Alan Ingram Cope est un parfait anonyme. Rencontrée sur une plage de l’ïle de ré, Emmanuel Guibert en fit rapidement un ami, un confident qui lui raconta bientôt sa vie, ses souvenirs tous enregistrés sur magnétophone.
Dans la guerre d’Alan, Emmanuel Guibert évoquait la vie de ce GI inconnu et plein d’humilité, avec une grande pudeur, un joli dépouillement sans pathos, s’attachant plus à aux à-côtés de la guerre, aux rencontres qui forgent un homme, qu’à l’action historique.
On découvrait alors en l’américain un formidable conteur sachant saisir les moments essentiels de l’existence.
Emmanuel Guibert livre aujourd’hui un prolongement à son travail avec l’Enfance d’Alan.
Il replonge dans les souvenirs d’enfance de son héros, et livre à travers le quotidien d’une famille modeste le portrait de l’Amérique des années trente.
Le travail de mémoire touche presque à la perfection tant le dessin magnifique servit par une mise en scène très précise (j’aime particulièrement les effets produits par ces cases vides et blanches, uniquement portées par le texte ou encore les cases où le paysage s’efface laissant apparaître seulement les silhouettes) est magnifié par ce talent étonnant à se raconter. Le souvenir est souvent parcellaire mais centré sur l’essentiel qui relève parfois du détail. On reconstruit donc cette enfance par petits récits successifs minutieusement construits, avec gravité lorsqu’il s’agit d’évoquer le décès de la mère d’Alan par exemple ou avec légèreté lorsqu’il s’agit d’un oncle, d’une tante entraperçue.
Le dessin est sublime mais est-il bien nécessaire de le préciser ?
"J’ai des souvenirs d’enchantement de mon pays avant la guerre", dit Alan en introduction du livre.
C’est mon sentiment à la fin de cette lecture tant le livre me semble proche de la perfection.