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| Un peu de poésie dans ce monde de brute... | |
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Murena
Nombre de messages : 648 Age : 44 Localisation : quelque part au milieu de l'infini c'est absurde parce que l'infini n'a pas de milieu Date d'inscription : 12/10/2009
| Sujet: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:37 | |
| Vladimir Maïakovski – Le poète est un ouvrier (1918)
On gueule au poète: ” On voudrait t’y voir, toi, devant un tour ! C’est quoi, les vers ? Du verbiage ! Mais question travail, des clous ! “ Peut-être bien en tout cas que le travail est ce qu’il y a de plus proche de notre activité. Moi aussi je suis une fabrique. Sans cheminée peut être mais sans cheminée c’est plus dur. Je sais, vous n’aimez pas les phrases creuses. Débiter du chêne, ça, c’est du travail. Mais nous ne sommes-nous pas aussi des menuisiers ? Nous façonnons le chêne de la tête humaine. Bien sûr, pêcher est chose respectable. Jeter ses filets et dans ses filets, attraper un esturgeon ! D’autant plus respectacle est le travail du poète qui pêche non pas des poissons mais des gens vivants. Dans la chaleur des hauts-fourneaux chauffer le métal incandescent c’est un énorme travail ! Mais qui pourrait nous traiter de fainéants ? Avec la râpe de la langue, nous polissons les cerveaux. Qui vaut le plus ? Le poète ou le technicien qui mène les gens vers les biens matériels ? Tous les deux. Les coeurs sont comme des moteurs, l’âme, un subtil moteur à explosion. Nous sommes égaux. camarades, dans la masse des travailleurs, prolétaires du corps et de l’esprit. Ensemble seulement nous pourrons embellir l’univers, le faire aller plus vite, grâce à nos marches. Contre les tempêtes verbales bâtissons une digue. Au boulot ! La tâche est neuve et vive. Au moulin les creux orateurs ! Au meunier ! Qu’avec l’eau de leurs discours ils fassent tourner les meules !
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Vladimir Maïakovski (1893-1930) | |
| | | Murena
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:39 | |
| Vladimir Maïakovski – Poème (1930)
Voici le dernier poème de Vladimir Maïakovski (1893-1930), que l’on a retrouvé dans sa poche après son suicide.
I]
Elle m’aime, elle ne m’aime pas Je trie mes mains Et j’ai cassé mes doigts. Alors les premières têtes des marguerites Secouées d’une chiquenaude sont cueillies et sans doute éparpillées en mai que mes cheveux gris se révèlent sous la coupe et la douche que l’argent des années nous enserre éternellement ! honteuse sensation banale- sentiment que j’espère que je jure jamais elle ne reviendra vers moi.
[II]
C’est bientôt deux heures Pas de doute tu dois déjà dormir Dans la nuit La voix lactée avec ses filigranes d’argent Je ne suis pas pressé Et rien en moi Ne veille ni ne t’accable de télégrammes
[III]
La mer va pleurer La mer va dormir Comme ils disent. L’incident s’est cassé la gueule. Le bateau de l’amour de la vie S’est brisé sur les rochers du quotidien trivial Toi et moi sommes quittes ; pas la peine de ressasser Les injures de chacun Les ennuis Et les chagrins
[IV]
Tu vois, En ce monde tous ces sommeils paisibles, La nuit doit au ciel Avec ses constellations d’argent En une si belle heure que celle-ci Quelqu’un alors s’élève et parle Aux ères de l’histoire Et à la création du monde.
[V]
Je connais le pouvoir des mots ; je connais le tocsin des mots Ce n’est pas le genre que les boîtes applaudissent De tels mots des cercueils peuvent jaillir de terre Et iront s’étalant avec leurs quatre pieds en chêne ; Parfois ils vous rejettent, pas de publication, pas d’édition. Mais les mots sacro-saints qui vous étouffent continuent à galoper au dehors. Vois comme le siècle nous cerne et tente de ramper Pour lécher les mains calleuses de la poésie. Je connais le pouvoir des mots. Comme broutilles qui tombent Tels des pétales à côté de la piste de danse rehaussée. Mais l’homme avec son âme, ses lèvres, ses os… | |
| | | Murena
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:41 | |
| Vladimir Maïakovski – Moi (1913)
Sur la chaussée de mon âme parcourue jusqu’à l’usure les pas des fous tressent les talons de phrases dures. Là où les villes sont pendues et où les cous torses des tours sont figés, je m’en vais sangloter tout seul de ce que les agents de ville sont crucifiés au carrefour.
