Olympe de Gouges de Bocquet et Catel

Olympe de Gouges, de son vrai nom Marie Gouzes, est un personnage qui gagne à être connu, en tant que représentante de l'humanisme et du féminisme du XVIIIe siècle et de la période révolutionnaire. On distingue d'ailleurs, les deux périodes de sa vie, pour caractériser l'évolution de sa pensée.
C'est une biographie hommage, et même une monographie forte de ces 400 pages, qu'on ne peut pas qualifier d'exhaustive, mais qu'on reconnaitra aisément comme aboutie et étayée.
Comme pour Kiki de Montparnasse, le duo Bocquet/Catel romance la destinée de cette femme, souvent mésestimée, avec une rigueur historique d'autant plus louable qu'elle ne sombre jamais dans un ton académique. Ce faisant, ce n'est pas qu'au caractère et à l'analyse psychologique du personnage que les auteurs rendent hommage, mais aussi à cette culture si foisonnante et si contradictoire qui va caractériser et emporter dans la tourmente le XVIIIe siècle français.
Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle, pour qu'Olympe de Gouges soit étudiée consciencieusement, durant une période d'ailleurs qui porte un regard nouveau sur les droits de la Femme et sa place dans la société, si bien qu'on ne redécouvre que fort tardivement l'extraordinaire modernité et l'avant-garde des idées de cette femme, qu'on peut concentrer autour de la reconnaissance et de la légitimité de tous les individus qu'elle que soit leur nature ou le contexte de leur existence.
On retrouve donc la majorité de ces idées autour de trois thèmes fondamentaux, les droits des Noirs, et la lutte contre l'esclavagisme, les droits de la femme, et la lutte pour le divorce et contre les violences maritales, et les droits des citoyens, comme leurs devoirs et la nécessité de cultiver la conscience patriotique du peuple pour orienter la société vers des considérations plus justes.
Il faut cependant noter qu'en dehors d'une très courte période révolutionnaire, Olympe de Gouges a toujours été partisane d'une monarchie constitutionnelle, ne ralliera les Jacobins que tardivement, et réagira très violemment contre "les massacres de Septembre." Ces violentes critiques notamment à l'égard de la montée en puissance des montagnards lui vaudront de ne pouvoir survivre aux accusations anti-revolutionnaires contre elle.

Un mot de ce livre désormais, dont l'écriture je trouve se distingue sur deux qualités principales. Tout d'abord la finesse de l'analyse psychologique qui est proposé d'Olympe de Gouges. Un propos d'autant plus intéressant, que le personnage a essuyé bien des critiques infondées dues à la misogynie de ces contemporains et du XIXe siècle. Pour autant les auteurs ne tombent pas dans une vision simpliste du caractère de cette femme, tantôt dépeinte comme farouchement intelligente, mais qui pêche sans mesure par orgueil ou légèreté, ou tout du moins qui ne concède jamais à son talent les critiques de ce monde!


D'autre part, il faut souligner avec quelle qualité d'écriture, Bocquet et Catel donne de l'ambiance à la société parisienne de ces années baignée entre la subversion des Salons, des Clubs de tout genre(surtout philanthropiques et politiques) et surtout de cet usage élevé à la hauteur d'un culte du beau langage et plus encore "du bel esprit", si prisé à Versailles comme à Paris.
Le résultat nous donne des dialogues truculents et drôlissimes, plein de référence, d'humour et de pensées philosophiques et humanistes... Les anecdotes historiques se succèdent avec logique et une vraie précision historique, comme la révocation de la lettre de cachet contre sa pièce des amours de Zamore et Mirza, qu'elle devra à ses bonnes relations avec le chevalier de Cubières et ses entrées à la Cor, auprès des favoris de Louis XVI. Le tout servit par le trait efficace, plein d'énergie de Catel, dont les contrastes rendent merveilleusement hommage au caractère des personnages, tout particulièrement à la malice de cette Olympe de Gouges. La souplesse et la féminité de ce dessin est tout à propos pour évoquer le baroque de la mode et des mœurs de l'époque, enfin, jusqu'à ce qu'il ne tombent jusqu'à ce qu'il ne tombe dans le sanguinaire et le patriotique, où là encore, Catel s'en tire haut la main...

