BLACK LAGOONRei Hiroe Quand un auteur de manga décide de sortir des sentiers battus, on se retrouve souvent déçu car le manga rejoint en général trés vite les poncifs éculés du genre. Mais quand Rei Hiroe c'est une autre histoire !
Parlons-en de l'histoire d'ailleurs. Tout commence quand Rokuro, modeste employé de bureau dans une grande entreprise japonaise, est mandaté pour une transaction importante avec un client. Rapidement les choses tournent au vinaigre et notre pauvre salary-man se retrouve pris en otage par des pirates des mers qui s'invitent gentiment dans l'opération non pas pour y assurer l'ambiance mais pour y semer le chaos, la confusion et surtout repartir avec le CD de donnée au centre de toutes les attentions.
Rokuro qui pense alors être perdu et se voit déjà avec une balle dans la tête administré par la sexy mais non moins dangereuse Levi, il se rend compte que les meurtriers ne sont pas ceux qu'il croit. Aprés avoir été sacrifié par son employeur dans la tentative de récupération de son bien, Rokuro (renommé Rock par ses nouveaux amis) décide de rejoindre Levi la flingueuse, Dutch le boss, et Benni le petit génie de l'informatique et d'intégrer l'équipage du Black Lagoon, leurs bateau de combats.
Ainsi commence la nouvelle vie de Rock qui va découvrir un monde dont il ne soupçonnait même pas l'existence.
Après un début tonitruant, on pourrait croire que l'on a déjà cerné le manga: des meufs, des nichons, des flingues, des explosions, de la testostérone, et point barre. Autant être claire tout de suite: c'est exactement ça...SAUF QUE (oui se serait mal me connaitre) il y a bien plus que ça.
Les personnages, mecs !! Les personnages que l'on croisent tout au long de l'histoire ont un avantage certain: ils existent ! Comprenez qu'ils ont tous un background, une personnalité propre, et une psychologie toute particulière.
L'auteur explore des cotés assez noirs et torturés de l'humanité, ou ce dont un homme peut être capable pour sauver sa vie, se venger, assouvir une impulsion, gagner plus d'argent de respect ou de territoire.
Mais au delà ça, il y a aussi de nombreuses réflexions sur l'importance du choix, sur l'influence que peut avoir une rencontre dans une vie, sur la différence de point de vue d'un même événement...et j'en passe.
Le cynisme qui teinte ce récit sévèrement burné complète à merveille la noirceur du monde de la mafia et des autres organisations pas claires que l'on visite à diverses occasions. Certains personnages très ambiguës sont justes un régal à voir évoluer dans des situations loin d'être simples et qui se concluent régulièrement d'une manière inattendue et/ou cruelle, mais toujours logique.
L'auteur pousse les choses très loin et arrive à nous faire croire que nous somme en présence de vrais criminels, que c'est leurs logiques, leurs valeurs, leurs code d'honneur que nous observons. C'est un régal.
Enfin la cohérence du monde que nous arpentons avec l'équipage du Black Lagoon est elle aussi saisissante tellement les règles, et le fonctionnement de ce monde de l'ombre devient très vite familier pour le lecteur tout en réservant des surprises et des rebondissements inattendus mais qui sont dictés par les mêmes valeurs qui font exister les différents personnages.
Je terminerais tout de même en raccordant cette présentation un peu plus avec ce qu'est le manga à sa base, c'est à dire une quête initiatique mené par ce pauvre Rock qui n'est rien dans ce nouveau milieu et qui doit constamment apprendre pour arriver à rester en vie. Il va découvrir de nouvelles choses sur lui même, et devra se remettre souvent en question pour pouvoir évoluer au sein de l'équipage, obtenir leur confiance, et surtout se montrer à la hauteur de ses ambitions.
Un mot sur le design, qui se révèle juste magnifique. Le trait est juste assez direct avec ce qu'il faut de détails pour immerger le lecteur. mais là ou se situe la puissance du dessin de l'auteur c'est dans les cadrage. Rei Hiroe fait preuve d'une inventivité sans cesse renouvelée pour illustrer ses combats et sublimer ses personnages qui dégagent un charisme et un magnétisme outrancié. Enfin les armes à feu, un autre personnage central du manga, sont reproduite avec une précision et un sens du détail quasi documentaire. Les scènes n'en sont que meilleures et on se surprend à presque sentir le poids des flingues, leurs puissances et l'odeur de poudre !
Je vous conseille donc trés chaudement ce manga pour peu que vous aimiez les récits matures et bien écrit. A noter que c'est le nouvel éditeur "Kazé Manga" ancien Asuka qui nous gratifie de la réédition de Black Lagoon qui avait disparu des étale depuis la faillite de Kabuto en 2007.