L'été 79 de Barthe

Hugues Barthe a vécu une enfance particulièrement traumatisante et ses vacances de l’été 79 ont été le point culminant d’une souffrance partagée avec ses frères et sa mère, et dont il a décidé de témoigner, comme pour un exorcisme.
La trame est classique : un père alcoolique et violent, qui frappe sa femme, propose le silence à ses enfants et terrorise tout le foyer. Bien entendu, tout le monde alentour le sait, et tout le monde fait mine de ne rien savoir, y compris chez les proches. Barthe raconte avec le plus d’honnêteté possible sa vision de l’époque, celle d’un adolescent sensible et réfléchi, qui n’a que sa douceur à opposer aux crises paternelles. Et qui, confronté à l’impossibilité physique de défendre sa mère, organise sa propre fuite. Des femmes importantes font alors figure de bouées de sauvetage : la grand-mère, sciemment sourde et aveugle face au sort de sa propre fille, et tatie Dominique qui représente au yeux d’Hugues un monde rêvé un peu inaccessible.
Diamétralement opposé à l’expression théâtrale d’à la folie…, qui développe aussi le thème de la violence conjugale, et grâce à la distance que permet le témoignage enfantin, le récit parvient à ce que la terreur s’insinue dans l’esprit du lecteur et devienne peu à peu étouffante. Jamais le père ne figure dans le champ ; comme un hors-la-loi, un monstre qui rôde autour des cases. Même son absence, quand il se torche au troquet, est pesante. Le parti pris graphique et le thème du documentaire familial rappellent un peu le travail de David B. sur L’ascension du Haut Mal, à la différence que la place laissée au blanc est plus importante ici. Le blanc de l’innocence ? Bafouée ?
Un second tome est annoncé pour l’an prochain, et Barthe en aura fini d’inspecter les morsures de son passé. Espérons pour lui que le travail aura valeur thérapeutique. Mais il a dores et déjà atteint quelque chose, car la réussite de sa bande dessinée, en définitive, c’est de hisser un drame familial à une dimension universelle, quand la mise en scène permet au lecteur de se sentir concerné au-delà de la simple empathie et de vivre le malheur des autres de son point de vue d’intrus.

Très belle chronique Fred , merci pour cette découverte , je ne connaissais pas du tout Hugues Barthe , son été 79 m'a bluffé.

Forcément , il est difficile de rester insensible à l'histoire , malgré la lourdeur du sujet , on ne verse jamais dans le sinistre et c'est ce que j'ai le plus apprécié.
L'auteur développe une ambiance et fait preuve de beaucoup de délicatesse tout en maitrisant sa narration avec les mots et l'imagination d’un adolescent , même si le dessin est assez neutre , peu importe sur ce genre de récit , il doit rester , comment dire secondaire.

Au delà des violences conjugales , Barthe porte aussi un regard très juste sur l’isolement dans les campagnes , le manque de perspective , certes cela se passe en 1979 et les choses ont bien évolués depuis , mais cela m'a touché.

Un petit coup de cœur donc , j'attends l'Automne avec impatience.

Effectivement le ton est celui des albums de photo de l'enfance. Amusé tout de même, on se surprend à sourire à plusieurs moments, mais ces photos surannées cachent une réalité pas franchement drôle.
C'est un peu ce que montre l'une des belles scènes du livre, où la mère sort les photos de la période heureuse : on ne verra rien de ces photos, seulement le revers, une date, comme le titre de l'album... la vie passe et ce qu'il en reste n'est pas toujours reluisant.
Belle chronique de la vie en province, malgré un dessin pas toujours très réussi, certes au 2nd plan, mais quand même. Dans le genre autobiographie petit format noir et blanc intimiste, il y a eu sans doute mieux sur ce plan.

une bonne lecture tout de même.

C'est vrai : on a déjà lu des livres dans la même veine. L'autobiographie en bande-dessinée, noir et blanc. Ca fait partie de mon catalogue de références pas trop large. Mais peut-on reprocher à un livre de reproduire des codes déjà existants quand l'auteur s'en accommode si bien ? Tout ça est de bien belle qualité et trouvera sa place dans la sélection annuelle et dans ma bibliothèque. J'attends l'automne !