Un petit mot de soutien à un livre qui à n'en pas douter a demandé un gros travail aux auteurs, du fait d'une pagination de 400 planches et de l'imposante recherche bibliographique que le sujet a nécessité. Et en complément de la bande dessinée, Bocquet se paie le luxe d'un chapitre biographique concernant les personnages historiques importants ou insolites qu'Olympe croisera pendant sa vie. !
Outre les qualités soulignées par Marion, en particulier celles de la sensibilité du dessin et de l'une langue fine magnifiée grâce à l'humour et au sens de la formule - Hier j'étais un homme de demain, aujourd'hui je suis un homme d'hier, et comme Kiki l'avait déjà démontré, c'est le sens de l'ellipse (ô combien important en bd !) qui permet au récit de ne pas rester indigeste, de rebondir tout en traçant l'essentiel. Les auteurs semblent s'être fondus dans le personnage, avec une certaine empathie et une réelle humanité, sans tomber dans l'excès, et en gardant à l'esprit le romanesque qu'une telle destinée suggère. Le choix d'ordonner les chapitres avec un nom d'un lieu et le dessin de l'architecture correspondante est une fort bonne idée !
Mesdames et messieurs les enseignants qui nous suivent, vous pouvez faire lire sans hésitation ce volume à vos élèves !

ellipses pas toujours maîtrisées, amenant à certaines difficultés de compréhension... mais je suis en pleine lecture et déjà fatigué, ceci expliquant peut-être cela.
je souscris sinon à toutes les autres louanges !

quant à le faire lire à des élèves... tout du moins les miens, je n'y crois pas une seule seconde. Sans doute plus niveau lycée ?

eraserhead a écrit:

Sans doute plus niveau lycée ?

Assurément !

très bonne lecture, mais je persiste à dire que quelques unes des 'ellipses', assez systématiques d'ailleurs, fonctionnent moins bien. Le dessin s'adapte remarquablement, finement (souvent - de façon un peu lourde parfois), au fil des événements.
Le récit est tenu, construit au cordeau.

on est plus éclairé à la fin de cette lecture, et ça fait plaisir.

http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Olympe_de_Gouges

C'est un ouvrage très informatif et rigoureux, je suis impressionnée par le travail fourni. C'est un récit très dense, parfois trop comme dans la première partie du livre où le récit m'a semblée tourner en rond mais l'approche des évènements fondateurs de la Révolution Française l'a fait s'accélérer.
Olympe de Gouges est une femme en avance sur son temps biensûr dans la lutte pour le droit des femmes mais pas seulement, contre la peine de mort et l'esclavage aussi. Cela permet de se souvenir que les femmes arrivent à faire changer les mentalités, non sans mal , et souvent en sacrifiant leur propre vie.

myrte a écrit:

Cela permet de se souvenir que les femmes arrivent à faire changer les mentalités, non sans mal , et souvent en sacrifiant leur propre vie.

certains hommes aussi, des fois

Biensûr mais tu admettras peut être qu'on parle plus souvent des hommes que des femmes.

oui, j'admets

Eh bien je suis tout à fait ravie d'avoir eu l'occasion de lire cette copieuse biographie, dont je n'aurais jamais osé attaquer l’ascension dans le coup de pied au c... du sheriff !! Alors oui, c'est long, il faut prévoir du temps et j'ai hélas surestimé mes forces (j'ai bien regretté que mes paupières me trahissent avant que j'aie pu lire les notes et les biographies finales, car j'étais bien "dedans" !) mais l'H/histoire coule tellement bien et les personnages sont si bien campés que la digestion se fait sans effort. Joli dessin bien net et impressionnant travail !

Très intéressante cette bio , archi documentée et fort bien écrite . J'ai découvert une page de l'histoire que je ne connaissais pas et un personnage qui même s'il est certainement un poil idéalisé nous en impose par son caractère et sa détermination .
Une égérie de la cause féministe au 16 e ce n'est pas banal même si ce siècle est soi-disant celui des lumières
Belle découverte malgré le dessin un peu lassant je trouve , ou est-ce la longueur du pavé ?