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Vladimir Maïakovski (1893-1930) | |
| | | Murena
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:42 | |
| Vladimir Maïakovski – Déduction
Ils ne mettront pas de fin à l’amour, ni les disputes, ni la distance. Il est prouvé, pensé, vérifié. Ici je soulève solennel mon vers de mille doigts et je prends un serment: j’aime ferme, fidèle et vraiment.
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Vladimir Maïakovski (1893-1930) | |
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:42 | |
| Vladimir Maïakovski – Quelques mots sur moi-même (1913)
J’aime regarder mourir les enfants. Avez-vous remarqué le flot ténébreux de la marée montante du rire derrière la trompe de la mélancolie? Moi dans la salle de lecture des rues j’ai si souvent feuilleté le tome du cercueil. Minuit me cherchait à tâtons de ses doigts humides Moi et la palissade défoncée, et l’église folle galopait avec des gouttes d’averse sur la calvitie de sa coupole. Je vois le Christ qui a fui de l’icône et la boue qui embrassait en pleurant l’extrémité de sa tunique gonflée de vent. Et je crie aux briques, j’enfonce le poignard de mots délirants dans la chair enflée du ciel: “Soleil! Mon père! Aie au moins pitié et cesse de me torturer! C’est mon sang répandu par toi qui coule le long des routes! Ce nuage déchiré en morceaux dans le ciel incendié sur la croix rouillée d’un clocher, C’est mon âme! Temps! Toi au moins, enlumineur boiteux, barbouille ma face, fais-en un reliquaire du monstre du siècle! Je suis seul, comme le dernier oeil de quelqu’un qui descend chez les aveugles!”
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Vladimir Maïakovski (1893-1930) | |
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:42 | |
| Vladimir Maïakovski – Adulte (1922)
L’adulte a ses affaires. Plein les poches de roubles. Faire l’amour? Mais faites donc! Pour cent petits roubles. Et moi, sans feu ni lieu, les paluches dans les poches à trous, je passais, ouvrant de grands yeux. La nuit, vous mettez vos plus beaux atours. Vous cherchez le repos sur les épouses, sur les veuves. Mais moi, Moscou m’étouffait en m’étreignant sous la boucle de ses boulevards-fleuves. Dans les coeurs, dans les montres, les amants font tic-tac. Au lit d’amour, les partenaires sont en extase. Moi, sur la place de la Passion, j’écoutais les sauvages pulsations du coeur des capitales. Tout ouvert — le coeur à demi découvert — je m’offre au grand soleil et à la flaque d’eau. Entrez avec vos passions! Montez avec vos amours! Désormais je ne suis plus maître de mon coeur. Je connais chez autrui la demeure du coeur. Dans la poitrine — personne ne l’ignore. Avec moi, l’anatomie a perdu le nord. Mon coeur est de tout corps — Il bat de toutes parts. Combien furent-ils en vingt années à l’être de seuls printemps dans son éruption emportés. Leur poids accumulé est trop lourd à porter. Trop lourd non pas pour le vers mais à la lettre.
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Vladimir Maïakovski (1893-1930) | |
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Mar 27 Mar 2012 - 11:43 | |
| Vladimir Maïakovski – Le nuage en pantalon (1915)
Votre pensée, qui rêvasse sur votre cervelle ramollie, tel un laquais obèse sur sa banquette graisseuse, je m’en vais l’agacer d’une loque de mon coeur sanguinolent et me repaître à vous persifler, insolent et caustique.
Mon âme n’a pas pris un seul cheveu blanc, et il n’y a en elle aucune tendresse sénile! Enfracassant le monde par le bourdon de ma voix, je m’avance, beau gosse, mes vingt-deux ans en prime.
Tendres! Vous couchez l’amour sur les violons. Les brutaux le flanquent sur des cymbales. Mais sauriez-vous comme moi vous retourner comme un gant pour que vous ne soyez plus que des lèvres intégrales?
Venez prendre des leçons - salonnière de satin, fonctionnaire formatée de la ligue angélique, et celle qui feuillette des lèvres sans émoi aucun, comme si c’étaient les pages d’un livre de cuisine!
Voulez-vous que je sois un enragé de la viande, ou bien, changeant de ton comme les couleurs du ciel - voulez-vous que je sois impeccablement tendre, un nuage en pantalon au lieu d’un homme charnel?
