Bonne nuit Punpun! C'est une histoire normale, douce et tragique à la fois, car dans le réel, les choses ne sont jamais simples. Punpun Puniyama est en cinquième (CM1), il est solitaire et rêveur. Un soir, lorsqu'il rentre à la maison comme d'habitude, il trouve sa mère blessée par son alcoolique de père... Bien sur, quand on lui explique qu'un intrus est entré dans la maison et a attaqué sa mère, il n'y croit pas, mais ne dis rien. Que pourrait-il dire?
Dans le monde d'Inio Asano, il n'y a pas de place pour le fantastique ou l'extraordinaire. Il n'y a que la réalité avec toutes ces épreuves et la magie qui habite les hommes et leur permet encore de s’émouvoir du monde, de ressentir un peu de bonheur...
La nouvelle et première série longue d'Inio Asano, auteur célèbre de "Solanin", "Le quartier de Lumière" et de "La fin du monde avant le lever du jour", a débarqué en France cette année et va s'imposer comme l'un des titres majeur du genre.
C'est la première fois qu'Asano se lance dans une série longue (10 tomes au Japon en cours/4 tomes parus en France et le 5e prévu le 16/11). Malgré son univers strictement réaliste, orienté sur la narration d'une tranche de vie, l'auteur se distingue ici par l'originalité du traitement de son sujet ainsi que par l'aboutissement de sa forme.
Notre héros, Punpun, est représenté comme un petit poussin ou alors comme une sorte d'oiseau jaune le plus souvent de profil et dont les contours sont rapidement tracés d'un coup de crayon, un point lui sert d’œil et deux traits de patte, pas plus, pas moins! Le reste de sa famille, son père violent, malheureux et paumé, sa mère dépressive et démissionnaire, ainsi que son oncle Yuichi, écorché et rejeté, sont tous à cette image, des poussins devenus adultes... désespérés et féroces comme seuls les êtres abimés peuvent l'être.
L'itinéraire de cette famille ordinaire nous ait donc raconté en partant sur ce parti pris graphique qui contraste entre le réalisme impressionnant des environnements et la naïveté des personnages principaux. C'est ainsi qu'on va suivre l'enfance de Punpun par le biais des différentes situations de la vie courante qu'il vit et qui le voit grandir. Le but étant pour l'auteur de mener ainsi sa série sur toute la vie de son héros, d'explorer son itinéraire et l'évolution de ses personnages.
C'est ainsi qu'Asano développe la perception des sentiments de son héros par le lecteur, grâce au traitement graphique cartoonesque des personnages. Là où Tezuka révolutionnait le rythme de la narration par sa gestion des onomatopées, Asano, lui utilise les codes stylisés (yeux en spirale, goutte de sueur) pour exprimer plus facilement et plus précisément ce qu'il ressent ou plutôt ce que ressent son héros.
Si bien qu'en quelques pages seulement, on s'initie à ce code en lui-même qui confronte les situations bien réelles de la vie quotidienne avec la vision décalée et "kawai" qu'en possède le lecteur.
Mais Asano ne se contente pas ici, d'une simple histoire "tranche de vie", d'un simple constat social. Certes, il ouvre une fenêtre sur la japon contemporain, une vision sans concession pour une économie fragile et une société essoufflée, dans laquelle les individus comme les enfants peinent à trouver leur place, ou à en envisager une.
Mais il se détache vraiment de ses travaux précédents, en choisissant justement d'axer son propos sur le ressenti et les expériences de ses personnages. Aucun évènements, aucune anecdote n'est fortuite ou choisie pour dénoncer un phénomène de société; au contraire le réalisme le plus palpable de cette histoire, c'est la logique des évènements, l'enchainement naturel et ordinaire des vies qui se croisent, s'influencent les unes les autres, déteignent et marquent ainsi les différents héros. Les enfants, les amis (ou pas) de Punpun sont au centre de l'intrigue ce qui renforce encore le décalage de la narration avec le réalisme des situation. Décidément, l'univers de Punpun est aussi riche que le monde qui appartient aux rêves, ceux des plus jeunes comme des plus âgés.
Asano innove, par rapport au reste de son œuvre comme des codes classiques des mangas à vocation "sociale". Là où l'on pouvait lui reprocher une vision encore très adolescente, peut-être parfois un peu immature de ses récits, Bonne nuit, Punpun se distingue. Comme son héros, le manga a évolué, a acquis une dimension universelle qui se révèle entre la maturité de la vision sociale de l'auteur, de son humour et de cette part d'espérance qui demeure malgré toutes les embuches que croisent les héros de cette histoire.