Je suis bien d'accord avec toi Superphane
Certes dans le genre, Hugues Barthe s'inspire plus qu'il n'invente
J'ai vu beaucoup de chester brown et du david b la dedans...
Ce n'est pas révolutionnaire, certes, mais ça marche
Il use de codes existants mais les maitrise vraiment
Je crois surtout que son histoire illustre bien le malaise et le silence que peut parfois - souvent?- engendrer ce genre de malaise familial.
Les choses sont complexes, les gens ni mauvais ni gentils
La grand mère par exemple qui nie l'alcoolisme et la violence de son gendre est cruelle...et pourtant elle est aussi vu comme un réconfort par le héros...
La mère est assez incroyable dans le genre masochiste...
Tout parait si juste dans ses descriptions...c'est ce qui en fait sa force je trouve
Hugues Barthe ne parle pas de lui pour parler de lui... Il nous présente une situation, un contexte bien particulier...
Il est au delà du "je", c'est ainsi, je trouve, que l'autobiographie peut être un genre très puissant.

Tout est dit !

Une ambiance des plus pesante, un récit fort et convainquant et un dessin bien maitrisé mais un peu quelconque. Un bel ouvrage sans surprise.

L'automne risque en plus d'être froid et humide....

C'est très beau. C'est prenant. L'auteur véhicule très bien cette absence, ce poids que représente ce père. La violence des mots, des dialogues du père, sont assez terrifiants je trouve !

C'est juste. Pas de pathos. Chaque protagoniste est bien cerné, dans ces travers comme dans ses qualités, dans sa complexité.

Le dessin m'a plu. C'est simple, épuré, mais comme l'histoire en fait, ce qui donne je trouve une vraie cohérence entre le récit et le dessin.

Une belle réussite donc, un album qui remu, et pour le coup, mon shériff du mois...désolé pour "The Groccery" que j'ai beaucoup aimé, mais ce témoignange est vraiment très fort.

Un récit intimiste plaisant retraçant de manière délicate le destin artistique de l'auteur à partir de son drame familial.
Un dessin par ailleurs simple ou "naïf" comme le dit le narrateur (fan de Goldorak)!
Bref, cette bonne mise en bouche n'attend qu'une seule chose : la suite et fin de cette histoire autobiographique.

joli récit, joli dessin, du bon boulot en sommes même si pas exceptionnel quand même.

Pour le dessin au style "tout simple", ça me va, rien d'exceptionnel mais ça passe
Pour le portrait de l'époque c'est extra (hé oui, on écrivait des lettres !! et on attendait la réponse après plusieurs jours - c'est idiot mais ça m'a fait tout drôle !)
Le scenario "saute" un peu, que ce soit volontaire ou non, il aurait mérité un peu plus de ... liant (?) entre les scènes
Mais au delà de tout ça, la description de l'angoisse quotidienne, rendue supportable par quelques bouffées d'air d'"ailleurs", est formidablement réussie. L'effet de catharsis est quasiment palpable et j'imagine ce que la réalisation certaines planches a dû coûter à l'auteur.
Réussir à extirper et exhiber ainsi des sujets aussi "honteux" qu'alcoolisme et violences conjugales de proches est preuve d'un grand courage. Ma respectueuse révérence et mon vote iront à l'auteur pour cette raison.

Je n'ai pas aimé le dessin que je trouve carrément faible, même si l'auteur justifie son choix de style, je pense qu'il devrait soigner un peu plus.
J'ai trouvé le développement trop long et un seul tome m'aurait largement suffi car par moment je me suis ennuyé et j'ai du mal à voir ce qu'apportera le 2ème tome. Il sera sans doute d'avantage consacré à la relation de l'auteur avec sa tante (et sa cousine ?), relation promise et attendue tout le long de cet ouvrage, mais juste entraperçue.