Ce n’est pas vrai qu’il y ait une Nice florale! Voilà que je me remets à chanter vos louanges - vous, hommes, défraîchis comme un hôpital, et vous, femmes, rebattues comme un proverbe.
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Extrait du poème “Le nuage en pantalon” (1915) de Vladimir Maïakovski (1893-1930) – | |
| | | Murena
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Ven 30 Mar 2012 - 9:10 | |
| Un autre poème très beau et riche d'enseignement.
« L’ignorant » de Philippe Jaccottet
Plus je vieillis et plus je croîs en ignorance,
plus j'ai vécu, moins je possède et moins je règne.
Tout ce que j'ai, c'est un espace tour à tour
enneigé ou brillant, mais jamais habité.
Où est le donateur, le guide, le gardien ?
Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais
le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre,
et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent :
que reste-t-il ? que reste-t-il à ce mourant
qui l'empêche si bien de mourir ? Quelle force
le fait encor parler entre ses quatre murs ?
Pourrais-je le savoir, moi l'ignare et l'inquiet ?
Mais je l'entends vraiment qui parle, et sa parole
pénètre avec le jour, encore que bien vague :
« Comme le feu, l'amour n'établit sa clarté
que sur la faute et la beauté des bois en cendres... »
(L'ignorant, Editions Gallimard, 1957) | |
| | | Murena
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| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Lun 2 Avr 2012 - 8:36 | |
| Un tès bel article sur V. Maïakovsky, tiré de "esprit nomades" :
Vladimir Maïakovski La vie et la poésie à la roulette russe La barque de l'amour s'est brisée contre la vie courante. Comme on dit, l'incident est clos . Un halo ambigu entoure la mémoire de Vladimir Maïakovski. Il est fait autant de détestation que de vénération. Artiste stalinien avant l’heure ? Génial héraut d’un monde en révolution ? Son suicide dramatique a plus fait pour sa reconnaissance que sa poésie dont une partie importante est aujourd’hui illisible, car polluée par les convulsions de l’histoire qui a rendu des jugements sans nuance, soit le sanctifiant, soit le maudissant. Lui, l’immense provocateur, le démiurge du verbe, aura tellement fait pour cela qu’en retour, la gifle du temps l’aura atteint. Sa grande gueule dévastatrice a séduit puis repoussé. Ogre des sentiments et des idées, il aura dévoré les autres avant que de s‘autodétruire. Ce taureau furieux aura traîné son propre corps dans l’arène. Physique de bûcheron, âme de cosaque, il aura élagué la poésie russe à grands coups de hache. Pour lui tout devait être porté à l’incandescence, à la brûlure la plus vive. Il concevait le poème comme un fleuve, comme une fonderie d’acier. « Comment osez-vous vous prétendre poète et gazouiller gentiment comme un pinson ? Alors qu’aujourd’hui il faut s’armer d’un casse-tête pour fendre le crâne du monde ! » Le rythme, le rythme avant tout ! Et au diable les images et les pâmoisons poétiques. « Un poète doit développer son propre rythme… Le rythme magnétise et électrise la poésie ; chaque poète doit trouver le sien ou les siens. » Il aura foutu un sacré bordel dans les lettres russes, barbare violeur de langue. Il aura établi un immense vide-grenier des sentiments. Après le passage d’un tel ouragan que reste-t-il ? Il reste pour nous l’amant tragique de l’amour et de la Révolution, aussi malheureux avec l’un comme avec l’autre. Personnage central du Bal des Ardents de la poésie, ses cendres fument encore maintenant. Chantre des opprimés, crieur lyrique des rues, militant exalté, il demeure le Tribun, l’aboyeur de la Révolution. Il en suit pas à pas, anecdote après anecdote le déroulement. Politique jusqu’aux os, il tient un journal de bord outrancier et frénétique du quotidien du bolchevisme. « La parole est à vous camarade mauser, Maïakovski, Marche gauche, 1918 » Il va sillonner toute l’URSS pour tenir meeting poétique et politique. De sa voix de