En ce moment c'est un peu compliqué avec le boulot, la maison, les enfants, pas trop de temps pour moi et j'ai un truc à finir en urgence..."
-"Quoi de plus urgent que les copains ... c'est encore ton truc de BD... tu disais que c'était super cool !"
-"Bien sur que c'est super, mais je me suis engager à faire une chronique et je voudrai pas passer pour un charlot ... mais plus le temps passe et moins j'y arrive, alors plus je me mets la pression et je me retrouve comme pétrifié devant ma page blanche..."
-"T'es victime du syndrome de l'ECRIVAIN ! ... mais c'est quoi le problème, il ne te plait pas le bouquin ?"
-"Mais si bien au contraire, il est magnifique le livre... c'est celui sur la table basse, jettes un oeil "




-"P't'n t'as vu la bibliographie !! faut avoir fait les grandes écoles pour ta BD ..."
-"Mais non, pas du tout, elle se lit super bien, ça coule comme du miel, pas besoin d'être un spécialiste, c'est de la Bd de 7 à 77 ans comme Tintin !"
-"M'nfin, ULYSSE tout le monde connait l'histoire, c'est pas très original ton truc"

-"C'est justement la ou Harambat est fort habile. Il concentre son récit sur la fin du voyage d'ULYSSE, le livre commence quand il accoste à Ithaque. Sa narration tout en restant fidèle aux chants de l'Odyssée se trouve "bousculé" par des interventions, des interprétations contemporaines qui donnent toute la force au livre de Harambat ... tu iras voir sur le Forum, Jérome et fred en parle très bien... ils l'expliquent bien mieux que moi ... C'est aussi ça qui me "bloque", les copains du Jury ont commencé à donner leur sentiment sur le bouquin, j'ai l'impression que ma Chronique ne servira pas à grand chose maintenant ..."

-"Si tout a été dit, laisse tomber, c'est pas grave ..."

-"T'as raison ... Pourtant, ULYSSE est un livre Fleuve, un fleuve plein de méandres et d'affluents...j'aurai aimé arriver à parler de certains. Trouver les mots pour souligner qu'Harambat rends constamment hommage au plaisir de la transmission. L'Illiade & L'Odyssée sont des chants de transmission. On retrouve dans la BD le plaisir de conter, de raconter, de lire, d'écouter (les beaux chapitres entre Jean Pierre Vernant et son petit-fils) et comme un retour à l'origine d'une passion, le très beau chapitre EN HAUT DE L'ESCALIER ou le petit jean retrouve "son trésor "dans la bibliothèque parentale. Cette émerveillement du jeune Harambat, je pense que beaucoup l'ont ressenti à la lecture de ces extraordinaires aventures surligner par des dessins qui provoquent l'imaginaire ... c'est certainement un acte fondateur pour l'auteur.
j'aurai aimé parler de l'hommage d'Harambat rends à Jean Pierre VERNANT, immense Helléniste, dans son analyse de l'Odyssée mais surtout dans son approche psychologique des personnages, les pages sur sa dernière conférence sont splendides et donnent une force incroyable aux retrouvailles entre Ulysse et Pénélope. Il termine sur des mots forts : LE TEMPS EST RETROUVE ...

Le temps est retrouvé super chapitre, un peu comme l'apothéose du voyage d'Ulysse, la fin du "suspense" ... la reconquête de Pénélope , le reconstruction d'un homme, dernière épreuve pour Ulysse (symbole du temps qui passe et son impact sur l'amour) la plus dure ... la plus HUMAINE.
J'aurai aimé dire qu'on retrouve tout ça dans la bouleversante planche ou Pénélope tombe dans les bras d'Ulysse : "ses bras blancs ne pouvaient plus se détacher de son cou"
J'aurai aimé souligner la constante fluidité du dessin. Jean Harambat n'est pas un virtuose du crayon, mais son trait sous des apparences simples participe grandement à la cohérence du livre. Son dessin rappel constamment les décors, les personnages et les couleurs des poteries grecques.
Une autre planche emblématique (qui amplifie la narration) quand Ulysse déclare son identité à Télémaque: sans gaufrier, en ombre chinoise ... magnifique !
J'aurai aimé dire encore une dernière petite chose, le livre parle aussi beaucoup de la solitude des hommes ... de très nombreuses vignettes subliment le sentiment de solitude chez Ulysse tout le long du livre ...





-"Manu, je crois que tu l'as ta chronique !  ... on va la boire cette bière ! "

j'ignore si la bière était bonne mais en tous cas, ta chronique est excellente ! Elle donne une furieuse envie de le relire !

je regrette bien de ne pas pouvoir être des vôtres jeudi, départ vers la belle-famillle oblige... le débat s'annonce passionnant !

