il est plus que temps de dire quelques mots du dernier Nicolas Presl, voire un peu tard... cet album aurait fait un beau shériff mensuel !
Mais nous avions déjà eu affaire à Nicolas Presl, avec L'Hydrie, dont tout le monde se souvient ici. La nouveauté, comme l'a dit Fab, c'est que non seulement l'album traite d'une question contemporaine, alors que les précédents s'intéressaient à l'histoire, mais aussi que Presl utilise pour la première fois la couleur.
Et pour ces deux nouveautés, on peut dire que l'auteur s'en tire haut la main :
Heureux qui comme, on s'en doute, traite de voyage. De deux destins de voyageurs, qui vont se croiser. C'est alors qu'on partage ses expériences, sa connaissance du pays découvert. Or, pour nos deux personnages, il va en être tout autre, et c'est plutôt la vanité de leur existence qui est développée dans ce livre, mise en lumière par cette rencontre.
Une jeune femme souhaite découvrir l'Afrique, qu'elle évoque souvent avec son compagnon qui travaille dans un laboratoire pharmaceutique. Le garçon, très casanier, manque de curiosité, parle de loin, alors qu'elle, elle veut partir, se confronter à de nouvelles réalités. Son envie sera vite contrariée par ce voyage dans lequel elle perdra toute son innocence d'Européenne. Elle y rencontrera notamment, à bout de course, un homme d'affaire qui est amené à exploiter les populations locales. Cet homme profite de l'Afrique en abandonnant un peu sa femme et ses deux enfants dans une belle villa surprotégée.
Le récit entremêle ces deux destins de façon virtuose, incluant de nombreux flash-back. La multiplicité des couches du récit pourrait donc rendre la lecture ardue, mais Presl utilise justement la couleur pour codifier les éléments, ainsi que les cases (contours ou non), ce qui d'une part permet une compréhension assez fluide, et d'autre part donne une dimension graphique très riche aux planches. De très beau passages oniriques (un peu cauchemardesques quand même, hein, pas d'emballement, on est chez Nicolas Presl !), par exemple, utilisent une atténuation des teintes primaires : les personnages font alors face à des animaux sauvages qui viennent traduire leurs sentiments envers un pays, une population qu'ils ne comprennent pas, ou qu'ils ne cherchent pas à comprendre.
C'est encore une fois la violence des rapports humains, comme dans l'Hydrie ou Divine Colonie, la difficulté de communiquer, de se comprendre, la question du pouvoir, qui sont au cœur de cet album de Nicolas Presl. Peut-être moins direct, Heureux qui comme gagne, grâce à l'utilisation des couleurs, une subtilité que sauront apprécier ceux qui avaient été décontenancés par la sauvagerie de l'Hydrie.