stentor, il enflamme les foules. Son impact physique est intense, sa taille, son magnétisme, tout cela électrise les auditoires. Bien sûr la poésie dite ainsi doit être incantatoire et oratoire. Il le fut. Il se voudra le simple écho grondant de la rue au risque du simplisme. Lui qui aime se mettre en scène sait aussi devenir un simple et furieux militant de base. Réaliser cette éruption incandescente par le seul truchement du verbe et de la poésie n’était possible qu’en Russie. Cette nation a toujours entretenu une mystique adorante envers ses poètes et ses fous. Dans ce temps en gésine, prêt aux enfantements d’un autre monde et habitué à la douleur, bien des messies se seront levés, un seul se sera autoproclamé : Vladimir Maïakovski. Et le géant Maïakovski sera le plus bavard, le plus tonitruant. Le plus sincère sans doute, malgré ses retournements spectaculaires. Il était un torrent de lave en fusion, il cherchait une cause à habiter, un univers à dynamiter. Cela aurait pu être une religion, une guerre. Non il lui fallait couler la force de sa parole dans une harangue au monde. Cela sera Lénine, plutôt que le Christ ou autre chose. Il ne pouvait que vaticiner debout, comme un prophète totalement enivré de ses mots, et son évangile était lui-même. La Révolution russe ne servira que de cadre à ses propos incendiaires. Lui qui venait de l’esthétisme le plus complexe, il enfourchera le cheval furieux du futurisme, puis la machine folle du communisme. Il emportait tout sur son passage comme un torrent en crue. Il était porteur des nuées dans son ventre et dans sa gorge. Ce trop plein de vie, d’ouragan, il lui fallait l’incarner dans une religion de l’homme. Il le fit puis cessa d’y croire. Il connaissait son charisme digne de Raspoutine, et tous s’inclinaient devant lui. Blok l’avait remarqué, Pasternak lui était soumis. « Il était tout entier dans chacune de ses apparitions » constatera-t-il fasciné. Maïakovski ne se sentait bien qu’au milieu des foules qu’il subjuguait et dominait. Il se refermait sur des valeurs préfabriquées dans un nationalisme béat. Contre « ce cirque capitaliste » qui lui suffisait à expliquer les malheurs du monde, il luttera, il gueulera, il maudira, pour faire advenir le règne de l’amour possible et de la fraternité. Il y a un parfum de guerre civile dans sa poésie. Guerre à l’extérieur certainement, mais guerre que Maïakovski porte contre aussi contre le verbe conformiste autour de lui. Il était partisan de « la Gifle au goût public ». Et il vaticine : « Votre pensée/Rêvant dans votre cerveau ramolli/Comme un laquais repu se vautre au gras du lit/Je la taquinerai sur un morceau de cœur sanglant/J’en rirai de tout mon saoul, insolent et cinglant ». Traces d’une comète nommée Maïakovski Sa vie sera celle d’une comète laissant une traînée de feu derrière lui. Et le valeureux Prométhée se cassera en morceaux devant une petite poupée perverse. Le fait de naître lui aussi géorgien, comme Staline, le 7 juillet 1893 à Bagdadi, ne lui aura pas porté bonheur. Son père était garde forestier. Poussée par la misère sa famille va s’installer à Moscou, cette ville de Moscou qui le possède dans un rapport amour-haine (« Moscou m’étouffait en m’étreignant »). Il militera dès 1908 dans les noyaux bolcheviques, fera de la prison dès 16 ans pour propagande sociale-démocrate ! Vladimir se lancera aussi à corps perdu dans le futurisme et, iconoclaste, rejettera toute forme ancienne se grisant d’avant-gardisme outrancier. Il se voudra moderne et moderniste, possédé par le verbe et provocateur. À vingt ans, il publie son premier recueil de poèmes : « Moi ! » et faisait représenter sa première pièce « Vladimir Maïakovski » à Petersbourg. Cet ego impudique se mêle à la volonté de parler pour ceux qui n’ont pas la parole. Sa vie se fera à corps perdu. En 1914, sa rencontre avec Lili Brik, grâce à la sœur Elsa Triolet, bouleverse totalement sa vie et sera sa perte et sa raison de vivre.