Je vois bien le relief qu'apportent les planches contemporaines dans le récit mais certaines trouvent leurs places et d'autres beaucoup moins.
Certains choix de Jean me semble hasardeux, certains passages entre Vernant et son petit-fils, bien que je comprenne qu'on puisse les trouver émouvants et symboliques de la transmission un peu facile. Sans oublier que parfois même, ils se contentent de nous raconter ce qu'on a vu ou ce que l'on va voir (la cache des armes et la rencontre entre Ulysse et Pénélope par exemple).
Le Vin grec m'apparait très vain. D'autres en revanche comme le bibliothécaire ou Lawrence d'Arabie apportent une belle dynamique au récit.
Les interventions contemporaines sont sans doute l'âme du récit mais j'ai l'impression qu'elles ne sont pas aussi abouties que le reste du récit.

Je rejoins totalement Tue-Loup sur le rapport à la solitude qui mérite qu'on s'y attarde mais pas seulement : le retour (évoqué par Fred), la perte également sont présents et égrainés par Harambat avec beaucoup moins d'évidence.

Merci, Tue-Loup ! Et les autres aussi...


Je me souviendrai longtemps, toujours peut être, de cette après midi de l'automne 2008 où Jean Harambat est venu nous faire partager son premier livre à la librairie. Sa lecture m'avait emballé et rencontrer son auteur fut un plaisir intense. Depuis, je suis, fébrile, chaque nouvelle parution de ce dessinateur magnifique. Hélas, la magie n'était plus au rendez-vous et ses productions, tout à fait honorables, n'ont plus éveillé en moi la même passion. Il faut dire que j'en attendais beaucoup, trop sûrement, compte tenu de tout le potentiel que j'avais vu dans ce premier volume.
Alors, quand on m'a dit qu'il avait "adapté" un Ulysse, je n'y ai pas vraiment prêté attention. Le sujet ne m'emballe guère et partir d'un texte aussi connu et maintes fois trituré me semble bien risqué.
Puis, on me dit que c'est bien. Mais encore, qu'il faut le lire. Et en plus, il serait dans notre sélection. Alors je pense que l'auteur est revenu, "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage".
Peut être, faut-il a chacun faire son voyage pour arriver à mieux. En effet, ce livre est une belle réussite, le but final d'une quête qui a du être longue et épuisante mais surtout très enrichissante, remplie d'épreuve et frôlant le naufrage. En tout cas, j'aime à l'imaginer ainsi. Car, comment avec toutes ces lectures, ces conférences, ces images, ces connaissances accumulées, tout ce temps passé sur le sujet, arriver à faire une synthèse qui ait du sens, ne garder que le nécessaire à l'exposition du mythe tout en restant si agréable à lire, en n'oubliant rien d'indispensable, en en donnant toutes les clés au novice sans agacer le connaisseur. L'équation semble insoluble. Et pourtant.
Pour cela, Jean Harambat fait preuve d'une intelligence rare dans les moments choisis et, notamment, en se limitant au retour d'Ulysse articulé autour d'intermèdes contemporains, parfois déroutant mais toujours utiles et instructifs.
De plus, il a parfaitement adapté son dessin, en le simplifiant mais en conservant toute la force. Le graphisme de chaque séquence, de chaque planche est réfléchi pour mieux coller au propos dans une adaptation permanente aux nombreuses sources utilisées.

Une fois de plus, nous voila face à un livre qui appelle de multiples lectures comme autant de redécouvertes, grâce à la densité du récit.
Et ce sera un grand bonheur de faire ce beau voyage.

Chronique passionnante Tue-loup, vraiment!!

J'avais commencé Ulysse mais n'ai pu le finir faute de temps, de fatigue et de motivation sûrement.
Je vais replonger dedans avec beaucoup plus d'envie grâce à ta chronique et au débat concernant les pages contemporaines qui m'ont gêné.

Tentaculaire et brillant. Ce sont bien les mots qui me viennent à l'esprit pour parler de ce livre. Je me suis demandé où ça allait, pas totalement convaincu, jusqu'à l'intervention de Jeann-Paul Kauffman. Et là j'ai compris combien ce récit de l’Odyssée prenait écho de façon différente et personnelle chez beaucoup de monde. Oui, Fabulous, certaines interventions sont moins pertinentes que d'autres. Mais peut-être ne sont-ce pas les mêmes pour tout les lecteurs et la diversités des interventions montrent permet à tous d'être interpellé par un de ces lecteurs de l'Odyssée, dont nous venons grossir les rangs.

Une très belle lecture avec un parti pris très réussi de l'inclusion de scènes contemporaines qui permet
une lecture originale parsemée de respirations et offre un écho à ce qui nous est raconté.

Cet aspect "explicatif", telles les notes et références en bas de page, pourrait être particulièrement désagréable et malvenu
tant il peut être parfois superfétatoire de vouloir tout expliquer, là où justement le récit devrait se suffire à lui même.

Mais ici tout fonctionne parfaitement, il y a un lien entre tous ces passages qui permet à la fois d'éclairer le lecteur sur
un texte et de lui apporter de la fraicheur et une originalité bienvenue.

Et bravo Tue-Loup!!!!

Harambat, le retour. Un petite interview éclairante de l'auteur sur le site de Bodoi : ICI.