Publié en 1973 et 1974 dans un magazine pour enfants,
Gen d'Hiroshima est un drame quasi-autobiographique, légèrement romancé, de l'auteur (âgé de 34 ans) qui a vécu ce fameux et terrible bombardement américain du 6 août 1945 dans sa ville d'Hiroshima. Le récit est ainsi très réaliste et nous fait ressentir ce tragique événement de notre Histoire à travers sa vie d'avant et d'après l'explosion de la toute première bombe atomique utilisée contre l'Humanité. Cela nous permet une bonne piqûre de rappel sur la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans ce pays ultra-nationaliste et le traumatisme causé par cet aveuglement (ce suicide collectif) orchestré par l'Armée et l'Empereur, la cause étant perdue depuis longtemps. Nous n'avons pas affaire à un cours d'histoire, ne vous inquiétez pas, le mangaka souhaitant avant tout faire partager sa propre expérience (il avait 6 ans au moment des faits, lorsqu'il perdit sous ses yeux son père, sa sœur et l'un de ses frères) et sa propre vision afin de ne pas renouveler ce massacre et surtout les conséquences à long-terme sur la société nippone voire mondiale. Il s'agit d'un témoignage, sincère, fort et poignant, pacifiste et à la fois humaine et humaniste. Le dessin, certes old-school (le titre a quasiment 40 ans), accentue le ressenti du vécu de
Keiji.
Gen d'Hiroshima (
Hadashi no Gen =
Gen le va-nu-pieds) a connu plusieurs versions et éditions françaises depuis 1983 (
Les Humanoïdes Associés,
Albin Michel puis
Vertige Graphic), avec plus ou moins de succès, ce qui fait de lui l'un des tout premiers mangas traduits en France. Je privilégie et conseille d'ailleurs la version de poche (en 10 tomes) qui correspond et se rapproche de l'édition originelle japonaise qui ne gâche en rien le "plaisir" de lecture, les émotions faisant le reste. Cette version de poche, made in
Vertige Graphic, est tout à fait correcte. L'avant-propos de l'éditeur et surtout l'introduction (traduite de l'édition américaine) du dernier Grand Prix du Festival d'Angoulême,
Art SPIEGELMAN, sont pertinentes et efficaces. Ce dernier souligne par ailleurs que
Keiji NAKAZAWA, "
attribuant de manière discutable les causes des bombardements aux seuls démons du nationalisme militariste japonais plutôt qu'à la Realpolitik du racisme occidental et aux enjeux de pouvoir de la guerre froide, pourrait rendre son œuvre un peu trop agréable pour le lecteur américain ou anglais".
Gen d'Hiroshima, comme tout manga à succès, connut diverses adaptations animées, TV et cinématographiques. De nombreuses récompenses dans le monde entier lui furent attribuées, notamment le
Prix Asie-ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) lors du
Japan Expo 2007.
Gen d'Hiroshima est tout simplement une
œuvre magistrale et bouleversante qui ne laisse pas indifférent, rien que cela !!!
Afin d'approfondir tout cela et de ressentir un certain "mal-être", si vous avez l'occasion de séjourner au Japon, un seul impératif et pas des moindres,
la visite d'Hiroshima !!!