Il l’aimera d’une passion aveugle et deviendra sa chose. Cet amour « ardent, tortueux, passionné et abrasif » sera sa révélation et son abîme. Lili ne le lâchera plus et sera de toutes les aventures, du futurisme au poète officiel. Son génie sera alors bien canalisé dans l’idéologie des soviets. Il en sera le chantre et deviendra le héros christique de la jeunesse. Il ne faisait pas dans la nuance ni dans la compréhension des autres. Son attitude envers Tsvétaéva sera odieuse. Possessif en tout il ne pouvait s’apitoyer sur rien. Sa lucidité tardive l’opposera vers la fin à la critique officielle (« Je joue des coudes à travers la bureaucratie, les haines, les paperasses et la stupidité »). Ses pièces seront cinglantes (« la Punaise » 1920, et « les Bains » 1929). Mais c’était bien trop tard. Déjà il servait d’alibi et l’on avait trop besoin de lui pour l’exclure ou le déporter comme tant d’autres. Et lui ne pouvait renier toute une vie. Momifié tel qui l'était par le régime, ses ruades n’avaient plus aucune importance. D’autant plus qu’en 1924 paraît son ode à Lénine. Et Lili tenait la laisse malgré la rupture en 1925 et rassurait le pouvoir sur le comportement de « son génie ». Sa vision très simplifiée du monde lui laissait croire que l’amour ne pouvait n’être que malheureux dans un univers ploutocrate dominé par l’argent. Pris dans les redoutables filets des sœurs Brik, Lili et Elsa, expertes en manipulation des sentiments. il n’appliquera pas hélas ce principe à lui-même. Toutes deux furent ses maîtresses et les âmes damnées et diablesses du KGB. Lili épousera d’ailleurs, (comme récompense ?), un général du KGB en 1943. Ainsi à Paris ou New York, quand il aura tenté de s’échapper du carcan et sera tombé amoureux d’autres femmes (Elly Jones ou une autre belle dame, l’actrice Veronika Polonskaya), les pressions le ramènent à son chemin de croix. Il tombe peu à peu en disgrâce et la suite est connue. L’ère de Jdanov était bien en place. À un ami rencontré à Nice il a ce mot atroce « Moi je rentre en Russie car je ne suis plus un poète, je suis devenu un clerc de notaire de la Révolution ». Désabusé il va errer, se battant encore pour sa revue, « Lef ». De plus en plus je me demande s’il ne serait pas mieux que je me mette d’une balle un point final. (La flûte des vertèbres) Cela fut fait par ses soins en se suicidant d’un coup de revolver en plein cœur, le 14 avril 1930 à dix heures et quart, à l’âge de 37 ans : « La barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante. Comme on dit, l’incident est clos... ». Ses derniers mots sont : « Soyez heureux ». Et aussi « Lili aime moi » Funérailles nationales, cercueil tapissé d’étoffe rouge, souliers solides et résistants aux semelles ferrées au pied, costume foncé enfin bien mis, fleurs à foison, foule en délire, sanctification par Staline en1935 comme le « poète de la Révolution », ne changeront rien à l’incompréhension profonde entre le poète et le monde. Ce monde qui n’aura vu dans ses textes que des marches et des chansons pour entraîner les bataillons de la République dans les attaques des guerres civiles. Il avait imprudemment écrit : Où que je meure je mourrai en chantant, dans quelque bouge que je tombe, je sais je suis digne de reposer avec ceux qui reposent sous le drapeau rouge. Le drapeau rouge lui est rentré dans la gorge. Ce suicide, qui aura retenti comme un coup de pistolet dans une salle de concert, a quelques explications. Maïakovski faisait simplement un constat de faillite : - embourgeoisement total de la révolution d’octobre et faillite de l’art révolutionnaire - persécution tatillonne par le pouvoir triomphant des fonctionnaires imbéciles - perte de son pouvoir d’orateur car devenu aphone il ne pouvait plus brandir le verbe de la déclamation - trahison constante de Lili - solitude et perte d’inspiration - le peuple pour lequel il voulait écrire s’est détourné de lui - doutes sur tout : l’avenir, la modernité, l’art, l’amour, la révolution,… - attirance pour la mort violente Maïakovski et ses utopies Art, révolution et donc l’amour seront au centre de sa vie. Et bateau ivre il ira à la mer, éclaté, désespéré. À la question insoluble : « L’amour va-t-il ou pas naître ? », il n’aura pour réponse que la disparition. Lui le double mètre, (il faisait plus de deux mètres), qui toisait le monde de façon goguenarde, se fera tout petit devant une poupée perverse, espionne et traîtresse de surcroît.