Une petite critique dans Télérama cette semaine...

Et je viens de le finir. Ça se lit bien même si c'est un peu long et je n'ai finalement pas appris grand chose, en tout cas pas en proportion du nombre de page..... Je ne suis pas fan du dessin, non plus !
Ce livre reste une lecture que l'on peut conseiller tout de même.

hé ben , j'avais bien fait de prendre une semaine de vacances , rarement une seule et même BD m'aura occupé autant de temps ! Je reporte du coup ma lecture d'Habibi à plus tard !

Cet Olympe de Gouges , par son caractère instructif vaut bien en effet quelques livres d'histoire ou quelques dizaines de pages Wikipédia. Richement documenté , on ne peut être qu'admiratif de l'investissement total des auteurs à traiter le destin de cette femme hors norme , mais aussi à relater tout un pan de l'histoire de France.

Le problème avec un tel pavé , c'est qu'il est bien difficile de tout retenir , de tout comprendre et je suis ressorti avec la frustration d'être passé à côté de plein de détails , d'émotions et plus particulièrement au niveau du dessin , mon attention se portant plus sur la narration ou sur la chronologie historique des faits ...

Une seconde lecture s'impose vous allez me dire , euh oui mais pas tout de suite , je digère !

Enfin , chapeau à Marion pour cette chronique , face à un tel ouvrage , je suis admiratif.

Entièrement d'accord Can !
Deux jours ne sont pas du tout suffisant pour apprécier le bel ouvrage à sa juste valeur.
Les notes - et notamment la biographie détaillée en fin d'ouvrage - me semblent indispensables à une bonne lecture du livre. Les ellipses sont alors beaucoup plus claires.

Après, je m'attendais à vivre une aventure formidable, palpitante, au côté d'Olympe.
Je finis le livre un peu déçu par le "personnage". Est-ce bien normal ?

Une BD ô combien prenante et bavarde!
Je ne l'ai pas lâchée une seule seconde (faut dire aussi que je m'y étais préparé ) et pris un malin plaisir à dévorer la vie de cette grande dame, en avance sur son temps. Bravo aux auteurs pour leur incroyable travail de recherche et de réalisation de cet imposant ouvrage de près de 500 pages.
Le dessin, tout en noir et blanc, est simple mais très détaillé. Et quel délice ces dialogues de cette époque !!!
Casterman réussit en plus un sans-faute pour cette BD à travers une édition soignée, copieuse et riche en informations post-lecture. /D

Voici d'ailleurs une intéressante Interview TV5 Monde avec Muller CATEL.

Merci à Marion de l'avoir proposée en sélection !!!

(grand remerciement au Capitaine Nicrotte de m'avoir prêté son exemplaire)

Je vous rejoins concernant le travail de documentation des auteurs... Chapeau bas !! Le dessin est en effet soigné mais je l'ai trouvé lassant... 400 pages sans couleur était trop pour moi !!
Cependant, n'ayant jamais eu un gout prononcé pour l'Histoire, j'ai énormément appris à travers cet ouvrage... Malheureusement peut être ai-je dû engloutir trop d'informations d'un coup mais la dernière heure de lecture fut éprouvante !! J'en ressors donc mitigée... Une seule chose est sure, la longueur de l'ouvrage aura eu la peau de mon vote !!!

Olympe de Gouges à l'honneur avec la Tapisserie d'Aubusson.

Sont biens mes Creusois !!!

Je découvre cette BD avec une nouvelle édition, parue ce mois-ci et lue avec grand bonheur.

Un livre dense et très intéressant, une approche singulière de la révolution et de son contexte, du foisonnement culturel de l'époque,
de la vie montalbanaise, parisienne et versaillaise mettant en lumière le parcours hors norme de cette femme avant-gardiste pour ses combats pour les droits des femmes et des noirs.

Lecture enrichissante et très plaisante

Une toute petite réserve sur le traitement du "peuple" qui semble peu valorisé (en tout cas sans nuance), et sur une vision plutôt partisane (côté Girondins).