Lui le superbe qui s’écriait : « À mon puissant verbe le monde Est tremblant. je suis superbe… » (Le nuage en pantalon), la vie et la perversion de la Révolution lui rabattront le caquet. Pourtant il aura bagarré contre les Philistins, les cerveaux ramollis. Il aura chassé les marchands du Temple mais pas du Kremlin. Prodigieux orateur, lecteur enflammé en public, il est tout entier oralité. Sa poésie ne peut être jugée que lue à voix haute. Certes une grande partie de ses vers peut paraitre ridicule, ou du moins pénibles, à lire aujourd’hui que la tourmente de l'urgence est retombée, images du réalisme socialiste triomphant, (« Lénine », « Ça Va », « 150 000 000 » et tant d’autres). Mais sa poésie amoureuse tient toujours le coup. Il se voulait rebelle, il sera exploité comme fonctionnaire du bolchevisme. Il se voulait barbare, les fonctionnaires des lettres ne le supportaient pas. Au point que son suicide allait soulever bien des questions. Il faut tout pardonner à quelqu’un qui a écrit cela : Minuit accourant un couteau à la main a rattrapé a égorgé la douzième heure dehors. (Le nuage en Pantalon). Sa langue cinglante, directe est plus facile à traduire que Tsvétaéva, Blok ou autres. Aussi ses soi-disant camarades ont vite inondé l’Occident de ses textes choisis. Jusqu’à l’écœurement hélas. Maïakovski demeure : « Je suis là où se trouve la douleur à chaque larme qui s’enfuit sur ma croix je me crucifie » (Le nuage en Pantalon). Il aura douté, voulant fuir « le pain rassis des caresses d’hier » et « le cadavre des rues lynché par le pavé ». Lui « l’archange au pas de fonte » aura trébuché devant la désillusion amoureuse et la perte de foi révolutionnaire « Au-dessus de tout je place le néant » (Le nuage en pantalon). C’est le néant qui deviendra son tout. Papillon fou il se sera cogné à toutes les fausses lampes des idéologies et des amours. « L ‘univers dort l’oreille énorme posée sur sa patte nuitée d’étoiles » (Le nuage en Pantalon). Vladimir Maïakovski est lui aussi un naufragé des mots et des choses. Proclamé, même avant d’avoir véritablement écrit, génie et nouvel astre des lettres russes, il prend au sérieux son élection parmi les hommes. Il aura le mépris facile et il attendra que « la terre entière se convulse de désir » devant lui. Ce mélange d’orgueil fou, de mégalomanie, mais aussi le trop plein de failles intérieures profondes conduira à la trajectoire heurtée et à la chute de cet astre noir. Maïakovski maintenant Maïakovski reste écartelé dans notre mémoire pour d’une part avoir été embaumé dans son rôle de poète officiel de Lénine. Mais aussi d’autre part pour avoir été un jour ce souffle immense et cette générosité. Il aura apostrophé le monde. Poète ou orateur, sans doute les deux, il pouvait imaginer 1500 vers dans sa tête d’un seul coup et les jeter en pâture à la foule. Cette folle tentative de vouloir inventer un langage d’avant-garde pour exalter l’aube d’une révolution, et de continuer malgré le carcan de la propagande politique, aura été une aventure étonnante dans le siècle précédent.
Habité par sa lutte contre l’injustice Maïakovski sera un poète de l’utopie, du progrès à tout prix. Il aura brisé la langue russe pour la remodeler à son souffle. Du futurisme au culte prolétarien il a secoué le verbe, aura déconstruit la poésie. Il a introduit le langage de la rue, le langage quotidien dans la vie même. Mais échec amoureux et échec politique seront au bout du chemin. Les statues et les rues en son nom aussi : « Je me fiche/des tonnes de bronze, je me fiche/du marbre glaireux. Avec la gloire nous ferons nos comptes, nous sommes gens de connaissance. » Sa poésie essentiellement sonore supporte mal la lecture papier, et des pans entiers sont illisibles. Sa poésie de l’avenir semble appartenir au passé. Certains en disant le nom de Vladimir Vladimirovitch Maïakovski, (Volodia pour ceux qui l’aimaient), voient une marée de drapeaux rouges s’agiter sous leurs yeux. D’autres se mesurent à ses textes et sans l’auréole de la légende, la magie sonore du verbe ne joue plus et sa poésie semble parfois emphatique et creuse. Il semble rester une légende qui s’estompe. L’incident Maïakovski n’est pas clos, et nous ne sommes toujours pas quitte envers lui, et nous ne sommes pas plus heureux. Cheval ne pleure pas, écoute-moi pourquoi penses-tu être pire que nous cheval chéri, nous sommes tous un morceau de cheval tous un cheval en devenir. Lecture de 1929. Gil Pressnitzer Choix de textes Quelques poèmes Au moment d’illustrer par quelques textes sa force tellurique, peu d’exemples viennent, car comment capter un fleuve charriant autant de boue que de diamants ? En voici un tout petit exemple glané dans les quelques traductions existantes **** Mais peut être Ne reste-t-il Au temps caméléon Plus de couleurs ? Encore un sursaut Et il retombera, Sans souffle et rigide. Peut - être, Enivrée de fumées et de combats, La terre ne relèvera-t-elle jamais la tête ? Peut être, Un jour ou l'autre, Le marais des pensées se fera cristal Un jour ou l'autre, La terre verra le pourpre qui jaillit des corps, Au-dessus des cheveux cabrés d'épouvante Elle tordra ses bras, gémissante Peut être... Écoutez ! Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ? C'est que quelqu'un désire qu'elles soient ? C'est que quelqu'un dit perles ces crachats ? Et, forçant la bourrasque à midi des poussières, il fonce jusqu'à Dieu, craint d'arriver trop tard, pleure, baise sa main noueuse, implore il lui faut une étoile ! jure qu'il ne peut supporter son martyre sans étoiles. Ensuite, il promène son angoisse, il fait semblant d'être calme. Il dit à quelqu'un : " Maintenant, tu vas mieux, n'est-ce pas ? T'as plus peur ? Dis ? " Écoutez ! Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ? c'est qu'il est indispensable, que tous les soirs au-dessus des toits se mette à luire seule au moins une étoile? traduction Simone Pirez et Francis Combes À vous toutes que l’on aima et que l’on aime icône à l’abri dans la grotte de l’âme comme une coupe de vin à la table d’un festin je lève mon crâne rempli de poèmes Souvent je me dis et si je mettais le point d’une balle à ma propre fin Aujourd’hui à tout hasard je donne mon concert d’adieu Mémoire ! Rassemble dans la salle du cerveau les rangs innombrables des biens-aimées verse le rire d’yeux en yeux que de noces passées la nuit se pare de corps et corps versez la joie que nul ne puisse oublier cette nuit Aujourd’hui je jouerai de la flûte sur ma propre colonne vertébrale Vladimir Maïakovski 1915 extrait de « La flûte des vertèbres » Est-ce vous Qui comprendrez pourquoi, Serein, Sous une tempête de sarcasmes, Au dîner des années futures J’apporte mon âme sur un plateau ? Larme inutile coulant De la joue mal rasée des places, Je suis peut-être Le dernier poète. Vous avez vu Comme se balance Entre les allées de briques Le visage strié de l’ennui pendu, Tandis que sur le cou écumeux Des rivières bondissantes, Les ponts tordent leurs bras de pierre. Le ciel pleure Avec bruit, Sans retenue, Et le petit nuage À au coin de la bouche, Une grimace fripée, Comme une femme dans l’attente d’un enfant À qui dieu aurait jeté un idiot bancroche. De ses doigts enflés couverts de poils roux, le soleil vous a épuisé de caresses, importun comme un bourdon. Vos âmes sont asservies de baisers. Moi, intrépide, je porte aux siècles ma haine des rayons du jour ; l’âme tendue comme un nerf de cuivre, je suis l’empereur des lampes. Venez à moi, vous tous qui avez déchiré le silence, Qui hurlez, Le cou serré dans les nœuds coulants de midi. Mes paroles, Simples comme un mugissement, Vous révèleront Nos âmes nouvelles, Bourdonnantes Comme l’arc électrique. De mes doigts je n’ai qu’à toucher vos têtes, Et il vous poussera Des lèvres Faites pour d’énormes baisers Et une langue Que tous les peuples comprendront. Mais moi, avec mon âme boitillante, Je m’en irai vers mon trône Sous les voûtes usées, trouées d’étoiles. Je m’allongerai, Lumineux, Revêtu de paresse, Sur une couche moelleuse de vrai fumier, Et doucement, Baisant les genoux des traverses, La roue d’une locomotive étreindra ton cou. Si je croyais à l'outre-tombe... Une promenade est facile. Il suffit d'allonger le bras, – la balle aussitôt dans l'autre vie tracera un chemin retentissant. Que puis-je faire si moi de toutes mes forces de tout mon cœur en cette vie en cet univers ai cru crois. Maïakovski, Cela, 1923 Au sommet de ma voix (1928-1930) Derniers vers inachevés 1 Elle m’aime, elle ne m’aime pas Je trie mes mains Et j’ai cassé mes doigts. Alors les premières têtes des marguerites Secouées d’une chiquenaude sont cueillies et sans doute éparpillées en mai que mes cheveux gris se révèlent sous la coupe et la douche que l’argent des années nous enserre éternellement ! honteuse sensation banale - sentiment que j’espère que je jure jamais elle ne reviendra vers moi. **** 2 C’est bientôt deux heures Pas de doute tu dois déjà dormir Dans la nuit La voix lactée avec ses filigranes d’argent Je ne suis pas pressé Et rien en moi Ne veille ni ne t’accable de télégrammes *** 3 La mer va pleurer La mer va dormir Comme ils disent. L’incident s’est cassé la gueule. Le bateau de l’amour de la vie S’est brisé sur les rochers du quotidien trivial Toi et moi sommes quittes ; pas la peine de ressasser Les injures de chacun Les ennuis Et les chagrins **** 4 Tu vois, En ce monde tous ces sommeils paisibles, La nuit doit au ciel Avec ses constellations d’argent En une si belle heure que celle-ci Quelqu’un alors s élève et parle Aux ères de l’histoire Et à la création du monde. *** 5 Je connais le pouvoir des mots ; je connais le tocsin des mots Ce n’est pas le genre que les boîtes applaudissent De tels mots des cercueils peuvent jaillir de terre Et iront s’étalant avec leurs quatre pieds en chêne ; Parfois ils vous rejettent, pas de publication, pas d’édition. Mais les mots sacro-saints qui vous étouffent continuent à galoper au dehors. Vois comme le siècle nous cerne et tente de ramper Pour lécher les mains calleuses de la poésie. Je connais le pouvoir des mots. Comme broutilles qui tombent Tels des pétales à côté de la piste de danse rehaussée. Mais l’homme avec son âme, ses lèvres, ses os… Adaptation personnelle Bibliographie À pleine voix : anthologie poétique 1915-1930, traduction Christian David, Gallimard, « Poésie », 2005. Écoutez : si on allume les étoiles..., poésies choisies et traduites par Simone Pirez, Francis Combes, Pantin, Temps des cerises, 2005. Anthologie, trad. Claude Frioux, Paris, Textuel, " L'œil du poète ", 2004, nouv. éd. Le petit cheval de feu [1927], trad. Odile Belkeddar, ill. Flavio Costantini, Éd. Des Lires, 2003 Nuage en pantalon, suivi de Écoutez !, Une viole un peu nerveuse, et de Flûte en colonne vertébrale, L'Isle-Adam, Saint-Mont, 2001. Le nuage en pantalon : tétraptique, trad. Vladimir Berelowitch, Paris, Mille et une nuits, « La petite collection « , 1998. Vers : 1912-1930, éd. et trad. Claude Frioux, Paris, L'Harmattan, « Poètes des cinq continents » , 2001 | |
| | | Murena
Nombre de messages : 648 Age : 44 Localisation : quelque part au milieu de l'infini c'est absurde parce que l'infini n'a pas de milieu Date d'inscription : 12/10/2009
| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Lun 2 Avr 2012 - 8:39 | |
| Un grand classique, qui me touche particulièrement :
Charles Baudelaire
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! | |
| | | Murena
Nombre de messages : 648 Age : 44 Localisation : quelque part au milieu de l'infini c'est absurde parce que l'infini n'a pas de milieu Date d'inscription : 12/10/2009
| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Sam 7 Avr 2012 - 19:20 | |
| Se voir le plus possible.
Sonnet.
Se voir le plus possible et s'aimer seulement, Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge, Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge, Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge, Faire de son amour un jour au lieu d'un songe, Et dans cette clarté respirer librement Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême, Cest vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci, C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.
Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème, Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci : Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.
Alfred de Musset. | |
| | | Murena
Nombre de messages : 648 Age : 44 Localisation : quelque part au milieu de l'infini c'est absurde parce que l'infini n'a pas de milieu Date d'inscription : 12/10/2009
| Sujet: Re: Un peu de poésie dans ce monde de brute... Sam 7 Avr 2012 - 19:20 | |
| Mon rêve familier.
Sonnet.
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore. Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine. | |
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